Sa dignité tranquille, si éloignée de la frivolité artificielle des débutantes en quête de mari, l’avait séduit. Alors que les autres femmes le regardaient comme un riche propriétaire, impressionnées par son titre et le prestige de sa lignée, elle l’avait considéré comme un homme, pas seulement comme un duc. Il avait lu le malheur dans son regard, l’expérience dans son sourire. Et, il ne pouvait le nier, la sensualité qui se dégageait de chacun de ses mouvements avait alimenté en lui un feu dont il ignorait jusque-là l’existence. La toucher, goûter à ses baisers, sentir son corps contre le sien lui avait soudain paru indispensable.
De la même manière que certains pouvaient citer la Bible par cœur, Cassandra connaissait les règles de l’arnaque sur le bout du doigt. Car la Bible n’avait jamais mis de nourriture dans son assiette, ne lui avait jamais permis de porter des bas de soie. La Bible se fichait pas mal d’elle quand, encore enfant, elle s’était retrouvée seule, désespérée.
Ce désespoir ne l’avait jamais vraiment quittée. Sans doute sentirait-elle encore ses griffes autour de sa gorge au moment où on la mettrait en terre.
Les mots « séduire » et « maîtresse » résonnèrent désagréablement entre eux. Les pupilles de Cassandra s’élargirent, assombrissant son regard. Elle le parcourut des pieds à la tête et s’empourpra… comme lorsqu’elle jouissait.
Lady Emmeline aurait été une bonne mère, aurait élevé leurs enfants comme il le fallait. Elle ne l’aurait pas aimé, mais l’amour n’était pas une condition nécessaire dans un mariage. Ils se seraient respectés, et cela aurait suffi. Cette pensée lui fit l’effet d’un vide glacial, et il se hâta de la repousser. Il avait vécu sans amour jusque-là, il pouvait continuer.
Elle était là, inoubliable, d’une beauté dévastatrice, mince et élancée, sa chevelure blond pâle encadrant un visage au charme bouleversant. Vêtue d’une robe de satin couleur bronze, les cheveux retenus par des barrettes en ambre, elle se tenait debout à côté de lord Coleman, la main sur son épaule, et souriait au vieil homme d’un air conquérant.