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EAN : 9782752910509
200 pages
Phébus (03/03/2016)
4/5   9 notes
Résumé :
Depuis qu'il y a une forteresse, il y a un colonel pour la commander. Et une fille de colonel pour dévaler la colline et aller danser.
Entendez-vous la musique des fêtes ? Elle vient de la mer comme l'odeur du large.
Qui reconnaîtra que le métal des notes commence à se fêler ?
Car la surface des marécages ne cesse de croître et la frontière de reculer. La tempête approche. Et, avec elle, les ennemis insaisissables sur leurs chevaux légers.
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
"Un dernier texte avant la route
Un dernier, un dernier doute
Avant l'ultime déroute"
Voilà ce qui m'est spontanément venu à l'esprit en découvrant dans la masse critique de mai, le titre et la belle couverture du livre de Jean Lods, et, sans plus, j'avais déjà décidé qu'il était un candidat solide pour ma sélection, la forteresse, le cheval, et le colonel, il n'en fallait pas plus pour que me chante Jacques Brel :
" Je m'appelle Zangra je suis vieux colonel
Au fort de Belonzio qui domine la plaine
D'où l'ennemi viendra qui me fera héros
En attendant ce jour je m'ennuie quelquefois ...",
et, avant même d'avoir lu le descriptif, en fait la quatrième de couverture si ma mémoire est bonne, j'avais prédit ce sera le désert ou la mer. L'horizon lointain, la patiente observation des éléments, prévoir pour s'adapter, l'interrogation permanente, l'homme scrutant à perte de vue son destin, l'attente ... la discipline, la méticuleuse routine qui tourne au rituel. D'abord la détermination, puis l'acceptation et la résignation : logique. C'est dire si j'étais prêt à recevoir ce livre en cadeau, prêt à remercier Babelio et les éditions Phébus. Certes j'avais l'intuition des thèmes à venir, commença l'attente ... et au bout la surprise, je n'avais anticipé que le cadeau soit si beau : le papier tellement agréable au toucher, avant tout de la tenue, un testament en effet ; vingt ans sans publier, assurément un gage de qualité, le doute probablement, une marque de courage assurément, quel exemple Mr Lods, à 78 ans, mes respects ...

La mer finalement, mais aussi la morne plaine et les marais déserts, la forteresse qui domine tout cela et dans sa tour plus haute encore, comme un phare pour guider ses marins, rassurer la cité, le colonel dans une posture d'éternité. "Nous tiendrons", se dit-il, les colonels ont toujours tenu bon, une lignée, un héritage, une tradition. le port, les bateaux qui vont et viennent, les marins qui débarquent, les filles qui déboulent, les filles qui les attendaient, les filles qui n'attendent que de danser, la cité, la vie, et au milieu : la fille du colonel. Les relèves de la garde, les rondes sur les remparts, l'inspection des chevaux et cavaliers, les chevauchées aux frontières, les rapports des officiers, la forteresse, la routine immuable et au sommet, dans la solitude du commandement : le colonel. Ainsi donc, dans une province assoupie, bordée par la mer et les marais, vit une cité sous la protection de la forteresse, dans cette impressionnante forteresse, la tour, emmuré dans la tour, le colonel, et, rigidifié dans cette fonction, un homme, oublié de lui-même.

J'avais anticipé des phrases courtes. Martiales. Une, deux. Brièveté du ton. Mon colonel... Oui, mon colonel. Je m'étais embarqué trop précipitamment dans cette lecture, la mer m'a rejeté. Patience, calme et détermination... Je le sais dans bien des combats patience et longueur de temps font plus que force et que rage, le cavalier qui veut aller loin ménage sa monture, je sais cela aussi, et surtout attendre le moment favorable, les vents porteurs et pour le départ : la marée. Report au lendemain pour dompter cette langue faite de longues périodes, exigeantes, rigoureuses, propres à l'attente, il faut garder une attention soutenue, suivre la piste sans s'écarter, ne jamais s'assoupir, ne pas franchir la frontière du rêve si mouvante et le risque de s'enliser ; lire non s'enliser, sans se perdre aux confins de cette langue si belle, en explorer les contours et toujours en alerte pousser l'investigation pour appréhender les signes, tous les signes car parfois elle pourrait se dérober, regarder plus loin pour tenter de capter l'entièreté du message qui nous est légué, prendre le rythme et suivre le pas du cheval. En somme, c'est bête, il suffit de se laisser bercer mais pas d'illusions, l'injonction est claire : vigilance et lucidité, toujours et partout.

Je veux dans mon rapport, être complet quitte à ce qu'il soit un peu long ainsi que ceux de ce Lieutenant Mario, et vous partager en toute honnêteté quelques déductions personnelles : la vie n'offre pas de sécurité, à la routine préférer l'inconnu car bâtir une forteresse revient à construire son propre enfermement, pour mener sa quête choisir l'agilité du petit cheval cabré plutôt le statut du grand frison, s'adapter aux éléments, hormis la vie rien n'est immuable tout est pareil à ces marais changeants. Il me semble surtout avoir perçu, au-delà des mots, que l'ordre des hommes, quelque soit l'attention rigoureuse qui lui soit apporté, ne surpassera jamais l'ordre de la vie. Mais aussi un mythe déchu : la fonction fait l'homme, au contraire à l'usure elle le défait ! Et une question subversive avec cette vieille forteresse de l'Europe qui se lézarde, vers où pourrons-nous émigrer ?

"Ah ! Il est des livres ! Il est des livres rares. Et, il est des livres que rarement, en les lisant, l'on découvre avoir portés depuis toujours. Je veux dire par cela, qu'un tel livre nous attendrait, personnellement, car il était déjà en nous avant même que nous l'ouvrions, avant même, il se peut, qu'il n'eût été écrit." Cette citation * ne peut s'appliquer qu'à la grande littérature, celle qui aborde des thèmes universels, la rare dont on peut commencer la chronique avant même d'avoir ouvert le livre, à la vôtre, à la beauté intérieure, la sensible -par la délicatesse- à laquelle viennent s'accrocher des lambeaux de poésie émergeant de la brume :

"Rien n'est jamais acquis à l'homme ...
... Et quand il croit
Ouvrir ses bras son ombre est celle d'une croix
...
Sa vie est un étrange et douloureux divorce
...

Sa vie Elle ressemble à ces soldats sans armes
Qu'on avait habillés pour un autre destin
...
Eux qu'on retrouve au soir désoeuvrés incertains
Dites ces mots Ma vie Et retenez vos larmes
...

Mon bel amour mon cher amour ma déchirure
Je te porte dans moi comme un oiseau blessé
...

Le temps d'apprendre à vivre il est déjà trop tard
...

Il n'y a pas d'amour qui ne soit à douleur
Il n'y a pas d'amour dont on ne soit meurtri
Il n'y a pas d'amour dont on ne soit flétri
Et pas plus que de toi l'amour de la patrie
Il n'y a pas d'amour qui ne vive de pleurs

Il n'y a pas d'amour heureux
Mais c'est notre amour à tous les deux"
Aragon
Je garderai précieusement votre livre, il est en bonne place. Longue vie à vous Mr Lods. Merci.

* Krout critique de la ville dans le miroir de Mirko Kovac né lui aussi en 1938, ce livre travaillé pendant vingt ans peut aussi être qualifié d'être son testament littéraire, au phrasé et au rythme proche de celui qu'on retrouve dans le dernier colonel, premier cadeau obtenu par une participation à une masse critique, l'association était inévitable. le destin a de ces tours. ^^
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Dans une forteresse qui donne sur la mer d'un côté et sur des marécages brumeux de l'autre, un colonel veille au calme de la ville et à ce qui se passe du côté de la frontière. « le souci du colonel à cette heure avancée de la nuit naissait surtout du caractère flou et mouvant de celle-ci, personne n'avait pu en tracer le contour ni la matérialiser véritablement, elle se perdait au milieu des sables et des lagunes. » (p. 17) le colonel s'inscrit dans une longue lignée d'officiers qui, s'ils avaient des traits de caractère particuliers, se confondent tout de même dans l'imaginaire collectif. « Il était vieux certes, comme tous les colonels qui l'avaient précédé et que, comme lui, on avait toujours connus ainsi. » (p. 23 & 24) Un jour, petit cheval gris apparaît sur le port : c'est une monture ennemie, ce qui signifie que l'adversaire se rapproche, que le conflit est proche. Mais l'assaillant est aussi insaisissable que la brume des marais et les attaques de la garnison sont autant de coups d'épée dans l'eau. Pauvre colonel, il a tant à penser pour sauver la ville. Et il y a sa fille, la jolie Lucile. de tout temps, il y a eu une fille de colonel dans cette forteresse. L'histoire de ne le dit pas, mais il y a fort à parier qu'elles ont donné des cheveux blancs à leur colonel de papa. Et voilà que Lucile se rapproche de Mario, jeune lieutenant de la garnison. Elle n'est plus la petite fille qu'il pensait. « Sans le savoir et pour la première fois peut-être, il était venu pour ouvrir ses yeux sur sa fille, lui qui ne l'avait jamais vraiment vue. » (p. 81) Alors que la ville et la forteresse se vident, le colonel doit se rendre à l'évidence : il ne peut lutter contre l'inéluctable. « Je sais, disait-il, est arrivé ce qui devait arriver. Je le savais depuis longtemps, je l'ai su avant tout le monde, je me suis battu contre cet ennemi dont personne ne connaissait le visage, je me suis battu en sachant que c'était inutile et que l'inéluctable était en marche, parce que je pensais que l'important était de se battre, pas de gagner. » (p. 151)

Impossible de ne pas penser au Désert des Tartares de Dino Buzatti, mais ici, finalement, il se passe quelque chose. L'attente n'est pas vaine et même si l'évènement perturbateur reste flou, il entraîne la profonde mutation d'un univers qui semblait figé. le colonel est resté aveugle longtemps, mais il y avait des indices qui annonçaient la fin d'une ère : le manque de place sur un mur pour accrocher une longue suite de tableaux ou le port de l'uniforme qui n'est plus obligatoire. Devant un monde qui change et qui disparaît, il n'y a que deux choix possibles : accepter la transformation ou disparaître avec elle. Pour le colonel, il en va comme pour son amour secret et perdu : sa décision est en décalage avec la réalité. le dernier colonel est une fable baroque aux contours incertains, un conte presque métaphysique, une de ces légendes qui fondent une cosmogonie. Et c'est un texte tout à fait envoûtant. Ce vieux colonel m'a fait penser à mon cher papa : une force de la nature qui semble vouloir ignorer que, hélas, le temps peut finir par la renverser.
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Quel belle surprise que ce roman écrit part Jean Lods !
J'ai tout de suite été intrigué par la couverture et le résumé, et j'ai donc jeté mon dévolu sur ce roman lors d'une récente masse critique. J'en profite pour remercier Babelio et les éditions Phébus de m'avoir permis de découvrir cet auteur en échange d'une critique.
Ce "dernier colonel", dont le prénom n'est donné qu'une fois dans le texte, est un personnage fort attachant. Il accomplit son devoir avec zèle depuis de nombreuses années, discutant parfois avec sa défunte femme devant un tableau la représentant, il observe tendrement sa fille qui est amoureuse de son meilleur lieutenant. Il dialogue parfois aussi avec ses prédécesseurs - eux aussi décédés- dans un lieu où il ne reste de la place plus que pour son propre tableau.
Il y a aussi cet ennemi invisible, qui s'approche régulièrement des frontières mais qu'on ne voit jamais ou seulement de loin.
Le temps passe mais l'homme tient bon, malgré la disparition graduelle des personnes qui vivent autour de lui...
J'ai adoré l'écriture de Jean Lods, qui est très belle et d'une surprenante fluidité.
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Proposé par mon club de lecture, ce livre a été écrit par un romancier peu connu, mais qui a déjà à son actif un bon nombre de livres. La situation décrite dans ce roman ressemble beaucoup à celle de l'inoubliable "Désert des Tartares". Mais ici, la forteresse est en bord de la mer près d'un port. On attend l'ennemi depuis toujours, et depuis toujours un colonel commande la garnison. le héros du roman sera le dernier colonel; la vitalité de sa fille Lucile ajoute une agréable fraîcheur à l'ambiance pesante de la forteresse. Mais les choses vont cesser d'être immuables. L'arrivée d'un ennemi insaisissable va mettre fin au statu quo...
Jean Lods ne m'a pas fait la même impression que Dino Buzzati: je n'ai pas été captivé par ce roman, loin de là. Je suis passé à côté. L'écriture est très soignée, mais... je me suis ennuyé.
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Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
Lucile expliquait le passé composé à ses élèves, elle leur faisait remarquer cette façon significative qu'a la langue d'associer un verbe au présent à un participe relevant du révolu pour relier une action qui s'était déroulée hier à celui qui en parlait aujourd'hui. Elle proposait à ses écoliers de donner des exemples de ce temps, en leur demandant de choisir des souvenirs particulièrement marquants pour que leur mise en regard grammaticale avec le présent ravive une émotion ancienne. Ainsi, disait-elle, ils prendraient vraiment conscience de la force qui unissait le disparu et l'actuel, comme l'impliquait la structure du passé composé. [...].
Il s'apercevait que s'il s'efforçait de rester dans le registre des réponses des enfant, toutes liées à leur vie quotidienne et à leur entourage familier, les phrases au passé composé qui lui venaient à l'esprit étaient endeuillées par une négation : il prenait conscience, non pas de ce qu'il avait fait, mais de ce qu'il n'avait pas fait. On dira que c'était le hasard qui l'avait conduit à se trouver dans cette classe, à l'occasion de cette leçon précise, mais le hasard n'existe pas, ou du moins les cheminements qu'il creuse sont utilisés pour permettre l'écoulement d'eaux longtemps retenues par des écluses lointaines et mystérieuses.
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Ils portaient tous le même uniforme de l'âge, le poil blanc, la ride austère, ils avaient la poitrine bombée, le regard droit, le corps tassé par les heures de monte, et s'étaient succédé au fil des générations dans la vaste pièce au dernier étage de la tour, cette tour qui s'élevait d'un jet au-dessus des remparts où passaient et repassaient sans fin les sentinelles sur le chemin de ronde, et d'où l'on dominait d'un côté la mer ensemencée de bateaux, de l'autre la terre sans limites où moutonnaient les vagues des collines.
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Mais il n'y avait pas que les hommes à rassurer, pensait-il, la terre aussi avait besoin d'entendre le rythme régulier de ses pas qui lui disait qu'il était là, et que rien de grave ne pouvait arriver. Il aimait cette terre, les hommes passaient, elle restait, et cette nuit-là, peut-être parce que le silence était particulièrement grand, il l'entendait se plaindre. Il l'écoutait avec une attention qu'il ne prêtait pas à son propre corps, qui pourtant aurait eu motif à protester, car il ne l'avait jamais ménagé depuis qu'il était au service... Au service de quoi ? Il ne s'était jamais vraiment posé la question. Il servait. Voilà.
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Il dit que lui s'appelait Léopold. Il n'avait pas prononcé les syllabes de son nom depuis si longtemps que de se les entendre dire lui fit un effet bizarre, depuis des années il n'était pour tout le monde que Mon colonel. Il avait l'impression de se rappeler quelqu'un d'autre qu'il avait été. Ou plutôt qu'il n'avait jamais été, le colonel en lui avait pris toute la place avant même qu'il ne le devienne.
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« Je sais, disait-il, est arrivé ce qui devait arriver. Je le savais depuis longtemps, je l’ai su avant tout le monde, je me suis battu contre cet ennemi dont personne ne connaissait le visage, je me suis battu en sachant que c’était inutile et que l’inéluctable était en marche, parce que je pensais que l’important était de se battre, pas de gagner. » (p. 151)
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Video de Jean Lods (1) Voir plusAjouter une vidéo

En Français dans le texte : émission du 25 octobre 1959
Au sommaire : - 1 Reportage sur une troupe théâtrale en Algérie - 2 Document (exceptionnel) : extrait de "Maillol sculpteur" film de Jean Lods (achat) - 3 Reportage sur le baptême de FOUJITA - 4 Exclusif : la correspondance de Chopin et de George Sand - 5 Entretien avec Jean Louis BARRAULT
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