François et Cécile Girard, un jeune couple qui s'ennuie un peu dans leur quartier de Belleville à Paris, décident, pour rompre la monotonie de leur existence, d'acheter un Riad à Marrakech. C'est tendance, c'est suffisamment exotique, se disent-ils, malgré la présence dans la ville de nombreux « people « et autres célébrités hexagonales, telles que BHL,
Pierre Bergé ou encore DSK. Cette objection ne les décourage nullement .Ils prennent contact avec un agent immobilier, arrêtent leur choix sur un Riad situé dans le centre ville.
Découverte hautement imprévue : une vieille dame habite ce Riad, dont la voix et les propos sont difficilement audibles et on ne peut plus cryptiques : cette femme réclame la restitution de son fils Tayeb.
Intrigués par cette énigme, les Girard, qui sont entrés en contact avec un de leurs voisins , Mansour Abarro, veulent tirer tout cela au clair .
Dans la deuxième partie du roman , se dévoilent les origines de cette femme .C'est une esclave , noire , d'un ancien notable nommé Hadj Fatmi ,dont l'un des fils , Tayeb, s'est engagé dans les troupes d'Abdelkrim, chef des rebelles marocains lors de la guerre du Rif . Et c'est là que le roman de
Fouad Laroui fait merveille
.L'auteur nous rappelle , tout au long de cette phase historique du roman , que le Maroc a connu , peut-être la première guerre insurectionnelle et révolutionnaire , avant la lettre : la guerre du Rif , que les participants occidentaux à cette guerre s'appelaient Pétain , Primo de Rivera , futurs fondateurs de Vichy et de la phalange franquiste .L'auteur nous rappelle, sans acrimonie ni rancoeur, que le Maroc a résisté à la conquête occidentale, qu'une conférence , tenue à Algésiras en 1911 , a réglé le sort de ce pays .Il y rappelle la volonté de Lyautey de respecter les « moeurs et usages des indigènes ». D'autres réflexions sont énoncées : comment une civilisation en vient-elle à dominer les autres ? Par les armes, la technique, le savoir ? Un peu de tout cela, suggère l'auteur.
A la fin de l'ouvrage, il donne à Tayeb , ce fils intrépide de Hadj Fatmi , qui s'est engagé deux fois, dans les troupes d'Abdelkrim , puis dans l'armée française durant la seconde guerre mondiale , le statut du Marocain type : « C'est d'ailleurs moins un être de chair et de sang qu'un symbole :avec ses trois mères : la Berbère, l'Arabe et la Noire –il ne manque que la Juive- c'est le Marocain , l'archétype, le mètre-étalon. »
A la fin du roman, dont le mérite essentiel est, on le voit bien, de poser les bonnes questions, celles de l'histoire, de sa connaissance, de ses incertitudes, les Girard ont un excellent réflexe : ils font connaissance avec l'histoire de ce pays, au-delà des préjugés, du tourisme de masse, de l'exotisme facile .La démonstration de
Fouad Laroui est plaisante, jamais didactique, ni manichéenne ; elle n'est elle que plus convaincante .Livre à recommander hautement.