Ils savent tout de vous

Ces photos-là se ressemblent toutes. On vous demande de n'avoir aucune expression, pour faire peur aux gens si on la diffusait. Vous seriez tout aussi reconnaissable souriant.

Les animaux c’est sympa; continua Denny. Je ne me sens pas mal avec eux. Ils ne pensent pas beaucoup. Angela, c’est une fille bien, mai merde, elle n’arrête pas de penser. On était en train de baiser l’autre soir et elle pensait à la vaissele qu’elle avait laissée dans l’évier.

Encore une nouvelle norme. Les départements comme le sien comptaient de moins en moins sur les anciens critères, CV et crème des universités : ils engageaient des délinquants intelligents dans des trous perdus. Elle ignorait si cette évolution était bonne ou mauvaise. [...] Ça coûtait évidemment moins cher, mais on courait le risque de remplir ses bureaux d'esprits libres. En recherchant des individus qui n'avaient pas dans leur CV quatre ans de soumission à une autorité, on pouvait se retrouver avec un incontrôlable comme Edward Snowden.

Quel qu’ait été leur métier avant qu’ils se fassent repérer, ils évoluaient et finissaient par contester l’autorité. Même le plus docile et le moins imaginatif commençait à poser des questions. Pourquoi les riches sont riches, pourquoi les puissants commandent ? Quelque chose dans le don de lire les pensées des autres les faisait remettre en question les structures sociales mêmes qu’ils avaient toujours considérées comme allant de soi.

Merde alors, regardez qui voilà. La seule personne intéressante que je connaisse.

« Cette fois, sa voix avait le ton redoutable du refus définitif, qu’Emmanuel avait appris à reconnaître à cause disputes avec son ex-femme ; il était le plus souvent suivi d’un clic et de la tonalité. » p. 189

« Terry regarda les doigts de Jerry voltiger sur les touches. Il y avait quelque chose d’érotique dans le spectacle d’un homme aussi captivé par son travail, concentré et confiant. Quoi de plus séduisant que la maîtrise ? » p. 154

« Snowe prit le dossier et examina la photo de Denny. (…) ces photos-là se ressemblent toutes. On vous demande de n’avoir aucune expression, pour faire peur aux gens si on la diffusait. Vous seriez tout aussi reconnaissable souriant. » p. 111

Les gens croient que la confiance se mérite, mais en réalité croire ce qu’on vous dit est, chez les humains, une configuration par défaut. C’est la méfiance qui se mérite.

« - Qu'est-ce que c'est ? - Des informations de drones, répondit Jerry, puis il se dit qu'il ne devrait pas faire ça devant son patron, c'était techniquement illégal. Il avait piraté ces informations quelques années plus tôt, par erreur, et il était devenu accro. C'était mieux que la vraie télé. Pourquoi regarder des conneries de téléréalité quand on peut voir la réalité sans retouche offerte par l'US Air Force ? Emmanuel resta quelque instants cloué sur place, et Jerry ressentit la fraternité d'un intérêt partagé ». Ces images fascinaient étrangement certaines personnes. C'était très impressionnant de voir le quotidien d'habitants à l'autre bout de la planète en sachant qu'on ne les rencontrerait jamais. Du voyeurisme, sans aucun doute, mais aussi de … l'interconnectivité. »