Quand ils démarrent Magasin général, Loisel et Tripp totalisent plus de 60 ans de carrière dans la BD. Des "vieux"... et tout le monde sait que c'est dans les vieilles marmites que l'on fait les meilleures soupes...
Progressons dans l'ordre de la BD. Les auteurs nous montrent un échantillon de leur manière de travailler. Une page crayonnée de Loisel, la même recrayonnée "au propre" par Tripp. Déjà là... on est au nirvana de l'encreur, au Valhalla du graphiste.
Puis on démarre. Notre-Dame-des-Lacs, petite bourgade du nord du Québec. Les années 20. Des bûcherons, les femmes au foyer, des chasseurs, un curé, quelques bonnes tronches de Québecquois, Tabarnak', et Marie, récente veuve d'une quarantaine d'années. Plutôt mignonne. Un bon parti, son mari défunt était le propriétaire du magasin général. Elle possède le téléphone, une voiture... et le commerce le plus florissant du bourg.
Loisel et Tripp, sans avoir l'air d'y toucher, vont nous conter la vie quotidienne du patelin, par petites touches. Et l'atmosphère se crée peu à peu. Une jambe cassée. Les chasseurs qui reviennent avec leurs peaux. un nouveau curé. Un vieil original qui construit un bateau. La maîtresse d'école enceinte. Une fête. Une bagarre. Mais on s'embrasse, on rigole et on est ben ben niaiseux de s'être cogné dessus.
C'est une pépite. Un câlisson. Un cuberdon. le petit Jésus en culotte de velours disait un pote en ouvrant une eau-de-vie de framboise à 45°. le temps passe. Poésie de l'instant. Magie des gestes simples, quotidiens. Simplicité des vies. Il est où l'bonheur, il est où?
Pour couronner le tout, les auteurs font la pari de laisser parler les cases, pas de texte, pas de légende, pas de dialogues... J'adore ça. Etre capable de tout dire au moyen d'un dessin qui se suffit à lui-même. L'extase. Il faut dire que Loisel et Tripp sont des Cadors. Ils se dotent d'un auteur montréalais,
Jimmy Beaulieu, spécialiste du Québecquois, qui arrive à trouver le juste équilibre entre un français trop châtié et un parler local qui serait incompréhensible. Câlisss... quelle aubaine.