Citations sur La Ronde et autres faits divers (12)
Encore aujourd'hui, je la perçois, l'odeur âcre des lauriers, des écorces, des branches cassées qui cuisaient à la chaleur du soleil, l'odeur de la terre rouge. Elle a plus de force que le réel, et la lumière que j'ai amassée à cet instant, dans le jardin, brille encore à l'intérieur de mon corps, plus belle et plus intense que celle du jour.
" Villa Aurore"
"Un jour, je m'en irai, et jamais plus vous ne me reverrez." Il avait dit cela sans forfanterie, mais avec le regard si plein de sombre désespoir que David était allé se cacher dans l'alcôve pour pleurer. C'est toujours terrible de dire ces choses là, et puis de les faire.
(p.256)
Les volets des hautes fenêtres étaient fermés, à présent, mais fermés comme ceux qu'on n'aura plus jamais besoin d'ouvrir, fermés à la manière des paupières serrées d'aveugle.
Martine roule devant Titi, elle fonce à travers les rues vides, elle penche tellement son vélomoteur dans les virages que le pédalier racle de sol en envoyant des gerbes d’étincelles. L’air chaud met des larmes dans ses yeux, appuie sur sa bouche et sur ses narines, et elle doit tourner un peu la tête pour respirer. Titi suit à quelques mètres, ses cheveux rouges tirés par le vent, ivre, elle aussi, de vitesse et de l’odeur des gaz. La ronde les emmène loin à travers la ville, puis les ramène lentement, rue par rue, vers l’arrêt d’autobus où attend la dame au sac noir. C’est le mouvement circulaire qui les enivre aussi, le mouvement qui se fait contre le vide des rues, contre le silence des immeubles blancs, contre la lumière cruelle qui les éblouit. La ronde des vélomoteurs creuse un sillon dans le sol indifférent, creuse un appel, et c’est pour cela aussi, pour combler ce vertige, que roule le long des rues le camion bleu et l’autobus vert, afin que s’achève le cercle. (« La ronde »)
Alors elle m’est apparue, triste, grise, abandonnée, avec ses hautes fenêtres aux volets fermés, et le plâtre taché de rouille et de suie, les stucs rongés par la vieillesse et le malheur. Elle n’avait plus cette couleur légère et nacrée, qui la faisait paraître irréelle autrefois, quand je la guettais entre les branches basses des lauriers. Elle n’avait plus sa couleur d’aurore. Maintenant, elle était d’un blanc-gris sinistre, couleur de maladie et de mort, couleur de bois de cave, et même la lueur douce du crépuscule ne parvenait pas à l’éclairer.
Tayar ne voit plus le soleil qui descend vers la montagne, ni l'ombre qui noie la vallée. La tête appuyée sur la terre, les cheveux balayés par le vent, il est immobile, comme s'il dormait. Pourtant, ses yeux sont ouverts et la sclérotique brille dans la lumière. Il respire lentement, en faisant de grands efforts.
Alors il ne voit pas les hommes qui avancent sur le chemin, entre les murs de pierre sèche. Ils ont des uniformes, et l'un d'eux tient en laisse un grand chien fauve qui flaire les pierres et s'arrête parfois. Les hommes savent où ils vont, guidés par un jeune garçon qui marche devant eux en silence. Ils avancent sur le plateau calcaire, vers la doline déjà prise par l'ombre. Ils ne parlent pas, ils se hâtent et le bruit de leurs bottes dérange un instant le silence de la terre.
Nouvelle "L'échappé"
Puis nous bûmes le thé en silence. l'étourdissement m'avait quitté, mais le vide était resté en moi, et je ne pouvais rien dire. Seulement j'écoutais la vieille dame qui parlait, qui racontait l'aventure de la maison, la dernière aventure qu'elle était en train de vivre, sans doute.
Toute ressemblance avec des évènements ayant existé est impossible.
(p.239)
Transformer 11 "faits divers" en 11 moments de vie,11 instants humanisés, bref faire de ces faits divers des faits particuliers... L'idée était intéressante.
Mais au final, je dois avouer que je me suis perdue dans chacune de ces histoires : trop de détails, une écriture que je qualifierai de compacte, "terrienne"...
je dois avouer que j'ai peiné à finir ce livre...
C’est une véritable cité en elle-même, avec des dizaines d’immeubles, grandes falaises de béton gris debout sur les esplanades de goudron, dans tout le paysage de collines de pierres, de routes, de ponts.