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EAN : 9782271137906
392 pages
CNRS Editions (12/01/2023)
4.75/5   2 notes
Résumé :
Les séries télévisées, comme toute « culture populaire », transforment la définition de l’art : d’objet de distinction, il se fait œuvre d’éducation morale et politique. En mettant en avant des questions politiques, et en y apportant des réponses radicales, elles éveillent les sensibilités sur des enjeux contemporains majeurs.
Menace terroriste et espionnage (Homeland, The Americans, Le Bureau des légendes), ambition personnelle des dirigean... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Ceci est une confession.
Mon enfance a été illuminée par des « feuilletons » dont les héros m'ont, à différents degrés, servi de modèles identificatoires.
Avant le COVID, j'ai retrouvé avec jubilation ce qu'on appelle désormais « Les séries » grâce à Dr House, Mad Men, Homeland, Dexter, Breaking Bad et The Wire.
Mais, pendant le confinement, les 73 épisodes de Game of Thrones (8 saisons) m'ont littéralement transporté et ouvert un chemin sériel d'une intensité folle.
Depuis, je dois avouer une véritable addiction. Jugez plutôt :
je note (comme les livres sur Babelio) toutes les séries, inscris le nombre de saisons et d'épisodes et fais un petit commentaire. Depuis octobre 2020, j'ai vu 164 séries. Certaines contiennent 6 épisodes, d'autres 6 saisons de 10 épisodes…
Je ne suis pas mytho, j'ai même un témoin !
Sans surprise, mes préférées sont le Bureau des Légendes (LBDL pour les intimes), Black Mirror, Succession, La servante écarlate, Borgen, Bron, The White Lotus, Fauda, The Crown (ne ricanez pas !), Babylon Berlin, D'argent et de sang etc.
Sandra Laugier, philosophe bien connue et enseignante à la Sorbonne, a eu la riche idée de collaborer avec une vingtaine de collègues pour commettre ce génial
« Les Séries, laboratoires d'éveil politique » qui passe à la loupe 22 séries (que j'ai toutes vues sauf deux).
Le postulat de départ est le suivant :
La culture sérielle permet de redéfinir la culture populaire comme non plus pur divertissement sans valeur mais oeuvre d'éducation morale et politique. Elle constitue un lieu d'élaboration d'une éthique pluraliste et conflictuelle, un moteur essentiel d'intervention et d'innovation sociale. Il y a une essence proprement démocratique des séries télévisées avec l'intégration dans la vie quotidienne sur une longue durée, la fréquentation ordinaire des personnages qui deviennent des proches, non plus sur le modèle classique de l'identification, mais de la fréquentation, voire de l'attachement.
Par exemple les séries sur les femmes ont connu un développement explosif (depuis Me Too) et donné existence sur le petit écran à une large variété de personnages de tous âges et styles, présenté des personnages gays et trans bien avant leur apparition au cinéma.
Sandra Laugier parle d'une véritable tâche « pédagogique ». Elle convoque surtout les penseurs états-uniens comme Ralph Waldo Emerson, John Dewey et l'inévitable Stanley Cavell.
Les séries sont considérées désormais comme des sites où l'autorité artistique et herméneutique est réappropriée :les spectateurs se réemparent du pouvoir par la constitution d'expériences uniques.
Mais Sandra Laugier va plus loin en considérant les séries comme outils de changement ayant permis d'attirer l'attention sur nombre de question sociales, politiques, raciales, sécuritaires. Je cite:
« En permettant à chacun d'accroître l'intensité de sa vie et la compréhension de ses possibilités, les séries nous présentent une forme de vie démocratique non plus fondée sur des valeurs préexistantes et consensuelles, mais inventrice de valeurs qu'il s'agit de partager en utilisant les possibilités du médium. La formation par les séries est un nouvel espoir dans un monde où des valeurs antidémocratiques sont mises en oeuvre ou vantées par de nombreux régimes et acteurs politiques, et où les discours et engagements politiques sont parfois vidés de leur sens. Les séries que nous évoquons ici créent un nouvel espace public et une forme de vie démocratique à élaborer collectivement. Elles sont non seulement une ressource dans la réflexion sur les enjeux présents, mais un outil de transformation morale, sociale et politique.
En rupture avec les discours narcissiques actuels qui se fondent sur une vision passéiste et politiquement idéalisée de la salle de cinéma, accablant les séries comme source d'aliénation - et avec elles leur public, tenu pour incapable de résister aux pressions et méthodes des plates-formes, nous visons ici à exercer cet outil. »

Parmi les séries étudiées dans ce livre de presque 400 pages, certaines m'ont tout particulièrement intéressé:
-Fauda
Evidemment la problématique de la série se réactualise avec les évènements récents . Elle illustre la guerre des récits dans le conflit israélo-palestinien. On suit des agents du Shin Bet qui sont des juifs orientaux arabisés dans la fiction (palpitante) comme dans la vraie vie. Les showrunners ont choisi des acteurs ayant servi au sein d'une unité spéciale dont Lior Raz qui figure l'inoubliable Doron.
Plus largement les séries israéliennes sont aussi prolifiques que polémiques. Je pense à « Our Boys », « Be Tipul » ou encore « False Flag ». Des livres entiers leur sont consacrés….
-Game of Throne
La série culte a failli revoir sa copie. Une pétition, collectant un nombre innombrable de signatures, faisait valoir la ré-écriture de l'épisode finale !!!
Les millions de fans déchus voulaient une autre fin.
-Le Bureau des Légendes
La série phénomène ( 5 saisons, considérée comme l'une des meilleurs série de tous les temps !) fait l'objet d'une analyse particulièrement subtile par Pauline Blistène. LBDL montre la face cachée des démocraties et révèle, bien avant tout le monde, le rôle de la Russie en matière de cyber-espionnage.
Baron Noir est une chronique amère de la fin du bi-partisme droite-gauche et fait entendre que les voix et les voies du politique passent par les réseaux sociaux.
Engrenages fait évoluer la représentation des femmes (fortes) dans le paysage audio-visuel français etc.
Je ne peux pas faire de résumé de toutes les oeuvres analysées ici mais elles sont toutes plus intéressantes les unes que les autres. C'est un vrai bonheur.

Alors avis aux sério-maniaques : vous n'êtes pas aussi détraqués que vous le pensiez. Ne culpabilisez surtout pas : il n'y a pas que les livres dans la vie et ils n'ont pas forcément de préséance intellectuelle. Il y a aussi les chants d'oiseaux, la gastronomie, les longues ballades sous le timide soleil de printemps, la contemplation des chemins de l'eau et bien sur vos séries favorites !
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Vidéo de Sandra Laugier
Une conversation présentée par Raphael Zagury-Orly Avec Sandra Laugier Guillaume le Blanc Judith Revel Patrick Savidan
En collaboration avec les organisations à vocation sociale et solidaire : Amade, Fight Aids Monaco, Licra, Peace & Sport. Avec la participation des élèves et des professeurs de philosophie de l'Institution François d'Assise – Nicolas Barré et du Lycée Albert 1er de Monaco.
Comme la liberté, la fraternité a davantage un pouvoir incantatoire qu'un sens rigoureux - autre que celui de lien crée par l'appartenance à une même famille biologique. de plus, le terme s'impose et est élevé en drapeau moral, qui enferme dans ses plis et phagocyte celui, tout aussi digne, de sororité. A strictement parler, la fraternité échappe au champ opératoire de la politique et fuit toute juridiction: aucune «mesure» ne la crée, aucune loi ne la façonne, aucun décret ne l'oblige. Dans la Constitution française, le mot n'est cité que trois fois, une fois comme devise nationale (liberté, égalité, fraternité), une fois comme «idéal commun». Puisqu'elle n'exprime «aucune exigence précise» (John Rawls), les chartes constitutionnelles internationales l'ignorent. Elles préfèrent convoquer la solidarité. Pourquoi en effet conserver cette référence, certes délavée, estompée, aux liens de sang? Il est vrai que la solidarité a une étrange histoire. Le solidum désignait à l'origine une monnaie (on l'entend davantage dans l'italien soldo que dans le français sou, mais assez bien dans solde, ou soldat), mais en droit romain  «in solidum obligari» signifiait que divers débiteurs s'engageaient à payer les uns pour les autres et chacun pour tous la somme à rembourser. C'est la Révolution française qui extirpe la solidarité du champ juridique et économique, et l'applique à l'attitude de secours, de soutien mutuel entre citoyens et citoyennes. Désormais, elle ne désigne plus qu'un rapport de «fraternité» justement, mais ou être frères et soeurs n'a pas de sens, puisque la solidarité ne pousse pas à aider une personne parce qu'elle est membre de ma famille, mais suscite une entraide qui implique tous les membres d'une collectivité unis dans un sentiment de commune appartenance au groupe, à la communauté, à la société, à l'humanité toute entière. Ce qu'active la solidarité, c'est la priorité, sur le souci de soi, de la cohésion sociale, la «responsabilisation» de tous pour ce qui peut arriver à chacun et l'engagement à porter secours si ce qui arrive provoque une perte - de liberté, de justice, de ressources, de dignité, de respect. Dès lors, «Liberté, Egalité, Solidarité» serait une belle devise.
#philomonaco
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