Il affirme que c'est bien un roman et non une biographie qu'il a écrite. Pourtant, En finir avec Eddie Bellegueule est avant tout un texte intime, qui nous fait entrer de force dans l'enfance de l'auteur – cette enfance dont il dit « je n'ai aucun souvenir heureux ». Car ce nom d'Eddie Bellegueule, ce patronyme de pauvre, invraisemblable, typiquement picard, c'est celui que l'écrivain a reçu à sa naissance dans une famille qu'il décrit comme arriérée et vulgaire. Un père pilier de bar, une mère pas très maline et des gosses, trop de gosses, des bouches à nourrir avec sept cent euros d'allocations par mois.
En finir avec Eddie Bellegueule, c'est une plongée dans une société que
Zola n'aura pas reniée, où la crétinerie se transmet gaiement de père en fils, de voisin en voisin, jusqu'à submerger tout un village. Dans les petites maisons d'ouvriers d'Hallencourt, la télévision diffuse à longueur de journée des émissions débiles, on boit jusqu'à la syncope, on jure, on se méfie de la culture, on hait les « crouilles » et les pédés. Dans cette histoire, Eddie Bellegueule aka
Edouard Louis est le vilain petit canard, celui qui ne rentre pas dans le moule. Avec ses « airs de folle », sa manie de rouler les hanches et de préférer au foot les poupées de sa soeur, il devient vite la tête de turc de sa famille, du village, de l'école. Un monde à la Bourdieu : dominants d'un côté, dominés de l'autre. Il subit mille brimades, les insultes, les crachats, les coups.
Rien ne lui est épargné, et au lecteur non plus : du cru, du cul, du malsain, la misère sociale et intellectuelle mise à nu sans concession et jusqu'à la nausée. On a envie de fermer ce livre d'une violence inouïe mais on continue à lire, inexorablement, jusqu'à la fin. Car En finir avec Eddie Bellegueule, finalement, c'est un livre qui parle à tous, un parcours individuel qui pourrait être la vie de chacun : au travail, en famille, en société, on est toujours le dominé de quelqu'un.
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