Si un jour un.e de mes patient.e.s avait expliqué un arrêt de fumer, un arrêt de la cigarette, de cette façon, je n'aurais plus su comment mesurer un respect profond.
Mais bon ici, c'est une écrivaine, qui relie sa vie au geste, au brouillard, au décalage, que permet le fait de fumer une cigarette. Un flottement, un genre de fuite, une implication aussi. Et en même temps en sachant qu'il y a une imposture dans la posture. Quelques remarques font mouche pourtant, car il faut savoir se poser les bonnes questions concernant cet acte et l'arrêt de ce acte. Pas anodin.
Un texte écrit en 1978, soit bien avant les messages de santé, les images affreuses sur les paquets, la fin des wagons fumeurs et encore plus avant la fin du tabac dans les lieux publics, et même bien avant l'e-cigarette. Pourtant ces questionnements ont leur intérêt. Littéraire. Anthropologique...
Commenter  J’apprécie         10
Ce qui manque le plus c'et cette ponctuation du vivre que permettait la cigarette. Pose, césure, parenthèse, retour à la ligne ou changement de paragraphe. Le temps de prendre son souffle, d'aspirer intimement la tangible et râpeuse fumée, et on pouvait croire une fraction de seconde qu'on allait être là, accordé à l'instant, habité, traversé de présence.
La parenthèse est finie. (J'aime bien les parenthèses; Prises entre deux bras. Tendrement. A voix basse. La parenthèse ou aise des parents et moi entre eux quand c'et la guerre et qu'il y a eu la sirène et qu'ils veulent bien que je vienne dormir entre eux dans le lit, une main à chacun. Fin de la parenthèse au sujet, au coeur de la parenthèse.)
Ainsi je découvre stupéfaite que le deuil de ce petit objet imbécile dépasse en intensité, en durée mes plus vastes flambées d'amour. Et soudain, parce que je ne sais plus où donner de la tête, il m'arrive parfois de m'émerveiller de l'immensité de ce que je ne sais pas...
J'essaie aujourd'hui de moins fumer. Mal. Je suis mal. Incapable d'écrire. Il manque l'urgence. L'appel anxieux d'une origine.