L'auteur,
Lionel D., qui souhaite rester anonyme pour des raisons évidentes de sécurité, a rejoint en 2003, à l'âge de 28 ans, la direction centrale des unités spéciales de la police fédérale belge (DSU).
Notre combattant du terrorisme a été assisté dans la rédaction de ses "mémoires de guerre" par la journaliste d'investigation flamande,
Annemie Bulté.
Le livre, qui est sorti en mai 2021, compte 328 pages, un glossaire des termes techniques, une liste de djihadistes et 16 pages de photos exclusives.
L'établissement d'une unité spéciale antiterroriste dans plusieurs pays trouve son origine dans l'attentat sanglant des jeux olympiques à Munich en 1972.
C'est ainsi que le 16 mai 1977 l'Escadron Spécial d'Intervention (ESI) de la gendarmerie belge a vu le jour. Cette unité d'élite a été rebaptisée officiellement Directorate of Special Units (DSU), mais ses membres continuent à l'appeler ESI. Entre eux, ils se nomment les "Iris", d'après le prénom de la fille de leur commandant.
Après un entraînement particulièrement dur d'un an, Daniel D. est d'abord mobilisé pour la lutte contre le grand banditisme, comme l'émeute dans la prison d'Ittre à 30 km au sud de Bruxelles et la chasse au gangster Nordin Benallal de Molenbeek, le roi de l'évasion avec prise d'otage, en octobre 2007.
Quatre ans plus tard, une intervention similaire dans la prison de Namur, termine la carrière de Lionel contre les gangsters dangereux.
Dorénavant, place aux terroristes. C'est surtout cette seconde et dernière partie de l'ouvrage, intitulée "Les années de terreur", que j'ai trouvé fascinante.
La lutte antiterroriste c'est carrément "la guerre", comme l'a formulé un coéquipier de Lionel.
Une semaine après l'attentat sanglant de "
Charlie Hebdo" à Paris, une patrouille des sections spéciales belges s'est attaqué à des membres de Daesh qui s'étaient cachés dans une maison à Verviers (près de Liège) d'où ils préparaient une autre opération sanglante. Lors de cette intervention du 12 janvier 2015, 2 terroristes redoutables sont tués et un autre arrêté.
Il est intéressant de lire comment une telle opération est en fait concrètement planifiée et exécutée contre des djihadistes lourdement armés et prêts au suicide.
L'assaut de Verviers a constitué un tournant décisif dans la lutte belge antiterroriste, dans la mesure où il a démontré les défaillances en équipement et matériel des unités spéciales.
L'année suivante, le 22 mars 2016, ont eu lieu les attentats de Daesh à la station de métro Maelbeek de Bruxelles et l'aéroport international de Zaventem, faisant 32 morts et 340 blessés.
De l'étranger la Belgique a été critiquée pour ne pas avoir réussi à eviter cette catastrophe.
Si effectivement il y a eu carence, cela n'a sûrement pas été de la faute des unités spéciales de police, des hommes qui ont travaillé jour et nuit pour justement prévenir une telle éventualité.
Même pas une semaine avant cet événement tragique, ils avaient par ailleurs arrêté un des plus dangereux terroristes, Salah Abdeslam, qui sera finalement condamné à la réclusion perpétuelle par la justice française le 29 juin 2022.
Outre que ce témoignage d'un participant direct à ce combat terrible est très rare, il propose en plus un document humain vivant en racontant les répercussions de cette lutte sur la vie de tous les jours des guerriers et de leur entourage immédiat. En l'occurrence les implications d'un tel engagement hautement exigeant pour Céline, la femme de Lionel, et leurs 3 enfants Matthieu, Charlotte et Maxime.
Il est incompréhensible, pour ne pas dire scandaleux, que ces hommes qui subissent une tension extrême et risquent leur vie pour sauvegarder la nôtre ne bénéficient pas de la part des autorités compétentes du respect et de la reconnaissance qu'ils méritent.
Pas étonnant donc que
Lionel D. a décidé, le 15 septembre 2017, à 42 ans, d'aller chercher son bonheur dans le secteur privé.