Le Loup des Cordeliers

Ce livre, conseillé par ma libraire, a été une déception.

Vous savez que je suis une passionnée de la Révolution que j'étudie et que j'écris sous forme de romans d'aventures, bien classée sur Babelio en matière de XVIIIe siècle, je me suis précipitée sur cette lecture avec gourmandise.

Mais très vite, un sentiment étrange m'a envahi : confirmé par les paroles de l'auteur, qui lors d'une séance de dédicaces, a reconnu qu'il s'agissait d'une commande de son éditeur.
L'auteur est arrivé en retard, sans s'excuser... et un pantalon tâché dont il s'amusait (!) à gratter les traces de boue pendant la rencontre...
Ces précisions pour cerner la personnalité de ce personnage...

J'ai cette impression que son histoire était ficelée et a dû s'adapter, s'imbriquer pour correspondre à la période de la Révolution…
D'où des longs passages explicatifs qui n'apportent rien.
Des chapitres disparates, trop didactiques.

Lors de la séance de dédicaces, lorsque j'ai abordé certains thèmes historiques, j'ai constaté que l'auteur bottait très vite en touche afin de ne pas me répondre... Je pose sérieusement une question : a-t-il effectué les recherches lui-même ou un sous-traitant les a faites pour lui ?

Dans l'émission "La grande librairie ", aucune question ne lui a été posée sur l'Histoire l'animateur préférant celles sur les tatouages ! ;)
Des historiens de cette période historique n'ont d'ailleurs pas apprécié cet... ouvrage...


Ensuite, je n'ai pas adhéré aux personnages superficiels et dont la description est bâclée :
par exemple, "La muette" n'est pas si muette que ça ! D'ailleurs, j'en ai douté au milieu de la page 125. Erreur, oubli ? Il n'est pas fait mention qu'elle écrit sa question. On dirait un dialogue entre Lorette et Gabriel.

J'aurais apprécié avoir un plan des déplacements de Lorette dans le Paris sous terrain. Tous les soirs, elle part du 6e pour aller nourrir son loup dans le Bois de Vincennes. Toute une marche. Il y a au moins 2 heures de marche entre les deux points (4 heures aller-retour).
Alors imaginez le temps qu'elle met lorsqu'elle va le chercher pour ses sorties nocturnes dans à Paris, le ramener à son enclos à Vincennes et rentrer au Couvent des Cordeliers. Elle emprunte les galeries sous Paris. OK ! Mais elle doit tout de même traverser la Seine à quelque part. Où?

Quant à la Liégeoise, c'était un peu gros de la soupçonner. Elle a beau coucher avec son sabre et ses deux pistolets à la ceinture, ça n'en faisait pas pour autant le Loup des Cordeliers…

Bref, une enquête non convaincante comportant de grossières erreurs historiques :
Mention de Louis XIV au lieu de Louis XVI...

Des descriptions issues du film "Les années Lumières"... Un peu facile !


Je préfère à 1 000 % les enquêtes de Victor Dauterive de Jean-Christophe Portes, qui outre d'être un auteur très sympathique et abordable, maîtrise vraiment cette période de l'histoire.

Le jeune Gabriel Joly débarque à Paris juste avant la Révolution. En deux jours, il devient journaliste alors qu'un loup sanguinaire fait office de vengeur masqué. ● C'est ridicule, naïf, simpliste. L'intrigue policière est nulle. L'arrière-plan historique serait au mieux digne d'une rédaction de collège s'il n'y avait pas tant d'erreurs grossières. A noter qu'un personnage de muette prononce tout à coup une réplique (page 125). Personne ne relit, aux éditions XO ?

Quelques mots sur l'auteur… https://fr.wikipedia.org/wiki/Henri_L%C5%93venbruck
Il fait partie de la Ligue de l'Imaginaire (« Revendiquant l'héritage d'auteurs comme Alexandre Dumas) …d'accord mes poussins mais va falloir bosser alors…
J'ai entendu des critiques qui parlaient de H.L. comme écrivain dans le style de Dumas. Et là je dis STOP.
Marre de ces critiques / lecteurs / via réseaux sociaux qui mettent la pression sur leur écrivain fétiche...j'ai déjà pu observer que cela avait pour certains auteurs un effet délétère sur la qualité de l'écriture (tant au niveau du style que du contenu).
Alors fichons-lui la paix… ! 😉
Le roman (620 pages) …vaut 4 à terme mais je lui donnerai 2 « et je m'explique ! » (comme dirait Gaspard Proust dans son excellent spectacle GP tapine).
D'abord un « 2 » cela fait descendre sa moyenne, et c'est ce que je lui souhaite de mieux…
Parce que cet auteur a un excellent potentiel.
Ce qui m'a plu ? Une tentative d'écrire « à la Dumas ».
Ce qui m'a déplu ? c'est que ce n'est ni le génie de Dumas ni son style d'écriture.
Mais alors quoi, les critiques sont tous des cons ? Et bien oui, H.L. a fait des recherches sérieuses et se sert des ressorts de l'histoire pour étayer son roman…comme d'ailleurs plusieurs auteurs contemporains dont l'excellent auteur marseillais Michel Folco avec son savoureux livre « Même le mal se fait bien », suivi de sa série sur la dynastie des sieurs Pibrac, bourreaux de leur état dont « Dieu et nous seuls pouvons » (1991). Je vous invite à découvrir cet auteur et ses 7 livres, du pur bonheur.
https://www.babelio.com/livres/Folco-Meme-le-mal-se-fait-bien/42005
Alors, on sent qu'H.L. a bossé…très bien mais de là à le comparer à Dumas ? Il y a de la marge. Je peux (un peu) en parler puisque j'ai lu récemment une trentaine de Dumas à la suite…dont le dernier paru : https://www.babelio.com/livres/Dumas-Une-fille-du-regent/17360 un excellent cru.
Michel Folco, lui, se rapproche plus de Dumas. Pourquoi ? Car le propre de Dumas est de susciter des EMOTIONS. Quand on lit un bon Dumas on se sent au fur et à mesure pousser des ailes. A chaque chapitre on a hâte de commencer le second, et ainsi de suite jusqu'à la fin qui nous laisse dans un état de grâce…et de manque 😊. Dumas a cela, Folco a cela. H.L. non…PAS ENCORE. Alors filons lui de mauvaises critiques sinon il va continuer à nous faire des romans moyens alors qu'il a les capacités de faire (beaucoup) mieux 😊 😊.
Et si au début du livre, on peut se mettre d'accord, H.L. a un beau coup (d'essai) de patte « à la Dumas », le Loup s'est essoufflé dans la dernière moitié du récit.
Je relève 2 éléments du style de Dumas que H.L. n'aura jamais. D'une part Dumas éditait ses romans sous forme de feuilletons dans les journaux de l'époque. Quelque fois si je ne me trompe pas, pour 4 différents éditeurs en même temps ! Feuilletons à la commande. Obligatoire. Chaque jour 😊…une incroyable force de travail. Un ogre de la littérature.
D'autre part, Dumas est avant tout un dramaturge, un amoureux du théâtre pour lequel il a beaucoup écrit à ses débuts.
Et c'est pourquoi, dans ses romans les descriptions SERVENT le récit.
Ici, des descriptifs qui ralentissent le récit et trop de personnages « communs » pour ressembler à du Dumas.
Dumas était un maître du récit. 5 – 6 personnages majeurs dont 1 ou 2 principaux et une émotion, une trame, un drame qui se noue dans nos tripes jusqu'à l'apothéose.
Où est le feu d'artifice émotionnel ici (amour, courage, émerveillement, joie) ?
Lisons du Dumas pour commencer : le Chevalier d'Harmental, la Dame de Monsoreau, le Sphinx rouge,…et ensuite comparons…
Dumas avait aussi l'Art de focaliser sur un personnage haut en couleur, une sorte de fil rouge et si je comprends bien, H.L. a choisi Gabriel Joly…Mais ce garçon n'a malheureusement rien d'intéressant à nous offrir… On en perd d'ailleurs la trace aux ¾ du récit pour suivre les évènements de la Révolution…Et puis Récif le Pirate… « Ola moussaillon… ». Dumas en aurait fait quelqu'un de beaucoup plus « couillu ». de bonnes idées donc pour H.L.
Je m'arrêterai là…non juste encore une chose : pourquoi les écrivains d'aujourd'hui forcent-ils leur talent pour sortir un livre de plus de 600 pages alors qu'il aurait pu en sortir 2 de 250 pages de meilleure qualité ? A un an d'intervalle… histoire de mûrir un peu plus les personnages du second volume...
N'est pas Dumas qui veut, point. Laissons Dumas tranquille. Laissons le soin à M. Schopp qui connait bien Dumas pour en parler. Comparer un auteur à Dumas ce n'est pas un service à lui rendre, c'est mettre trop de pression, c'est l'empêcher de trouver son style.
Dumas ? On le lira encore dans 1000 ans. Folco aussi peut-être 😊.
H.L. ? Il a ce qu'il faut… ! Alors filons lui des mauvaises notes, en nous excusant pour le pousser un peu au cul… 😉. Pour lui comme pour les autres d'ailleurs.
Du coup en écrivant je mettrai « 1 » mais je trouve que, son roman m'a bien plu et cela vaut 4,5, pour l'effort!