Le paradis des chats

Comment résister à une telle couverture ? Cette bouille féline esquissée jusqu'au moindre poil, ces lettres dorées qui nous transportent dans un autre siècle – et puis le nom inattendu d'Émile Zola ! Figurez-vous que l'écrivain adorait les chats et qu'il leur a consacré un conte en 1868. Timothée le Véel a eu l'idée géniale de donner à ce texte un écrin illustré.

Un matou empoté est gâté par sa propriétaire – coussin de plumes, triple couverture, viande à tous les repas. Indifférente à ces douceurs qui lui semblent aller de soi, l'ingénue bestiole ne pense qu'à une chose, sortir de ses quatre murs. Elle ne soupçonne pas le prix de la liberté des chats de gouttière…

« Maudite rue, maudite liberté, et comme je regrettai ma prison ! »

Le pinceau de Timothée le Véel sublime la malice d'Emile Zola qui, sur le mode de la fable animalière, tourne en dérision les bourgeois incapables d'imaginer les épreuves traversées par ceux qui ont moins de chance qu'eux. Quelle ironie dans le décalage entre le chat et les caricatures de peluches représentant des bêtes « sauvages » qui décorent sa couche ! La candeur du regard du chat est désopilante. On sent et on partage la jubilation de l'illustrateur à croquer ses déconvenues.

En même temps, la dignité et les choix du matou rencontré dans la rue interroge sur le dilemme plus actuel que jamais entre liberté et confort matériel. Et nous laisse le soin de décider pour nous-mêmes si le paradis, c'est vraiment « d'être enfermé et battu dans une pièce où il y a de la viande ».

Après l'adaptation de la Parure de Maupassant par Annelise Heurtier et Delphine Jacquot, décidément, les auteurs-illustrateurs jeunesse débordent de talent pour inviter les plus jeunes à se frotter aux auteurs classiques et à s'interroger, dans une vraie lecture-plaisir. Magnifique.
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Un jour, Zola confia à un journaliste : " Un ami des chats, c'est moi, certes ! J'en ai eu beaucoup chez moi (j'en ai encore), et il y en a aussi beaucoup dans mes livres, où vous savez, d'ailleurs, que j'ai tenté de mettre la vie totale : bêtes et gens. ça a été la maison des bêtes chez nous. Il fut un temps où l'on me trouvait enfermé dans les chambres, à Paris, avec cinq ou six chats. Oui, les chats, je les aime fort. "

Moi aussi, j'aime les chats. Très fort. Et j'aime aussi Émile Zola ! Il est mon chouchou depuis longtemps. Quant aux albums destinés à la jeunesse, ils ont toujours eu une place particulière sur mes étagères de livres.

Vous comprenez donc que je ne pouvais que craquer lorsque j'ai découvert cet album à Médan, lorsque j'ai visité la maison Zola.

Un conte de Zola mettant en scène un gros chat angora, magnifiquement illustré par Timothée le Véel, que je soupçonne lui aussi, d'aimer beaucoup les chats.

Cet album est un joyau.
MIAOU !

Emile Zola et moi, ce n'est pas vraiment une grande histoire d'amour. Je dois avouer que sa découverte forcée au collège et au lycée par des professeurs peu inspirés ne m'en a pas laissé un bon souvenir et hormis Au Bonheur des Dames, je n'ai pas aimé l'univers de l'auteur. Mais quand on me propose de découvrir une de ses nouvelles via les illustrations de Timothée de Véel, ça change tout !

Repérée il y a quelques années pour la douceur de ses illustrations dans le renard blanc et étant moi-même amoureuse de nos amis félins, après l'avis d'Elire, je ne pouvais que craquer face à la beauté de l'objet livre signé Timothée le Véel. Il n'a pas fallu longtemps pour qu'il tombe dans mon escarcelle. Avouez que cette couverture avec ce chat bleu au museau blanc, comme s'il avait joué avec de la peinture, est des plus saisissants !

Couverture le renard blanc

Comme je m'y attendais, l'expérience m'a enchantée. J'ai adoré l'univers graphique très doux et nostalgique d'un passé dévolu de Timothée le Véel. C'est vraiment charmant, porté par cette palette colorimétrique très douce grâce à la technique du crayonné couleur choisie. J'ai adoré cette représentation du Paris du XIXe, ses toits, sa douce modernité avant qu'elle ne connaisse la marche forcée actuelle. Ce fut un petit moment hors du temps.

Ainsi, plus que le texte de Zola, se furent les illustrations de l'artiste qui m'ont parlé et fait vivre cette aventure féline à côté d'un chat de salon qui rêve de liberté mais se rend compte que la vie hors de ses murs n'est pas si facile que ça. Un grand classique toujours efficace et plutôt réaliste, hormis quelques propos violents dérangeants en fin de lecture qui m'ont un peu brisé mon rêve… J'ai beaucoup aimé la façon dont les dessins font sortir le texte et l'aventure du cadre classique de la page et de la mise en page, nous faisant vraiment vivre ses péripéties sur les toits.

C'est donc très beau à suivre et porté par un texte assez simple et discret. Je l'imaginais plus fourni et plus poétique j'avoue. Je l'ai limite trouvé un peu plat… En tout cas pas avec la joliesse et la densité que j'attendais. Il m'a cependant transporté par la personnalité attachante et maladroite de son héros sortant à peine de l'oeuf et sa rencontre avec un vieux matou briscard qui va le guider tout en nouant une jolie amitié extra-classe. C'est mignon et cela traduit bien surtout l'amour que l'auteur portait aux chats comme le souligne la postface signée d'une descendante de Zola.

Que voilà une fort jolie façon de faire découvrir des auteurs classiques, de notre patrimoine culturel, à de jeunes lecteurs à travers une aventure simple mais superbement illustrée par un artiste tout aussi amoureux de son sujet que l'auteur d'origine. Certes le texte est daté, il y a quelques imprécisions et quelques propos maladroits pour l'époque actuelle, mais c'est une bien jolie aventure sur les thèmes de la liberté et l'amitié entre classes.
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le paradis des chats n'est pas celui qu'on croit.
Mais le récit nous donnera du plaisir, beaucoup.
Merci aux talentueux Timothée le Véel, ces vieux toits de Paris er ces rixes nocturnes de chats de gouttière nous inspireront autant d'émerveillement que de frisson.

Comment ne pas reconnaitre un peu d'" Aristochats" dans cette mésaventure, voire même pire, la vie d'humains vagabonds.
Cette perspective semblera possible avec un auteur social comme monsieur Émile Zola.
" le paradis des chats" sera à réserver à un jeune public pourtant et restera dans la métaphore douce. C'est un conte moderne avec sa morale de chat.

C'est l'itinéraire d'un chat bien aise et grassouillet qui aura voulu s'encanailler après s'être lassé d'une vie sans "épices". Il rentrera la queue entre les jambes, comme l'on dit et puis nous racontera.
Il est beau, il est bleu et se confondra avec la nuit, sans y avoir goûter toutefois, toujours au chaud derrière ses carreaux.
Non, il aura passer le plus clair de son temps à se la couler douce, comme glisse au fond de la gueule des pâtés baignant dans la sauce.
Que la vie paraitra fade quand on aura rien connu de la vraie vie comme ce chat chanceux.

Notre chat bleu héros nous fera penser à un personnage privilégié qui n'aura connu le danger, la misère et la faim que dans les livres.
Poussé par l'aventure et l'envie de se surprendre, il sautera vers l'inconnu et croisera des camarades, eux, d'infortune, dans les rues et sur les toits, sans un logis et traquant les restes au jour le jour.
Avant que l'estomac ne crie famine, le chat trouvera tout cela - sauter d'ardoise en ardoise, courir, miauler à tue-tête- très émoustillant.
Mais nous le comprendrons vite, que la réalité sans un maitre pour le cajoler, le protéger, le nourrir sans lever le petit coussinet, finira par s'imposer.
Er oui, c'est ça la vraie vie de chat derrière les fenêtres.
Il y a ceux que l'on bichonne et qui ne connaitront pas la faim et il y a ceux qui lutteront un peu pour ne pas manger du rat.
Observant le monde depuis sa fenêtre au début, il se croira ironiquement à l'extérieur de tout, le nez collé à désirer de la liberté d'aller et venir.
Et puis il finira par souhaiter très fort son coussin moelleux, ses pâtés, la misère ce n'est pas si chouette.

Le paradis des chats n'est pas celui qu'on croit. Est ce celui de gambader sans rendre de compte ou bien celui de ne manquer de rien bien au chaud, sans jamais croiser la dure réalité des ponts, des toits et des poubelles d'arrière-boutique?
Les chats de gouttière qui lui montreront un peu la vie âpre du Paris du 19ème siècle l'envieront-ils un peu ou ne souhaiteraient-ils rien de cette vie là trop douce, polissée, sucrée, dorée, enchainée?

" Quand je rentrais, votre tante prit le martinet et m'administra une correction que je reçus avec une joie profonde.
Je goûtai largement la volupté d'avoir chaud et d'être battu.
Pendant qu'elle me frappait, je songeais avec délices à la viande qu'elle allait me donner ensuite..."
Pas de doute, pour notre chat bleu, ceci est une fin heureuse.

Je ne connais l'oeuvre de Zola qu'au travers de ses quelques romans étudiés au cours de ma scolarité. C'est donc curieuse que j'ai découvert ce texte qui tient du conte philosophique avec un petit côté fantastique, la parole étant donné aux chats. Bien que je ne sois pas spécialiste de cet auteur, je pense qu'on y retrouve sa patte notamment dans sa façon très réaliste de dépeindre le Paris de l'époque et dans l'écriture qui tend vers la critique sociale.
En effet, l'histoire est celle d'un bon gros matou de salon, habitué aux grand luxe et au confort que sa maitresse lui prodigue à grand renfort de coussins moelleux et de viande à tous les repas. Envieux de la liberté dont semblent jouir les chats de gouttière qu'il voit à travers sa fenêtre, il prend la poudre d'escampette pour les rejoindre et goutter à cette vie de la rue. Mais quand la faim se fait sentir, il comprend que la liberté a un prix…
Je dois bien reconnaître que si le texte ne m'a pas laissé indifférente, ce sont principalement les illustrations de Timothée le Veel qui m'ont séduite. Entièrement réalisées au crayon de couleur, chacune dégage une certaine douceur qui donne à l'ensemble un côté cotonneux parfaitement adapté au fantastique du récit. Un fantastique qui s'exprime aussi dans la couleur bleue du matou qui, de fait, se confond aux peluches de sa chambre.
Des peluches qui sont d'ailleurs bourrées de références à des dessins animés ou personnages tels que Babar, Dumbo ou encore Fantasia pour n'en citer que quelques uns. Les références sont d'ailleurs divers et notamment artistiques avec cette représentation d'une jeune ouvrière aux allures de la Laitière de Vermeer, ou ces représentations d'affiche de la Tournée du Chat Noir de Steinlen ou celle pour le Cirage du Lion Noir de Charles Léon Méry…
Tout cela vient nourrir l'univers dans lequel évolue notre chat de salon et donne vie à la ville de Paris que l'on reconnait dès les premières pages avec ce plan en plongé de la ville de nuit, la Seine s'écoulant en son centre, ou ces représentations du Pont Alexandre III et ses lanternes ainsi que de la Cathédrale Notre-Dame et ses gargouilles, sans oublier bien sûr les toits de la ville, si typiques de la capitale française.
Je suis donc particulièrement charmée par l'univers de Timothée le Veel qui s'illustre dans toutes les références qu'il a su intégrer à ses illustrations comme autant de clins d'oeil à des artistes qui pourraient l'inspirer. Par ailleurs, avoir choisi d'illustrer un auteur comme Zola, est une façon vraiment agréable de mettre un texte classique à hauteur d'enfants. On pourra aussi saluer le choix de préserver le texte intégral pour garder une certaine authenticité sur une époque révolue, avec ce qu'il peut y avoir de dérangeant aujourd'hui… En ce qui me concerne, la violence de la fin a été difficile à accepter.
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