Citations sur Femmes sans merci (49)
Certes, elle allait tuer un homme, mais en même temps libérer une femme. La somme de ses actes serait positive. Et ensuite quelqu’un la délivrerait, elle. Elle jouissait de cette impression de liberté : quel plaisir de rouler sans personne pour commenter sa conduite. Jacob ne la laissait prendre le volant que quand il était fatigué. Au début, il était même opposé à ce qu’elle passe son permis.
Avant de perdre connaissance, elle s’était demandé combien de femmes à travers l’Histoire avaient fini leur vie avec la même vision : l’homme qu’elles avaient épousé, penché sur elles, le visage déformé, en train de les étrangler.
Birgitta Nilsson alluma une cigarette, inspira doucement la fumée, étouffa une quinte de toux et souffla. Elle but une grande gorgée de Coca-Cola à la bouteille. Soda et nicotine étaient le mélange de goûts qu’elle associait avec ce quartier où elle avait grandi.
Une fois par an, elle y retournait, déambulait parmi les barres d’immeubles et terminait sa promenade en s’asseyant sur les rochers avec son Coca et ses cigarettes.
Le flux Facebook d’Ingrid était plein de femmes qui se levaient, prenaient la parole et criaient. Viols, abus sexuels, soumission. Toutes avaient quelque chose à raconter, toutes. C’était hypnotisant. Elle ne pouvait s’arrêter de lire ces récits. Elle se remémora sa vie. Son adolescence à Västerås. Des années où elle tiquait à peine d’être traitée de pute au bar par un dragueur éconduit. Des nuits où, après s’être enivrée à une fête, elle se réveillait sans culotte et avec des souvenirs fragmentaires de mains sur son corps. Bien sûr qu’il s’agissait d’abus sexuels.
“Si tu n’étais pas aussi moche, je t’aurais soupçonnée d’avoir un amant. Mais qui voudrait te baiser ?”
Il lui arrivait de rêver de l’époque où ils étaient petits. Dépendants, vulnérables. Quand ils se glissaient la nuit dans la chambre de leurs parents. Parfois, la douleur de savoir ce temps à jamais révolu la faisait tressaillir. Après, elle se sentait idiote. Elle ne pouvait s’empêcher d’éprouver de la jalousie à l’égard des parents d’élèves de sa classe. Ils vivaient les meilleures années de leur vie.
Dès le début de leur relation, Ingrid avait remarqué combien Tommy était sensible aux courbettes. Tout le monde est content de s’entendre dire qu’il est doué, qu’il fait bien son travail, mais chez Tommy, les félicitations de ce genre prenaient le pas sur tout le reste. C’était comme ça qu’il avait expliqué sa première infidélité. Ingrid était enceinte de Lovisa de plusieurs mois. Elle l’avait mis à la porte, mais pardonné au bout de quelques jours. Il lui avait juré que c’était une aventure isolée, et elle l’avait cru.
Tout ce qu’elle souhaitait dans la vie, c’était l’amour des personnes qui lui étaient les plus chères. Elle était tellement perdue dans ses pensées qu’elle n’avait pas entendu l’infirmière appeler son nom.
“Birgitta Nilsson.
Malte était gentil. Ennuyeux, mais gentil. Il lui achetait des fleurs à moitié fanées, la complimentait pour sa cuisine, l’appelait sa “petite femme”. Certes, c’était pénible de coucher avec lui, de l’avoir près d’elle, de sentir ses mains maladroites sur son corps, mais au moins il la traitait comme un être humain.
Avant de perdre connaissance, elle s'était demandé combien de femmes à travers l'Histoire avaient fini leur vie avec la même vision : l'homme qu'elles avaient épousé, penché sur elles, le visage déformé, en train de les étrangler.