Un bel hommage à Toulouse, personnage principal de ce roman. le narrateur, venant d'apprendre qu'il a un fils d'une vingtaine d'années, vient le rencontrer dans la ville où, vingt ans plus tôt, il a vécu une histoire amoureuse. Toulouse d'après le 21 septembre 2001 (et l'explosion de l'usine d'AZF qui fit des ravages dans toute la ville) et Toulouse des années 70 et des révoltes étudiantes, les deux se confondent bientôt.
La ville devient labyrinthe de mystères, de cours cachées et de portes secrètes. le fleuve, qui divise la ville en deux, vient d'un passé tumultueux et cache en lui une violence que le narrateur retrouve aussi dans le coeur des briques roses. Toulouse se fait poème, muse, essence.
Un roman à lire lentement, à apprécier mot par mot, au rythme des incessantes promenades du narrateur étudiant et celui d'aujourd'hui; un vrai plaisir de lecture.
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Il y avait toujours un moment où, avant de basculer, la roue des heures semblait hésiter, presque s'arrêter; les choses alors, durant un instant infinitésimal, se suspendaient et venaient à resplendir en une épiphanie rose et mauve. Puis, tout aussi doucement, tout aussi invisiblement, le devenir repartait, comme si, après ce moment d'absence, il avait repris son cours normal; et tout allait très vite. Le fleuve, pressé maintenant, entraînait avec lui le paysage urbain, le faisant passer dans une autre histoire où la ville s'éveillerait à l'aube, neuve et fraîche, lavée par sa traversée de la nuit. Mais seul ce moment, comme suspendu entre deux âges, m'intéressait. Qu'est-ce qui se découvrait ainsi avec le soir? Quel rouage intime du temps? Quel fond de l'être? Quelle profonde architecture d'air et d'espace? Je comprenais que, si je voulais devenir poète, il me fallait à toutes forces
habiter cet instant, l'étirer jusqu'à la douleur, jusqu'au vertige; puis, tel un fruit sonore tombant dans le silence, lui demander le "mot", le poème qui ferait entrer la ville entière avec ses habitants dans la caverne d'une autre nuit.