AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,33

sur 97 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Ce roman, ce conte philosophique, présente le point de vue d'un marocain moderne déboussolé.

Entre quatre points cardinaux :
- la philosophie des lumières, associée à la culture francophone classique et romantique dont il est imprégné
- la science et la philosophie arabe classiques
- les mouvement islamistes et l'islam obscurantiste en général
- la classe marocaine au pouvoir, plus intelligente mais autocratique et régnant par la terreur policière,
il ne pourra pas retrouver un sens à sa vie, après qu'une crise de doute profonde lui ait fait renoncer à une situation qui lui est apparue d'un seul coup comme complètement superficielle.

Si d'autres critiques ne vous ont pas tout dit, la quatrième de couverture suffira à situer la narration. Je passe donc illico à mes propres impressions [insérer ici le commentaire modeste de rigueur]. le début m'a un peu ennuyé : des crises existentielles, j'en ai lu d'autres, et un léger humour cynique perçait sans me réveiller vraiment. Un épisode conjugal (dans le livre, pas chez moi) a failli me dégoûter de continuer : il me tirait des sourires, mais quand c'est trop gros je ne suis pas satisfait de mes appréciations. Et puis ça s'est arrangé assez vite, la crise d'identité prenait de l'épaisseur et de la finesse tout à la fois (vous suivez?) ; l'humour commençait à me plaire. Aux alentours de la page soixante est venue une comparaison mal à propos, lourdingue (vous pourriez y croire, à un débat parlementaire entre deux parties d'un seul cerveau?), et pourtant j'ai commencé à trouver le bouquin formidable. C'est que le malheureux Adam, marocain jusqu'au fond de l'âme, a aussi exactement la même culture que moi dans l'autre moitié de son cerveau. Les citations qu'il n'arrive pas à refouler, je les connais par coeur. Quel plaisir de se souvenir que la francophonie n'est pas limitée à tel pays ou tel continent, et que la langue apporte avec elle un peu partout les merveilleuses pages dont elle est l'outil. Et c'est bien mené.

Dans la suite, Fouad Laroui désosse avec verve les mécaniques des forces opposées qui exercent leur pouvoir (politique et religieux) au Maroc, et j'ai pris quelques bonnes leçons. Sur le passé proche, mais aussi plus ancien : sur la période où la science et la philosophie étaient plus développées, l'esprit des savants plus libre en Afrique du Nord qu'en Europe, par exemple. Sur les différentes tendances de l'islam et sur leur histoire, aussi. Et le récit s'humanise, avec des personnages moins caricaturaux, des discussions philosophiques astucieuses mais faciles à suivre, toujours avec un ton léger. Il me semble que j'y ai pris le même -grand - plaisir que quand j'ai découvert les contes dits philosophiques de Voltaire (ben non, je n'exagère même pas).

Tout ça pour dire : c'est pas parfait, y a à boire et à manger (y compris quelques symboles un peu pesants : deux manifs dans la même rue, avec devinez qui au milieu?), mais si c'est distrayant tout en instruisant et en donnant à penser, il ne faut pas s'en priver.
Commenter  J’apprécie          332
Les tribulations du dernier SijilmassiFouad Laroui
Si je pouvais placer quelques mots dans ce roman, j'aurais dit ce qui suit : « Pourquoi feu grand-père citait les hadiths et le Coran, pourquoi mon père cite Ahmed Chawqi ou al Mutannabi, et moi dans tout ça, pourquoi j'ai surtout des références francophones ? »
Ben voilà, le décor est posé ! Adam Sijilmassi, ingénieur négociant pour une grande entreprise marocaine, est assommé par une épiphanie au-dessus de la mer d'Andaman à plusieurs milliers de mètres d'altitude. Il décide de faire un break dans sa vie, de retourner aux sources, ne plus courir, ne plus voyager… Ces aïeux ayant toujours vécu dans les Doukkala, eurent une vie heureuse, une quiétude à la vitesse des mules et autres équidés et pas à la vitesse des Boeing !
Au début du livre, le ton est farfelu, mais au fil des pages, on se rend compte que le sujet est plus grave. Beaucoup de philosophie, saupoudrée de citations de Ibnou Toufayl et Ibnou Rochd. Des questions existentielles qui puisent leurs réponses dans des oeuvres sorties du coffre du grand-père, oeuvres qui ont tracé une belle route pour la pensée européenne moderne, oeuvres datant d'une époque où les penseurs arabes savaient penser !
"Il est obligatoire d'étudier la philosophie et la science... Mais s'il y contradiction entre elle et la Révélation? Dans ce cas, répond Ibn Rochd, il faut interpréter le texte. Il faut accepter les résultats de l'investigation scientifique et de la réflexion rationnelle, et relire le texte, revenir aux significations premières des mots, en faire une lecture métaphorique. Il faut forcer le texte sacré à coïncider avec le réel tel que le dévoile la science. C'est la science qui prime. "
Adam, plaque tout, travail, épouse, confort casablancais, et chemine vers ses sources, vers la petite ville d'Azemmour, vers le Riad de la famille ! Qui est-il ? Que fait-il ici ? Comment faire le vide ? Comment se défaire de tous ces fragments de littérature française qui s'entrechoquent dans sa tête ? et surtout comment gérer le chaos déclenché par sa décision soudaine de tout plaquer ? Il est venu chercher le calme, et se trouve embarqué dans des intrigues à n'en plus finir, comment gérer cette descente dans le maelström ?
On ressent que Laroui regrette l'âge d'or arabe, le manque de repères culturels pour les marocains exclusivement francophones et regrette surtout que les musulmans n'aient pas pu faire évoluer l'Islam avec le temps, que le tout eut été figé comme il le fut il y a quinze siècles.
Je préfère ne pas trop en dévoiler, car ce livre vaut vraiment la peine d'être lu ! de l'humour savamment dosé, grinçant par moments, un style à la Laroui, très agréable et accessible. Seul petit bémol, j'aurais préféré que l'auteur étoffe un peu mieux/plus la fin, on a l'impression qu'elle fut rédigée à la va-vite et on reste un peu sur sa faim…

Lien : http://leeloosenlivre.blogsp..
Commenter  J’apprécie          170
Adam Sijilmassi, rentre de mission commerciale en Asie du Sud-Est à  bord d'un Boeing ; il a une sorte d'épiphanie.

"Adam se rendit compte que son père non plus n'était jamais allé plus vite que le pur-sang du hadj Maati."

"Pourquoi cette hâte grands dieux?"

Et il décide de ralentir, d'aller à pied chez lui, de l'aéroport à Casablanca, il démissionne de son poste de cadre prometteur puis rentre dans son village natal d'Azemmour.

Ce livre publié en 2014, primé Goncourt des Lycéens et prix Giono à sa parution, était passé sous mes radars. C'est plutôt le Confinement qui m'a fait réfléchir sérieusement à ralentir et plus précisément à réfléchir avant de prendre l'avion.

Cette remise en cause de la vitesse du monde contemporain s'accompagne d'une recherche d'identité. Avec la perte de son emploi, il est mis à la porte de son logement de fonction ce qui entraine aussi la séparation d'avec son épouse.




Ce n'est pas toi que j'ai épousé, ô âne, c'est l'Office des bitumes du Tadla !"

Mais ce n'est pas toi que j'ai épousé, crétin ! Ce n'est pas toi ! C'est ton salaire, c'est l'appartement, le gardien,

Sa famille le croit fou, dépressif. La consultation chez le psychiatre est très amusante deux ancien élèves du Lycée Lyautey, s'expriment en français, citent les meilleurs auteurs, cela commence par Knock dit par Jouvet, puis

 "Si je comprends bien, vous vivez dans une sorte de purée de mots... ou, plutôt, il y a une grille de mots ou
d'expressions, tous tirés de la littérature française, entre vous et le monde ? En l'occurrence, entre vous et votre
pays, votre famille..."

Dans sa recherche d'identité, ce marocain post-colonial va chercher dans la tradition arabe de nouvelles références 

"en tant que Marocain postcolonial qui rejette l'Occident et la vitesse ?... qui veut revenir au rythme de vie de ses ancêtres"

Oublier Matisse et Delacroix, oublier Voltaire... et retourner à Azemmour dans le Riad des Sijilmassi, où ne vit qu'une vieille tante qui a recueilli une orpheline. Dans une pièce sont entassés des livres anciens tout le savoir arabe que ses ancêtres ont accumulé. Hayy Ibn Yaqzân d'Ibn Tufayl (XIIème siècle) Averroes....Tout un programme de philosophie....

Un ingénieur cloîtré dans un riad en ruines attire la curiosité, la méfiance des autorités. Il se voit épié par les voisins et la police. le retour aux origines est hautement suspect! Un bruit court que le Dernier des Sijilmassi serait une sorte de saint, que l'eau du puits (à sec) serait miraculeuse. Tout un trafic s'organise avec la bénédiction de la police....Et si on pouvait aussi en tirer un bénéfice pour les élections...

C'est un livre très amusant, une satire des moeurs du Maroc. Je me suis retrouvée riant à haute voix . Autant les deux autres livres de Fouad Laraoui lus lors d'autres vacances au Maroc m'avaient bien diverti sans laisser de souvenir impérissable, Autant Les Tribulations du dernier des Sijilmassi est une vraie réussite!
Lien : https://netsdevoyages.car.bl..
Commenter  J’apprécie          50
😌
Commenter  J’apprécie          40
L'histoire d'Adam Siljilmassi, cadre de Casablanca, soudain touché par la grâce d'une "illumination", n'est qu'un habile prétexte pour dénoncer sous forme de chronique politique, sociale et historique l'état des lieux du royaume où règne sans partage le Makhzen. Toujours avec humour et érudition, il dépeint une société résistante aux changements.
Commenter  J’apprécie          40
L'ingénieur Sijilmassi, cadre dynamique et professionnellement adepte des vols supersoniques, décide de s'arrêter, de retrouver la célérité du mulet allant au souk, autrement dit l'allure et la stature de son hadji de grand-père.

Je pensais d'abord que ce roman planait sur la vague de cette mode (qui n'est pas principalement littéraire) subtilement persistante du désir de lenteur dans nos société occidentales, par le biais d'une nouvelle vie éventuellement plus traditionnelle et décroissante. Et j'en étais quitte. D'ailleurs le style de l'auteur et son attention aux différentes facettes de la littérature migrante m'auraient motivé à eux seuls.
J'ai eu droit à un cadeau supplémentaire autrement plus précieux.
Car le héros, croyant d'abord devoir remettre en question, avec son mode de vie moderne, toute son occidentalisation intellectuelle (questionnement permanent dans les débats orientaux sur l'occidentalisation, depuis le XIXe s.), à commencer par son imprégnation dans les Lumières, "oublier Voltaire", se retrouve engouffré dans une machination politique qui n'est pas sans rappeler les mouvements de contestation de certains régimes politiques arabes, les "printemps arabes", tels qu'ils ont éclaté ou ne l'ont pas fait, cas du Maroc, pays d'origine de l'auteur et cadre du roman. Ces machiavélismes entre État établi avec sa corruption et mouvements néo-islamistes apparaissent donc en parallèle avec une recherche de retour aux sources qui passe par une très opportune relecture des philosophes de l'âge des Lumières de l'islam (ou faut-il l'appeler l'âge d'or ?), l'époque d'Averroès et de Cordoue, références qui semblent actuellement pis qu'inconnues, illisibles, indéchiffrables dans les débats intra-musulmans...
Si le panache et le brio de la plume de Laroui n'étaient pas là, ces avatars du personnage auraient couru le risque de tomber justement soit dans la superficialité de l'actualité, soit à l'inverse dans la pédanterie didactique des débats théologico-philosophiques ; les deux dangers écartés avec beaucoup d'humour et de légèreté stylistique, il reste donc une précieuse analyse des interrogations contemporaines de et sur l'islam et la tectonique du monde arabo-musulman, menée depuis la perspective de pont interculturel si explicitement revendiquée par les personnages de Laroui ainsi que par lui-même dans ses oeuvres non fictionnelles.
Commenter  J’apprécie          20
Première lecture de cet auteur et franchement je n'ai pas décroché!! ce n'est pas pour l'histoire ou le suspens mais pour style soutenu parsemé de citations d'humour et avant tout une réflexion intéressante.
Commenter  J’apprécie          10
Je n'ai jamais lu cet auteur, et pour une première c'est ma foi une réussite. Bon ce n'est pas un coup de coeur, car j'ai trouvé quelques longueurs, notamment sur la fin avec les discussions entre notre héros et son cousin. Mais malgré ça j'ai passé un bon moment de lecture, car je suis allée de surprise en surprise.

Tout d'abord sur le ton du livre. Alors au début ça a l'air un peu loufoque, le ton est à la plaisanterie, et je dois dire que je ne m'attendais pas à quelque chose de vraiment sérieux malgré le côté existentiel qui taraude notre héros. Grosse erreur ! Car au fur et à mesure que j'ai avancé dans ces pages, je me suis vite rendue compte que l'auteur dirigeait le lecteur dans quelque chose de plus grave. Qui finalement laisse présager autre chose qu'un roman qui raconte de simple fait juste pour le plaisir d'en raconter.
Alors bien sûr l'auteur va inventer toute une intrigue un peu invraisemblable basée sur la chance des Sijilmassi pour exprimer ses idées. Mais cette intrigue, même si elle est capillotractée, encore qu'elle apporte du sens à l'histoire, m'a quand même conduite à quelque chose d'intense ; car déjà j'ai apprécié découvrir certains philosophes (même si je prends certaines infos avec des pincettes), et ensuite j'ai surtout énormément aimé ce que l'auteur faisait ressentir à son personnage dans ces moments d'errements philosophiques. Et ce même si Adam m'a un peu énervée au début par son côté « rejet des philosophes occidentaux », mais comme il n'est pas mauvais bougre et comme il est sensé heureusement ça n'a pas
durée.

En effet et bien que ça soit l'auteur qui s'exprime à travers Adam, j'ai ressenti tout le regret d'Adam sur le fait que les arabes musulmans soient aujourd'hui énormément arriérés, et ne puissent pas se défaire d'une religion qui en fait des moutons et des humains dominés. Alors que dans un passé assez lointain on pouvait plus ou moins les prendre au sérieux. (Bien que tous les philosophes de cette périodes ne fussent pas arabes et musulmans, mais bref faisons au plus simple.) Et ce côté-là donc, et LE côté qui m'a le plus plu, car ça peut s'adresser à d'autres religions, mais aussi parce que je n'ai pu qu'être d'accord avec lui sur les pensées qu'il avait. Toutes, je ne sais plus, mais une bonne partie en tout cas.

Niveau écriture maintenant, je n'ai pas grand-chose à dire, c'est très facile d'accès avec une pointe d'humour pas désagréable du tout, mais à cela il y a quand même un bémol. Il y a trop de citation. Alors j'aime beaucoup les citations, j'adore les citations même ! Mais le fait qu'Adam s'en raconte constamment agace. Ca le rend beaucoup moins réel. Mais bon à part ça et les quelques longueurs rien à dire. A part peut-être sur la fin qui m'a laissée mi-figue mi-raisin, elle était bien partie mais elle ne se finit pas très bien. du coup faut bien dire que c'est un peu rageant, même si cette scène est très riche. Les hommes qui détruisent toutes sources de Lumière par intérêt, par haine, par peur, c'est toujours triste faut bien le dire.

En résumé c'est une lecture très riche que je conseille.
Lien : http://voyagelivresque.canal..
Commenter  J’apprécie          10
Sur le vol retour d'un voyage professionnel, Adam remet soudain en cause sa vie et décide de redonner du sens à la « valeur temps ». Fini l'homme pressé, esclave de la mondialisation, rejetant à la fois son travail, son couple et sa vie sociale, il retourne – à pied !- dans son village natal. Notre ingénieur se retrouve alors face à un mur d'incompréhension : de sa femme aux villageois, cette recherche d'authenticité n'est pas acceptée, voire suspecte.

Un cheminement au sens propre et figuré : le mouvement de retour vers ses origines soulève toute la complexité de l'identité culturelle. le roman prend alors une tout autre dimension. D'un récit léger et comique au départ, le de l'auteur nous accompagne vers cette réflexion culturelle et religieuse. Fouad Laroui explore de manière très inattendue le sujet de la réconciliation entre les cultures orientales et occidentales.
Lien : https://yaourtlivres.canalbl..
Commenter  J’apprécie          00
Des philosophes, des penseurs de la politique, si
on leur avait raconté cette ténébreuse affaire
auraient affirmé, fatalistes: Adam est la preuve
que le Makhzen finit toujours par vaincre."soit il
te récupère, soit il te met hors jeu. » L'État en der
nière instance, c'est une bande d'hommes armée il
gagne toujours.
Peut-être. Mais c'est alors une bien piètre vic
toire, un triomphe illusoire : on ne gagne pas contre
celui qui refuse le combat, contre celui qui a renoncé.
Le retrait, voilà la vraie victoire. Peut-êtrest-ce
lui qui a eu raison de tout, qui a raison contre
tous: lui, Adam, nu sur sa plage, nu comme le
premier homme.
Lui, le dernier Sijilmassi.
Commenter  J’apprécie          00


Lecteurs (214) Voir plus



Quiz Voir plus

Compléter les titres

Orgueil et ..., de Jane Austen ?

Modestie
Vantardise
Innocence
Préjugé

10 questions
20240 lecteurs ont répondu
Thèmes : humourCréer un quiz sur ce livre

{* *}