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Les Enfants du désastre (roman) tome 3 sur 3
EAN : 9782226392077
544 pages
Albin Michel (02/01/2020)
  Existe en édition audio
4.12/5   4273 notes
Résumé :
Avril 1940. Louise, trente ans, court, nue, sur le boulevard du Montparnasse. Pour comprendre la scène tragique qu'elle vient de vivre, elle devra plonger dans la folie d'une période sans équivalent dans l'histoire, où la France tout entière, saisie par la panique, sombre dans le chaos, faisant émerger les héros et les salauds, les menteurs et les lâches...
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Critiques, Analyses et Avis (519) Voir plus Ajouter une critique
4,12

sur 4273 notes

Quand tu te rends à une table étoilée pour la troisième fois, tu peux être tentée de chicaner, soupeser, couper les cheveux en quatre, bref comparer avec ce qu'on t'a servi la dernière fois. Ben là, même pas envie tellement la table est bonne chez Lemaitre ! Juste du plaisir à boulotter son histoire. C'est le genre de bouquin que t'emportes partout avec toi pour ne pas quitter les personnages, aux toilettes ( si si ), dans le métro ( même quand t'es grave collée contre la vitre dans un RER A bondé en pleine grève ) yes, tu dégaines, à chaque minute profitable.

Pierre Lemaitre aime tellement ses personnages, qu'à la Balzac, il va piocher dans Au revoir là-haut le personnage secondaire de Louise Belmont, la fillette de dix ans qui s'était entichée d'Edouard Péricourt, la gueule cassée qui logeait chez sa mère impasse Pers dans le 18ème. Dans l'épilogue de ce premier opus, il était dit qu'elle n'eut pas de destin remarquable jusqu'à ce qu'on la retrouve en 1940. Elle a désormais 30 ans, institutrice et serveuse dans un troquet, et se voit offrir sur un plateau une scène d'ouverture absolument spectaculaire, qui fixe dans l'imagination du lecteur une empreinte puissante.

Gabriel, le prof de mathématiques un peu falot devenu sergent-chef; son comparse caporal Raoul, l'attachant combinard sans scrupule ; la courageuse Louise qui court derrière ses secrets de famille ; Jules, le patron au coeur énorme de Louise, et surtout l'irrésistible Désiré, usurpateur génial au charisme fou qui revêt multiples identités au cours de l'épopée … tous formidablement campés, tous en mouvement dans cette France du printemps 1940 qui passe en quelques jours de la Drôle de guerre à la panique de la débâcle face à l'armée allemande.

Tout le talent de conteur de Lemaitre s'exprime dans son art de tresser plusieurs arcs narratifs avec une vivacité remarquable, dans un rythme bondissant qui nous transporte de la ligne Maginot aux routes de l'Exode. Il sait injecter de la densité émotionnelle au bon moment tout en créant du suspense qui pousse à lire. C'est vraiment un des rares auteurs français qui maitrise à ce point ce sens du romanesque échevelé avec ces morceaux de bravoure comme la sabotage du pont de Tréguière.

Sa façon de brosser un tableau de cette période historique est également réjouissante. Il s'empare d'événements réels complètement incongrus ou méconnus ( l'exode pénitentiaire de la prison parisienne du Cherche-Midi vers le camp de Gurs ou encore la destruction de billets d'une valeur de milliards de francs par la banque de France pour éviter que les Allemands ne s'en emparent ) et il s'amuse à en inventer des nouveaux complètement véridiques comme justement le sabotage du pont de Tréguière ou la vie dans le fort du Mayenberg. L'illusion est parfaite ! Sa description de l'Exode et ses Français qui fuient sur les routes l'avancée allemande est très réussie, on a l'impression, d'être avec eux.

Et puis, comme toujours, on rit ! Peut-être un peu plus que dans les précédents tomes, dès que le personnage de Désiré apparaît. Mais on rit intelligemment car derrière la farce, pointe une réflexion sur la désinformation mise en oeuvre par le ministère de l'Information dans cette période d'hystérie et de panique tout schuss. C'est lors d'un cataclysme que l'on sait ce qu'on est, ce qu'on vaut, que l'ont doit être le meilleur et montrer à la hauteur des qualités humaines qu'on prétend avoir. Et là, la façon dont réagissent les personnages principaux ne laissent aucun doute au final et on ne les aime qu'encore plus.

Je me suis régalée et sans doute, le plaisir aurait été total avec la présence d'un truculent « méchant » pour contrecarrer le destin de nos personnages. Ce destin, on devine assez vite ( un peu trop ) vers dans quelle direction il va aller, il y a peut-être moins de rebondissements sur le final comme dans ses autres romans.

Une fresque réjouissante, savoureuse qui peut se lire indépendamment d'Au revoir là-haut et Couleurs de l'incendie mais ce serait vraiment dommage de ne lire que celui-là … Pierre Lemaitre est sans conteste un de nos plus grands écrivains !
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Quelle saga ! Pierre Lemaitre, avec Au revoir là-haut (Prix Goncourt 2013), Couleurs de l'incendie et, cette année, Miroir de nos peines, a brossé un extraordinaire panorama de l'entre-deux guerres mondiales. Cette période est finalement assez peu explorée et c'est avec plaisir et passion que je me suis plongé dans ce troisième volume.
Pierre Lemaitre mène habilement les destinées, les entrecroise, maintient un suspense qui me pousse à tourner les pages pour savoir, pour retrouver Louise, Gabriel, Raoul, Fernand, Alice, M. Jules et ce fameux Désiré, un mystificateur hors pair.
Si le roman débute le 6 juin 1940, il faut de temps à autre replonger dans le passé pour expliquer, pour révéler des secrets trop lourds à porter et trop longtemps cachés.
Alors que les bruits de bottes menacent l'Europe, Louise, une institutrice âgée de trente ans, qui donne un coup de main à M. Jules pour le service, dans son restaurant-café, reçoit une proposition surprenante de la part d'un client, le vieux docteur Thirion. Il lui demande de bien vouloir se mettre nue devant lui, dans une chambre d'hôtel, et promet de payer cher pour cela, tout en s'en tenant là. Louise hésite longtemps puis accepte.
Et c'est le premier coup de théâtre du roman qui démarre donc sur les chapeaux de roues. Au passage, je retrouve les noms des fameux auteurs des faux monuments aux morts, héros de Au revoir là-haut : Édouard Péricourt et Albert Maillard. le film, inspiré de ce roman, était superbe.
Au même moment, alors que la guerre menace, Raoul Landrade et Gabriel sont soldats affectés dans un fort de la fameuse ligne Maginot qui devait bloquer l'accès de notre pays à l'ennemi. Ce ne sont pas les meilleurs amis, c'est le moins que je puisse dire…
Entre alors en scène le fameux Désiré. Il est instituteur, aviateur, avocat puis on le retrouve au ministère de l'information et enfin curé, toujours avec un aplomb et un culot formidables.
Entre les histoires d'amour, les secrets de famille, les mystères, les cachotteries, les révélations, le principal intérêt de Miroir de nos peines, c'est de plonger son lecteur dans le terrible exode des populations devant l'avancée inexorable de l'armée nazie : « Un immense cortège funèbre, pensa Louise, devenu l'accablant miroir de nos peines et de nos défaites. » Pierre Lemaitre a beaucoup de talent pour inclure toute une réalité un peu trop vite oubliée dans sa fiction toujours bien racontée.
Dans cette fuite devant l'ennemi, se trouve aussi l'exode pénitentiaire. Près de deux mille personnes détenues sont parties de Paris le 12 juin 1940 et Pierre Lemaitre conte tout cela, démontrant toute l'absurdité d'une situation devenue incontrôlable. La mort venue du ciel par les avions allemands bombardant et mitraillant les civils sur les routes, s'abattait aussi sur les prisonniers malades ou blessés, exécutés froidement par leurs compatriotes.
Miroir de nos peines est une formidable fresque historique au travers de destinées familiales
Lien : http://notre-jardin-des-livr..
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Passionnant roman, ce Miroir de nos peines nous emmène du 6 avril au 13 juin 1940, en quatre couloirs narratifs, sur les pas de Louise, institutrice aussi coureuse que courageuse, Raoul, gaulois téméraire, débrouillard et insoumis, Fernand, garde mobile, chiffonnier à ses heures et Désiré, génial acteur polymorphe.

Pierre Lemaitre est toujours aussi talentueux pour mettre en scène des héros attachants et les projeter dans des épisodes décrits avec un art cinématographique qui les rend inoubliables.

Il sait parfaitement conjuguer la tragédie et la comédie et son scénario présente, hélas, bien des points d'analogie avec l'actualité ... j'imagine fort bien Alexandre Benalla incarner Raoul et Benjamin Griveaux jouer Désiré au ministère de l'information ;-)

Jusqu'à la page 534, j'ai cru avoir le premier chef d'oeuvre de l'année entre les mains. Mais j'ai déchanté en page 535 en découvrant une bibliographie « comme il se doit » misogyne dans laquelle notre auteur oublie, par exemple, Valerie Tong-Cuong et son mémorable « par amour » et surtout omet « suite française ».

Comment peut on évoquer l'exode sans penser à Irène Némirovsky qui a écrit les plus belles pages sur ces tragiques semaines du printemps 1940 avant d'entrer dans l'éternité en août 1942 à Auschwitz ?

Comme Pascal décidément , « Je ne crois que les témoins qui sont prêts à se faire égorger » et je cours relire « suite française ».
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Lu passionnément en deux jours, voilà encore une réussite avec ce dernier volet de la trilogie des" Enfants du désastre "! Merci, Pierre, de me l'avoir trouvé dès le matin de sa parution, la libraire était en train de le mettre en rayon!

" Couleurs de l'incendie" nous présentait l'époque trouble de l'entre deux-guerres. L'auteur a choisi ici la seconde guerre mondiale, mais sur une période très précise, et courte, d'avril à juin 1940. Le lien, très ténu, avec les personnages précédents, est Louise, jeune femme qui a connu et aimé , enfant, Édouard Péricourt , la gueule cassée du premier tome, frère de Madeleine.

Je ne voudrais surtout pas gâcher le plaisir des futurs lecteurs, ce serait dommage. Je vous dirai seulement que j'ai intensément vibré en lisant cette histoire, picaresque, poignante, intimiste, universelle, eh oui, tout cela à la fois! Que les personnages ont éveillé en moi toute une gamme variée de sentiments, d'émotions: empathie,compassion, dégoût, admiration, curiosité...

Ce début de guerre incertain, où bien vite, les allemands progressent en France, puis l'exode qui s'en suit, étaient pour l'auteur un terreau d'imagination fructueux, même s'il s'appuie aussi sur des faits véridiques.

Pierre Lemaitre a l'art de faire vivre pour nous des êtres de papier aussi vrais que nature, Louise, Fernand, Jules, Raoul, Gabriel et tant d'autres. Et je vous laisse découvrir mon préféré, Désiré, l'homme-caméléon, vous verrez pourquoi je le surnomme ainsi...

Quant à l'épilogue, il est savoureux...

Alors, je n'ajouterai que quelques mots pour conclure: lisez ce livre, il vous transportera ! Miroir de nos peines, oui, mais aussi miroir de notre ravissement de lecteur!
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La "drôle de guerre" a débouché sur une vraie guerre qui n'était pas drôle du tout.
Elle a commencé à  se lézarder en avril - mai 40 et , en juin , elle a pris fin dans la débâcle que l'on sait. 

Une vraie déculottée. 

Une fois la Belgique envahie, les troupes allemandes ont percé les défenses françaises par la Picardie et par les Ardennes,  contourné et pris à revers la ligne Maginot, réputée imprenable sauf  à la cosaque, il faut croire! le temps de permettre aux Anglais de s'embarquer en catastrophe à  Dunkerque et de se replier vite fait sur le bastion britannique, c'était plié. 

En quelques jours, les armées françaises se sont trouvées débandées, essorées, dispersées facon puzzle. On a tous en tête les images de ces convois de civils pathétiques, avec matelas sur le toit des voitures en panne d'essence, méticuleusement mitraillés  par la Luftwaffe , comme au tir au pigeon.

On a lu ça,  vu ça,  entendu ça.  Les Miroirs de nos peines n'ont pas manqué.  Les deux plus marquants restent, pour moi,  les premières images du film de Rene Clément, Jeux interdits et  toutes les pages,  terribles et cruelles, d'Irène Némirovsky dans Une suite française.

Alors il fallait avoir la pêche phénoménale et l'insolence joyeuse de Pierre Lemaitre pour  tirer de ces quelques mois de panique et de déconfiture  peu glorieuse une épopée alerte, presque allègre,  où rien ne se prend ni au sérieux, ni au tragique,  où les personnages sont tous éminemment sympathiques- il y a bien un  garde mobile   très-vilain-pas-beau mais on le découvre pas si fin salaud que ça, finalement, il y a aussi  un voleur du bien public qui utilisera son larcin à  de nobles ...faims  et aussi un horrible magouilleur qui s'avère être un sacré débrouillard,  dans la déroute. D'ailleurs, son enfance massacrée fait qu'on lui donnerait le bon Dieu sans confession.

Surtout quand le bon dieu et la confession sont administrés par le père Désiré,   un ecclésiastique  charismatique à la charité survoltée et au latin...byzantin!

Bref, ce Miroir de nos peines porte bien mal son nom car il a le talent de nous mettre en joie, et celui de nous tenir en haleine. Je défie quiconque de lire ce bon gros livre de près  de 500 pages en plus d'une semaine: on le dévore sans modération!

Pierre Lemaitre sait pourtant mêler humour et sens du tragique : Cadres noirs que j'ai adoré me serre encore le coeur.  Et, plus près de ce dernier livre, le premier de la trilogie, Au revoir là haut,  ne manque pas de moments graves, de notes amères,  voire tristes.

Rien de cela ici.

 La déroute imprime au récit sa débandade  parfois cocasse et son rythme de  fugue.  On est littéralement emporté,  et on se cramponne  plus encore qu'on ne s'identifie aux personnages si chaleureux,  si humains pour ne pas être emporté avec elle!   Je soupçonne l'auteur de s'y être attaché autant que nous, à ses personnages,  et de s'être échiné à les sauver tous du danger ou de l'opprobre, par amitié pour eux , par empathie. On n'allait pas quand même se quitter sur une note noire!

Même l'arrivée des sinistres  vainqueurs à la messe du père Désiré est une scène  pleine d'audace, de brio et d'insolence,  proprement réjouissante,  alors qu'elle devrait augurer de  cinq années de haine, de persécution et de malheur.

C'est aussi cette subversion du tragique de l'Histoire et d'une de ses pages les moins glorieuses, les plus lamentables, qui fait du livre une étonnante réussite ! 

Je recommande chaudement ce Miroir de nos peines  qui reussit si bien à  les alléger, les distraire et les transformer en épopée joyeuse! 
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critiques presse (6)
Bibliobs
17 janvier 2020
D’une lecture aisée, la nouvelle chronique historique de Lemaitre possède l’ironie désespérée qui a fait le succès des premiers tomes. L’auteur y accumule situations inextricables et péripéties de feuilletoniste pour recréer le chaos dans lequel baigne la France durant cette période particulière.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
LeJournaldeQuebec
13 janvier 2020
Après y avoir consacré près de 10 ans, l’écrivain français Pierre Lemaitre clôt sa géniale trilogie de l’entre-deux-guerres.
Lire la critique sur le site : LeJournaldeQuebec
LaLibreBelgique
09 janvier 2020
Pierre Lemaître, avec Miroir de nos peines, achève sa formidable et jouissive trilogie romanesque commencée en 2013 avec Au-revoir là-haut.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
LeMonde
09 janvier 2020
Avec son nouveau roman, le Prix Goncourt 2013 clôt sa trilogie de l’entre-deux-guerres en 1940, à l’heure de la débâcle. En bonne compagnie et sur un rythme bondissant.
Lire la critique sur le site : LeMonde
LaCroix
09 janvier 2020
Le dernier volume de la trilogie de l’entre-deux-guerres, commencée avec Au-revoir là-haut, est une belle réussite.
Lire la critique sur le site : LaCroix
LeSoir
07 janvier 2020
Un quart de siècle depuis « Au revoir là-haut » : il n’en faut pas davantage pour conclure, avec « Miroir de nos peines », un spectaculaire feuilleton romanesque.
Lire la critique sur le site : LeSoir
Citations et extraits (359) Voir plus Ajouter une citation
La voiture cahotait lentement dans le flot de fuyards qui était à l’image de ce pays déchiré, abandonné. C’était partout des visages et des visages. Un immense cortège funèbre, pensa Louise, devenu l’accablant miroir de nos peines et de nos défaites.
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Jour après Jour le Reich progressait, l'héroïsme des soldats français et alliés chargés de résister trouvait sa limite dans la position stratégique des deux camps. Tôt ou tard, on serait face aux Allemands et dos à la mer. Ce serait un massacre ou une déroute, peut-être les deux, plus rien alors ne s'opposerait à l'invasion du reste du pays, Hitler pourrait être à Paris en quelques jours. Désiré en aurait fini avec la guerre. En attendant, il travaillait.

- Bonsoir à tous. Monsieur R., de Grenoble, me demande ce que nous savons « sur l'état réel des dirigeants du Reich ».
- Musique.
- Si l'on en croit Radio-Stuttgart, Hider est aux anges. Nos services d'espionnage et de contre-espionnage nous livrent, eux, des informations autrement plus gênantes pour le Reich. D'abord, Hider est très malade. Il est syphilidque, ce qui n'a rien d'étonnant. Même s'il a tout fait pour le cacher, Hitler est homosexuel, il a d'ailleurs attiré auprès de lui quantité de jeunes hommes pour assouvir ses fantasmes, personne n'a jamais eu de nouvelles d'eux. Il ne dispose que d'un seul testicule et souffre d'une impuissance irréversible qui l’a rendu fou. Il mord les tapis, arrache les rideaux, reste prostré pendant des heures. Du côté de son état-major, la situation n'est pas meilleure. Ribbentrop, disgracié, s'est enfui avec le trésor des nazis. Goebbels sera bientôt jugé pour trahison. Faute de chefs lucides et sains d'esprit, l'armée allemande est condamnée à faire la seule chose qui ne demande pas de réflexion : foncer droit devant elle. Nos chefs d'armée l'ont parfaitement compris, qui la laissent s'épuiser dans cette course folle et la stopperont dès qu'elle n’offrira plus de résistance, ce qui ne saurait tarder.
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- Dites-moi, sergent, vous avez quand même le contact avec l'artillerie ?

Les artilleurs étaient postés à quelques kilomètres de là. En cas d'attaque, c'était eux qu'on solliciterait pour arroser l'autre côté du fleuve afin de tenir l'ennemi à distance.

- Vous savez bien, mon capitaine, répondit Gabriel, on n'a pas le droit de communiquer avec l'artillerie par radio...

Le capitaine se massait le menton, perplexe. L'état-major se méfiait des transmissions sans fil qui pouvaient trop facilement être interceptées. Les demandes de tirs devaient se formuler exclusivement par le lancement de fusées. Or, justement, le lieutenant rencontrait là un petit problème :
- On nous a équipés de lance-fusées automoteurs tout nouveaux, mais, dans l'unité, personne ne sait s'en servir. Et il n'y a pas le mode d'emploi.

Au loin, la cime des arbres se teintait de nouveau du rougeoiement des tirs dont la pluie assourdissait les échos.

- Sans doute les troupes françaises qui harcèlent les Boches, dit le lieutenant.

Gabriel, sans bien savoir pourquoi, se souvint de la devise du général Gamelin : « Courage, énergie, confiance. »

- Sans doute..., répondit-il. Ça ne peut être que ça...
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Lorsqu'il brancha sa première fiche, il tomba sur la conversation d'un deuxième classe de Vitry-le-François avec sa fiancée.
- Tu vas bien, mon chéri ? commença-t-elle.
-Tsst tsst tsst, dit Désiré. Pas de mention concernant le moral des troupes.
On sentit la jeune fille désarçonnée; elle hésita, puis:
- Au moins, il fait beau ?
- Tsst tsst tsst, dit Désiré. Rien sur les conditions météorologiques.
Un long silence s'ensuivit.
- Chérie...
le soldat attendit qu'on l'interrompe. Rien ne vint, il se lança:
- Dis-moi, pour les vendanges...
- Tsst tsst tsst. Le vin français est une donnée stratégique.
le jeune soldat passa à la colère, il n'y avait vraiment pas moyen de discuter. Il décida d'arrêter là.
- Bon, écoute, trésor...
- Tsst tsst tsst. Aucune mention concernant la Banque de France.
Silence
La jeune fille enfin se risqua:
- Bon, bah, je vais te laisser...
- Tsst tsst tsst, pas de défaitisme !
Désiré était très en forme.
(page 112-113)
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"Alors, jeune homme, comment voyez-vous votre travail dans ce service ?
- A, E, I, O, U", avait répondu Désiré.
Le sous-directeur, qui connaissait son alphabet, se contenta d'un regard interrogatif. Désiré reprit :
"Analyser, Enregistrer, Influencer, Observer, Utiliser. Dans l'ordre chronologique : J'Observe, j'Enregistre, j'Analyse et j'Utilise pour Influencer. Influencer le moral des Français. Pour qu'il soit au plus haut."
Le sous-directeur comprit immédiatement qu'on lui avait confié la crème de la crème.
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