Vous avez élevé une enfant qui pensait que haïr des gens parce que Dieu leur a donné une couleur de peau différente était quelque chose de normal. Vous avez autorisé cette haine. Vous l'avez probablement engendrée. Et votre gamine et ses amis racistes tels que vous, ont été lâchés dans le monde pareils à des putains de grenades bourrées de haine et de stupidité...
On devrait toujours être capable de se rappeler les derniers mots qu'on a dits à quelqu'un.
Les enturbannés viennent de nous dire qu’on pouvait aller se faire foutre et se mettre à la marche à pied en attendant qu’ils veuillent bien décider de nous livrer un peu de pétrole. Mais vous vous en prenez aux nègres, qui sont aussi pauvres et autant dans la merde que vous, et vous vous persuadez que vous défendez quelque chose.
Ça leur fait du bien, l'espace d'un instant : se souvenir de celles qu'elles ont été avant de devoir se retrouver de nouveau avec celles qu'elles sont devenues.
(p.108)
Je vous l'ai dit (…), vous ne pouvez pas tout enlever aux gens. Il faut leur laisser quelque chose. Une miette. Un poisson rouge. Quelque chose à protéger. Quelque chose qui soit une raison de vivre. Parce que si vous ne faites pas ça, qu'est-ce qui va vous rester pour négocier ?
En cinquième, il y a longtemps, Sœur Loretta leur disait que même si l'enfer n'était pas des grandes flammes avec des démons cornus armés de fourches comme le supposaient les gens au Moyen Âge, c'était, il ne fallait pas s'y tromper, un vide.
C'était être séparé de l'amour pour l'éternité.
Quel amour ?
L'amour de Dieu.
L'amour de n'importe qui.
L'amour, quel qu'il soit.
La douleur infligée par une fourche ou même par une flamme perpétuelle n'est rien comparée à la douleur de ce vide.
Ça n’est pas la première fois - ni même la quatre-vingtième - que Bobby se met à haïr le genre humain. Il se demande si le crime le plus impardonnable commis par Dieu n’a pas été de nous créer, tout simplement.
(p.167)
« Mais vous n’entendez pas
Qu’est-ce que je n’entends pas ?
(../…)
Le silence »
Appelez-les niaks, appelez-les nègres, appelez-les youppins, "micks*", métèques, ritals ou bouffeurs de grenouilles, appelez-les comme vous voulez, pourvu que vous leur colliez un nom quelconque qui enlève une couche d'humanité à leur corps quand vous les évoquez. C'est ça, le but recherché. Si vous pouvez faire ça, vous pouvez faire en sorte que de jeunes hommes traversent des océans pour aller tuer d'autres jeunes hommes, ou vous pouvez aussi les faire rester ici, chez eux, le leur faire faire la même chose.
* Mick: terme injurieux utilisé aux États-Unis pour désigner les Irlandais.
(P179-180 Éditions Gallmesiter)
Elle a trouvé une station sur sa radio - WJIB - qui ne passe que de la musique classique et elle l'écoute en permanence. Elle ne la ferme même pas quand elle va se coucher (non qu'il y ait beaucoup de sommeil dans sa vie ces jours-ci). Depuis son enfance, elle a toujours été fan du hit-parade, jamais d'un groupe en particulier, juste de la musique du jour. Cet été, elle a adoré Rock the Boat, Billy Don't Be a Hero et sa préférée, Don't Let the Sun Go Down on Me. Mais à présent, toutes ces chansons lui paraissent stupides parce qu'elles n'ont pas été écrites en ayant à l'esprit quelqu'un comme elle. Même ces paroles "Tout perdre, c'est comme si le soleil se couchait sur ma vie" lui semblent insuffisantes, parce que tout perdre, ce n'est pas comme si le soleil se couchait sur sa vie, c'est comme si une bombe atomique avait explosé à l'intérieur d'elle-même, et maintenant elle fait partie du nuage en forme de champignon, mille petits fragments d'elle se désintégrant et voltigeant dans l'espace, dans mille directions différentes.