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Citations sur Au revoir là-haut (1111)

Le général Morieux paraissait au moins deux cents ans de plus. Un militaire, vous lui retirez la guerre qui lui donnait une raison de vivre et une vitalité de jeune homme, vous obtenez un croûton hors d’âge. Physiquement, il ne restait de lui qu’un ventre surmonté de bacchantes, une masse flaccide et engourdie sommeillant les deux tiers du temps. Le gênant, c’est qu’il ronflait. Il s’effondrait dans le premier fauteuil venu avec un soupir qui ressemblait déjà à un râle, et quelques minutes plus tard sa brioche commençait à se soulever comme un Zeppelin, les moustaches frissonnaient à l’inspiration, les bajoues vibraient à l’expiration, ça pouvait durer des heures. Ce magma prodigieusement inerte avait quelque chose de paléolithique, très impressionnant, d’ailleurs personne n’osait le réveiller.
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Novembre 1918
Ceux qui pensaient que cette guerre finirait bientôt étaient tous morts depuis longtemps, de la guerre justement. Aussi, en octobre, Albert reçu-t-il avec pas mal de scepticisme les rumeurs annonçant un armistice. Il ne leur prêta pas plus de crédit qu'à la propagande du début qui soutenait, par exemple, que les balles boches étaient tellement molles qu'elles s'écrasaient comme des poires blettes sur les uniformes, faisant hurler de rire les régiments français. En quatre ans, Albert en avait vu un paquet, des types morts de rire en recevant une balle allemande.
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Pauline avait hésité. Toujours le couplet "Je ne suis pas une fille comme ça", après quoi elle avait dit d'accord. Ils étaient montés dans un taxi. Albert avait ouvert la porte sur le logement meublé, tout à fait le genre dont rêvait Pauline, des rideaux lourds qui faisaient riche, du papier peint aux murs. Un petit guéridon et un fauteuil crapaud permettaient même à la pièce de n'avoir pas trop l'air d'une chambre à coucher.
- C'est gentil..., dit-elle.
- Oui, c'est pas mal, hasarda Albert.
Etait-il définitivement idiot? En tout cas, il ne vit rien venir. Comptez trois minutes le temps d'entrer, de regarder, de retirer son manteau, ajoutez une minute pour les bottines à cause des lacets, et vous avez une Pauline toute nue, debout au milieu de la pièce, souriante et offerte, confiante, des seins d'une blancheur à pleurer, des hanches délicieusement courbes, un delta parfaitement domestiqué... Tout ça pour dire que la petite n'en était pas à son coup d'essai et qu'après avoir expliqué pendant des semaines tout ce qu'elle n'était pas, ayant sacrifié aux usages, elle avait vraiment hâte de voir les choses de plus près. Albert était complètement dépassé. Ajoutez quatre minutes et vous avez un Albert hurlant de plaisir. Pauline releva la tête, interrogative et inquiète, mais bientôt referma les yeux, tranquillisée, parce que Albert possédait de la réserve. Il n'avait pas vécu une scène pareille depuis la veille de sa mobilisation, avec Cécile, quelques siècles plus tôt, il avait tant de retard qu'il fallut que Pauline dise enfin, il est deux heures du matin, mon coeur, on pourrait peut-être dormir un peu, non? Ils se lovèrent l'un contre l'autre, en petite cuillère. Pauline dormait déjà quand Albert se mit à pleurer tout doucement, pour ne pas la réveiller.
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Perdre, c'est être humain
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"La vie d'Albert tient à peu de chose : il ne sera pas fusillé parce que, ce mois-ci, ce n'est pas à la mode." (p.82)
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Parce que, dans tout cela, jamais un mort. Jamais un blessé. Pas un seul cadavre. Que des vivants. C'était plus terrible encore parce que toutes ces images hurlaient la même chose : ces hommes vont mourir.
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Son frère, Léon, était trop petit pour un homme, mais Yvonne, elle, était assez jolie. Quand on aime les morues, bien sûr, ajoutait Madeleine mentalement. Une grande bouche, vulgaire, impatiente, qui faisait tout de suite imaginer des cochonneries, les hommes ne s'y trompaient pas, à vingt-cinq ans, Yvonne avait déjà épongé la moitié du Rotary.
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Au sein de ce camaïeu de banalités quotidiennes, de personnages de Bosch, de nus et de guerriers furieux, fit irruption de façon récurrente L'Origine du monde. Il n'avait pourtant vu ce tableau qu'une seule fois, en cachette, chez un ami de famille. Je vous parle de ça, c'était longtemps avant la guerre, il devait avoir onze ou douze ans. Il était encore à l’institution Saint-Clotilde, à cette époque. Saint Clotilde, fille de Chilpéric et Carétène, une sacrée salope celle-là, Edouard l'avait dessinée dans toutes les positions, enfournée par son oncle Godégisil, en levrette par Clovis, et, aux environs de 493, suçant le roi des Burgondes avec Rémi, l'évêque de Reims, par-derrière. C'est ce qui lui avait valu son troisième renvoi, définitif celui-là. Tout le monde convenait que c'était sacrément fouillé, c'était même à se demander, à son âge, où il avait pris les modèles, il y avait de ces détails... Son père qui considérait l'art comme une dépravation de syphilitique, serrait les lèvres.
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Ce garçon, au fond, n’avait pas les pieds sur terre, quelque chose qu’on devait voir souvent chez les riches, comme si la réalité ne les concernait pas.
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- C'est l'avantage.. de la guerre, balbutia-t-il.
Il y eut un grand silence autour d'eux. Pradelle pencha la tête sur une question silencieuse.
- Chacun... y montre sa vraie nature, compléta difficilement Albert.
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