Il est possible que le nom de
Madame Claude n'évoque pas grand-chose aux jeunes générations, pourtant il a défrayé la chronique pendant trois décennies, du début des années 1960 au début des années 1990, avec quelques éclipses. Fernande Grubet, alias
Madame Claude, avait dirigé l'un des plus célèbres réseaux de prostitution haut de gamme, destiné à satisfaire les goûts d'une clientèle fortunée, internationale, évoluant dans le monde de la politique et des affaires, surtout attachée à la plus grande discrétion.
Pour certains stratèges du XVIIIe siècle, il fallait pratiquer l'art de la guerre en dentelles, une bien jolie expression pour évoquer un « macabre jeu d'échecs » selon l'expression de l'historien
Albert Soboul. Pour
Madame Claude, experte en habillage, son art était fournir des « ambassadrices de charme » à des messieurs généreux. Un simple rôle d'intermédiaire pour mettre en relation des jeunes femmes consentantes, fastueusement rémunérées, et des gentlemen bien élevés. Ici, il serait malséant de parler d'exploitation sexuelle et de proxénétisme.
L'enquête d'Erwan L'Éléouet, journaliste de télévision notamment connu pour la série documentaire Un jour/Un destin, se heurte souvent au secret dont
Madame Claude savait entourer ses activités, comme aux mensonges qu'elle avait distillés tout au long de sa carrière. le plus époustouflant fut, pour moi, d'avoir revendiqué un passé de résistante et de déportée ! En recueillant certaines confidences de ses filles, en plongeant dans les dossiers de la Justice ou de la pénitentiaire, il parvient à dresser un portrait sans concessions de cette femme dure, vindicative et acharnée aux affaires. On est sans doute loin de la femme décrite dans le livre de
Jacques Quoirez – le frère de
Françoise Sagan – qui écrivit un Allô, oui ou Les Mémoires de
Madame Claude, un ouvrage paru en 1975 dont la complaisance s'expliquerait par l'amitié qui les liait et son rôle supposé de « testeur » des protégées de son amie.
Malgré ses appuis dans la police et les milieux politiques,
Madame Claude a fini par être inquiétée. Une première fois pour dettes fiscales, et une seconde pour proxénétisme. Les temps avaient changé et étaient moins cléments envers les compromissions en tous genres. Il est amusant de relever que
Martine Monteil, première femme à la tête de la Brigade de répression du proxénétisme, aura présidé à sa chute et que son dossier aura été instruit par une autre femme, la juge Chantal Perdrix.