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C'est un OVNI, un objet volant non identifié dans l'histoire du livre d'art romancé !
L'historienne de l'art
Nadeije Laneyrie-Dagen, à sa manière, nous conte les dernières années de vie, de 1516 à 1519, du grand
Léonard de Vinci auprès du roi François 1er à Amboise.
À la demande du roi français, Léonard quitte Rome à l'automne 1516, traverse les Alpes avec son élève Francesco Melzi et son serviteur Battista. Malade, il a 64 ans, il va vivre et travailler jusqu'à sa mort le 2 mai 1519 au manoir du Cloux (aujourd'hui le Clos Lucé, qu'il faut visiter) près du château royal. À son arrivée, le roi l'a nommé « premier peintre, premier ingénieur et premier architecte du roi » et l'accueille avec ses mots : « Ici Léonard, tu seras libre de rêver, de penser et de travailler ». le peintre a emporté trois de ses oeuvres essentielles, non terminées : « La Joconde », le « Saint Jean-Baptiste » et « La Vierge, l'Enfant Jésus et sainte Anne ».
L'historienne de l'art a-t-elle voulu s'amuser ? Je me suis longuement interrogé sur cette curieuse façon de conter cette histoire. Les faits réels sont bien présents, les personnages sont exacts, le déroulement du séjour de Léonard correspond à la réalité que l'on connait. le peintre, ingénieur, architecte, démontre l'étendue de son talent durant le temps qu'il passe au Cloux : fêtes somptueuses avec automates et décors, effets spéciaux, plans d'ouvrages fluviaux, études sur la ville de Romorantin et un futur palais qui deviendra Chambord.
La présentation du récit interroge. Deux personnages parlent : Francesco Melzi qui conte l'aventure de Léonard et « Celui qui fut Léonardo da Vinci en aucun temps, en aucun lieu », Léonard, lui-même, qui est mort depuis des siècles. Celui-ci reprend ou corrige la narration de Francesco, rajoute des faits, explique son travail, sa relation avec la cour de François 1er, et revient sur les événements survenus ensuite, après sa mort.
Un vivant. Un mort. Ces deux voix intervenant tour à tour sont curieuses, mais la lecture est intéressante. L'auteure nous donne des détails sur la vie de Léonard en Italie et en France, rectifie certains faits comme sa mort dans les bras du roi, décrit son oeuvre.
Puis, au fil des pages, la fiction se met en place. Au cours du voyage, le tableau de la Sainte Anne est perdu. Léonard veut la récupérer pour l'offrir à François 1er. Je ne raconterai pas l'histoire rocambolesque imaginée pas l'auteure autour de ce tableau. C'est plutôt compliqué. La fin du récit se termine d'ailleurs avec plusieurs Sainte Anne : la vraie, retrouvée ; une copie faite par Francesco Melzi ; une autre par Salaï, le petit diable et disciple de Léonard.
Ce récit romancé ne devant pas apparaitre suffisamment complexe à l'auteure, celui-ci s'achève par un curieux dialogue entre des personnages morts et des vivants : Francesco Melzi, décédé lui aussi,
Léonard de Vinci toujours mort, l'auteure du livre, et un historien. Ce dialogue donne des informations sur le séjour de Léonard, sur l'histoire de l'art en général, sous le contrôle de Léonard : « Je veux qu'on continue à parler de moi ». Il ne sera pas déçu, car l'on continue à parler de lui : nous apprenons que l'on a retrouvé au 19e les restes d'un squelette dans le parc d'Amboise, conservé dans la chapelle Saint-Hubert. le sien ?
Ce livre d'une historienne de l'art érudite mêlant biographie et fiction m'a intéressé par les nombreux renseignements donnés sur les dernières années du génie
Léonard de Vinci. Néanmoins, cette fiction, malgré son originalité, m'a souvent fatigué. Je me suis un peu perdu dans cette histoire de Sainte Anne qui disparait, réapparait et est copiée plusieurs fois. Il est vrai que ce tableau, comme la plupart des toiles de Léonard, a été copié de nombreuses fois de son vivant et après sa mort.
La « Vierge à l'Enfant avec Sainte Anne » qui, après des siècles d'existence, apparaissait défraichi, terne, envahi de vernis ancien, a été restaurée récemment. Aujourd'hui, ce chef-d'oeuvre, à mes yeux le plus beau de Léonard, que j'ai vu lors de l'exposition du Louvre en 2012, a retrouvé ses transparences dans les robes et voilages, ses teintes vives, des rouges violacés s'exprimant à nouveau, et l'exquis modelé des figures qui disparaissait sous les couches de vernis. Cette merveille m'était apparue telle que
Léonard de Vinci la voyait, terminée, au Clou, avant de mourir.
L'auteure ayant choisi de placer la superbe Sainte Anne au coeur de son récit, j'aurais aimé qu'elle nous présente cette scène familiale, trinité terrestre, de façon moins confuse en mettant en évidence la délicatesse des préceptes artistiques de Léonard de Vinci : rendu vaporeux des corps (le fameux sfumato), entrelacement des postures des personnages. le magnifique visage des deux femmes a été oublié : la Vierge assise sur les genoux de sa mère et la Sainte Anne qui abaisse son regard sur elle avec ce sourire bienheureux si cher à Léonard.
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