AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,72

sur 3901 notes

Critiques filtrées sur 2 étoiles  
En finir avec Eddy Bellegueule, le premier roman de celui qui a désormais choisi le nom d'Edouard Louis, se lit d'une traite, c'est certain. Poignant, direct et vraiment horrible, on peut dire que ce roman autobiographique tape là où ça fait mal.

Et il y a sûrement de quoi c'est certain. Même s'il est surmonté de l'indication « fiction », ce roman est clairement autobiographique et Edouard Louis tente de nous raconter l'enfer de sa jeunesse. Sa vie de jeune garçon confronté au regard des autres qui le juge parce qu'il a parfois des « manières de fille » et qu'il n'aime pas ce que les autres garçons font « habituellement ». Dans une extrême misère sociale, le petit Eddy subit encore et encore les brimades de son père violent, de sa mère pas très futée et de ses frères et soeurs trop coulés dans le moule. Et c'est bien de cela qu'il s'agit ici surtout : se couler dans un moule préfabriqué ou non. La Picardie qui nous est dépeinte ici est bien loin d'être reluisante et l'auteur dénonce, tour à tour, les débordements liés à l'alcool, le manque d'éducation de la population locale et la xénophobie latente (envers les étrangers non français, comme envers ceux non locaux d'ailleurs). C'est moche, c'est glauque et nous pouvons avoir peine à enchaîner les péripéties de ce jeune Eddy tant il cumule en quelques pages des situations consternantes.

Malgré tout, il y a de quoi être constamment gêné de voir ce jeune auteur déblatérer sur sa famille et les atrocités qu'il a déjà pues rencontrer. En effet, il semblerait que ce soit bien son histoire ou une partie qu'il ait fini par raconter dans son premier roman. le but pour lui est sûrement de tourner la page d'une jeunesse meurtrie, mais pour cela il va particulièrement fort dans la critique de son entourage, de son environnement d'alors. Aucune excuse pour la bêtise ambiante, aucun pardon pour les brimades subies : l'heure est à la dénonciation simple et gratuite qui peut lasser, même si cet ouvrage tourne seulement autour des deux cents pages. Les raccourcis pris dans l'accumulation de scènes parfois horribles donnent aussi l'impression d'un condensé qui écrase la réalité, sûrement déjà bien assez horrible comme ça. Même des lieux comme l'école, qui pourrait, et devrait, être un refuge pour lui, ne sont propices qu'à des comparaisons douloureuses avec les autres.

Comme aborder ces deux aspects à la fois très lourds et fort gênants à lire ? Avec du recul, sûrement. En essayant de se départir de l'aspect horrible de ces scènes et en comprenant que l'auteur est avant tout dans la rancoeur et la dénonciation. C'est vraiment le manque de recul de celui-ci qui gêne la lecture. Comme par exemple quand il parle de sa mère au point d'excuser, de manière plutôt condescendante, son manque d'éducation et sa bêtise vis-à-vis de lui. Bien sûr, il ne s'agit pas de tendre l'autre joue, bien au contraire, mais l'auteur, si c'est bien son histoire exacte ici, a pu se sortir de cette situation et faire des études supérieures depuis. le fait qu'il ne semble pas que ce soit le cas généralement dans sa région natale crée déjà un décalage non négligeable. Pour autant, bien sûr, bien des préjugés dénoncés dans cet ouvrage sont à mettre en avant tant ils sont encore particulièrement prenants dans notre société : l'auteur parle surtout ici « des pédales, des gouinasses et des précieux », mais rien que la condition de la femme pourrait également un axe de lecture tristement intéressant.

En finir avec Eddy Bellegueule est donc un cri du coeur de ce jeune Edouard Louis, poignant au possible, mais qui pêche par un énorme manque de recul sur sa situation et son environnement. Qu'il est difficile de donner un avis tranché sur ce récit dérangeant !

Commenter  J’apprécie          17216
Hummm... et pas n'importe quel hummm. le hummm perplexe. le hummm du je ne sais que penser de cet ouvrage. 

J'aime ou je n'aime pas n'a pas de réel sens ici car la souffrance et la manière choisie pour l'exprimer est difficilement évaluable. Je me garderai bien de donner un avis sur cette histoire de vie, sur ces traumatismes vécus, mais reviendrai plutôt sur la forme qui me laisse aussi sceptique qu'une fosse.

Chez les Bellegueule et dans tout le village, ça picole, ça bosse pas des masses, ça critique à tout va sans voler bien haut niveau argumentation, ça ne se lave pas, ça bouffe mal, ça aime pas les pédés, ça aime pas les arabes, ça aime pas les bourges, ça aime pas les livres.
Naître et grandir là-dedans, autant dire que ce n'est pas le meilleur départ dans la vie. Manquerait plus être gay, pas trop con et avec un minimum d'ambition, et là on fait tâche à coup sûr dans cette famille de demeurés alcooliques.

Er c'est tout le problème que j'ai eu avec cette lecture : présenter et réduire cette famille et ce village à des demeurés alcooliques, sans le sou et sans cerveau.
Le harcelèment dont fut victime le jeune Edouard Louis, notamment à l'école, est évidemment inexcusable, intolérable et abject, et merci à lui de le dénoncer. Il s'en est sorti, psychologiquement marqué et ravagé par tant de haine. Son parcours est admirable, sa réussite respectable, son écriture prometteuse.

Mais pour ce qui est de la profonde misère sociale et bêtise dans lesquelles baigne la famille Bellegueule, peut-on leur reprocher de manière aussi virulente? Les conditions de vie et d'épanouissement intellectuel sont certes déplorables, pour autant le milieu défavorisé mérite-t-il ce regard aussi cynique, impudique voire obscène? Opposer continuellement le milieu ouvrier à la classe aisée avec tous les clichés habituels m'a gênée, interrogée.
Le village picard se résume ici à bouseux, chômeurs, fainéants, alcooliques, racistes, ignorants, miséreux. A la limite de la caricature. Et surtout, sans aucune nuance.

Pour un auteur qui dénonce l'intolérance et notamment l'homophobie dont il fut l'objet, avouons que le ton péremptoire et tranchant est plutôt étonnant, déroutant. Aucune forme de transigeance.
La haine, la colère et la revanche sur une enfance douloureuse sont palpables du début à la fin.
Etre spectatrice de ce déballage familial, de ce lavage de linge sale et lynchage public m'a donc souvent mise mal à l'aise.

A chacun de se faire sa propre idée. Ce livre mérite d'être lu quoique j'en pense.
Mais hummm... le hummm de je me tâte: lirai-je ou pas le prochain Edouard Louis?
Commenter  J’apprécie          5325
Révélation littéraire, phénomène éditorial... "En finir avec Eddy Bellegueule" a rencontré un succès retentissant lors de sa sortie, en janvier 2014. Edouard Louis témoigne de son enfance dans un village picard. Il évoque les conditions de vie précaires de sa famille, la violence de son milieu et la difficulté d'assumer sa différence sexuelle dans cette partie de la "France périphérique". L'auteur revendique le réalisme cru de son texte prétextant la recherche d'une forme de vérité par l'autofiction. J'ai pourtant eu le sentiment de lire un long réquisitoire sans concession. Il est vrai que le titre est explicite : le but est d'en finir avec Eddy Bellgueule, l'ancienne identité de l'auteur, qui souhaite ainsi liquider son enfance, tourner définitivement la page d'un passé douloureux. Quitte à noircir le trait? Des membres de sa famille ont contesté la véracité de certaines anecdotes rapportées. le roman offre une liberté totale à son auteur, oui, mais dans ce cas pourquoi revendiquer un discours de vérité? Ce qui gêne dans ce livre, c'est l'absence d'empathie, rien ne vient contraster le portrait des personnages. Affreux, sales et méchants. Tout n'est que violence, alcoolisme, saleté, handicap, bêtise, racisme... Jusqu'à l'écoeurement... Dimitri Verhulst a dépeint le même lumpenprolétariat dans "La Merditude des choses" mais la tendresse pour ses proches était centrale dans son récit. Edouard Louis nous indique dès les premières lignes que la souffrance a écrasé tous les instants de bonheur vécus. Cela peut-il justifier ce manque de recul, cette charge outrancière ? L'auteur a une démarche sociologique. Dans le livre, ses proches sont dépassés par des forces sociales qui régissent leurs discours et leurs pratiques. S'ils appartiennent au camp des dominés, ils reproduisent une violence envers la femme, l'étranger, l'homosexuel en vertu d'une logique dont ils n'ont pas conscience. Néanmoins, l'auteur ne semble pas voir dans ce déterminisme social une excuse, cela ne crée pas d'indulgence. Peut-être ce passé était-il encore trop proche au moment de l'écriture du livre (l'auteur était âgé de 21 ans lors de sa publication)? A cause de ce manque de recul, le livre s'approche plus d'un brûlot revanchard que d'un témoignage poignant. Mais l'auteur a atteint son objectif , il en a fini avec Eddy, la chenille picarde s'est transformée en un intellectuel papillonnant dans les médias et les cercles de savoir.
Commenter  J’apprécie          346
Edddy Bellegueule naît et grandit dans un milieu où suinte la misère, tant matérielle qu'intellectuelle.
Dans ce village du nord, la vie est rude, le travail à l'usine pénible, joindre les deux bouts un tour de force. Reste l'alcool, pour supporter tout ça. Et la télévision. Et les idées toutes faites.
Alors, cet Eddy qui grandit différent, qui n'est pas un dur, comme les hommes de sa famille, qui a une voix aigüe, une démarche spéciale, des gestes efféminés…, il déroute ses parents. Il ne trouve pas sa place, ni dans son corps, ni dans son environnement.
Si écrire ce livre a pu faire du bien à Eddy Bellegueule, lui qui au collège a dû subir toutes les brimades infligées à une « pédale », il me reste une impression de malaise, de déballage, surtout quant à la description de sa famille. Certes, ce n'est certainement pas pour celle-là qu'on opterait si le choix nous était donné..
Ils ne sont pourtant pas méchants ses parents, ils sont simplement imprégnés de ce monde médiocre qui les entoure, mais c'est le seul qu'ils connaissent.
Et, dans ce milieu décrit avec tant de mépris, même si leur fils et différent, et qu'ils ne peuvent pas le comprendre, même s'ils sont « lourds », on sent qu'ils l'aiment à leur manière, au-delà des ragots du village, au-delà de leurs aspirations et de leurs idées préconçues.
Bizarrement, j'ai ressenti plus d'empathie pour cette « famille Groseille » que pour Eddy Bellegueule lui-même.
Lui qui a tant souffert de discrimination, par ce livre, il fait de la discrimination sociale avec sa famille.
Commenter  J’apprécie          314
Ouf, j'en ai fini avec Eddy Bellegueule. Ça, c'est fait !
Reste maintenant à comprendre ce qui, dans ce roman autobiographique aux allures de règlement de compte malsain, a tellement enthousiasmé les foules à sa sortie en 2014. Et là j'avoue que je sèche un peu...

J'avais entendu parler d'un "texte coup de poing, dur et poignant".
Mouais, bof.
On m'avait fait miroiter une brillante analyse sociale, écrite dans style percutant qui, "supersposant deux niveaux de language mis en évidence par la typographie, devait donner toute sa force au récit"...
Mouais, re-bof.

Pour ce qui est de l'analyse sociale, j'ai pas trouvé ça flagrant.
Plutôt un cri de rage, une charge tous azimuts menée par un Edouard Louis revanchard contre tous ceux qui changèrent son enfance en enfer. Traumatisé (on le serait à moins !) par les multiples actes de maltraitance et d'exclusion dont il fut victime dès son plus jeune âge, Edouard tire à vue. Sur ses parents d'abord, sur leur indigence crasse et les carrences affectives abyssales d'une cellule familiale en lambeau, puis par extension sur ses frères, soeurs, cousins, oncles, "camarades" de classe, tous coupables d'être nés là, sur ce terreau putride rongé par la violence, l'alcoolisme, la misogynie et l'homophobie...
Pas vraiment d'analyse donc, ni nuance, ni recul, ni contradiction, pas même une once d'espoir. Juste un constat terrible, l'expression brute et un peu vaine d'un profond malaise qui bien vite devient contagieux au point d'écoeurer le lecteur. Remarquez, dès la toute première phrase nous étions prévenu : "De mon enfance je n'ai aucun souvenir heureux".

Quant au style prétendument novateur et décapant, là encore je reste sur ma faim. L'insertion à la volée, au hasard et en italique, de toutes ces phrases parlées, souvent vulgaires et bancales, a fini par me fatiguer un peu ... et je n'ai d'ailleurs pas trouvé le reste du texte d'un niveau nettement supérieur. Peut-être la lourdeur du fond - glauquissime ! - m'a-t-elle empêché d'apprécier à sa juste valeur la présumée virtuosité de la plume.

Dommage, la révélation littéraire de la rentrée 2014 restera donc pour moi un beau succès éditorial, mais certainement pas un bon souvenir de lecture.
Evidemment, on ne peut qu'être touché par les conditions de vie dramatiques de l'auteur, et par ses aspirations légitimes à s'extirper de la fange par le haut (l'écriture, la culture, le théâtre).
Hélas on ne peut s'empêcher dans le même temps de trouver son réquisitoire un peu "facile" et on a bien du mal à déterminer où se situe la frontière entre témoignage et caricature, tant les clichés sont nombreux. On peine à croire qu'une telle misère - matérielle et affective - ait encore pu sévir, même au fin fond de la Pircardie, au début des années 2000.
On regrettera enfin qu'Edouard Louis, tellement stigmatisé pour son extrême sensibilité et son attirance précoce pour les garçons, stigmatise à son tour, à longueur de chapitres, sans le moindre discernement.

Sans doute ce livre lui aura-t-il servi de thérapie et d'exutoire (comment lui en vouloir, s'il a vraiment traversé toutes ces épreuves ?), mais pas sûr pour autant qu'une telle publication mérite tous les éloges dont les médias l'ont gratifiée.
Commenter  J’apprécie          2514
Je viens de terminer ce roman qui a fait grand bruit à sa sortie…

Et bien, personnellement, je ne partage pas l'enthousiasme de beaucoup.

L'auteur a annoncé lors de ses interviews que ce roman était largement autobiographique. Il raconte l'enfance d'un garçon différent, homosexuel, dans un village picard saoulé de pauvreté, de violence et d'inculture, dans les années 90. Soit.

Si je salue le récit sauvage et sans concession de ce garçon en butte au mépris, aux brimades et à la brutalité d'autrui à cause de son homosexualité, je ne suis absolument pas en phase avec la description de son milieu social qui tend à une lamentable caricature.

Tous les clichés courant sur le "nord" depuis des lustres sont illustrés ici à renfort de phrases grossières au français pitoyable et très lourdes, et de descriptions de crasse et de misère destinées à tirer une moue de dégoût au lecteur.

Ma famille est picarde depuis ses origines et d'un milieu qu'on dirait "modeste", et les conditions décrites par cet auteur relève à mon sens de la provocation car même en simplement remontant à deux générations en arrière, je ne reconnais absolument pas la famille typique picarde. Certes, tout village français possède sa famille aux penchants co-sanguins, délinquants, analphabètes, alcooliques et violents mais c'est un peu fort d'en tirer une généralisation. Certes l'ascenseur social peine dans les milieux modestes. Certes la misère est présente et l'abrutissement par la télévision également. Certes le travail d'usine usent les esprits et les corps. Mais comme partout ailleurs.

Ce climat réducteur à la Cosette a gâché ma lecture et je suis passée à côté du noeud de l'histoire, l'homosexualité d'Eddy. le récit est incisif, je suis d'accord sur ce point. Mais il perd de son intensité en passant par le filtre dénonciateur de chaque membre de cette famille. le personnage est en pleine révolte et je n'ai senti que de la rage froide et aveugle. A mon humble avis, un manque certain de recul face à son enfance et adolescence qui, au delà de l'émotion suscitée par les épreuves qu'il traverse, n'inspire pas suffisamment d'empathie. J'ai senti que tout n'était pas réglé entre Eddy et sa famille, que ce roman était une discussion entre eux, et que la réflexion manquait de ce fait de maturité.

Par ce roman, l'auteur associe les lieux, les personnes et les événements dans son traumatisme personnel. Il a encore beaucoup de chemin, à mon sens, avant qu'il n'arrive à un peu de sérénité et de plénitude posée. Ce livre semble écrit à chaud, il serait intéressant de connaître la vision de ce jeune homme dans quelques dizaines d'années.

C'est donc une déception pour moi, même si, je le répète, l'analyse de la différence dans le giron familial, scolaire et social, fera écho à énormément de lecteurs…
Lien : http://livrenvieblackkatsblo..
Commenter  J’apprécie          140
Sordide et sans complaisance, trash. Mais un acte de bravoure quand même.
J'aurais aimé trouver entre les lignes un peu d'indulgence si ce n'est de pardon de l'auteur envers ses parents mais je n'y ai lu que du rejet, de la haine. Et l'auteur , à ce niveau, fait preuve d'autant d'inhumanité que le milieu duquel il est issu.
Commenter  J’apprécie          134
Amis Picards, "en finir avec Eddy Bellegueule" ne va pas redorer votre blason... et c'est bien dommage !
Né dans les années 1990 dans une famille de la France d'en bas, comme on dit, le jeune Eddy se sent différent des autres, car efféminé, maniéré, n'aimant pas le football... loin de la virilité valorisée par son milieu social. Sa jeunesse se passe entre un père ouvrier qui s'en va ensuite grossir les rangs des chômeurs de longue durée, alcoolique, une mère vulgaire obligée de faire la toilette des personnes âgées pour faire survivre la famille, des "camarades" homophobes, racistes, qui expriment leur haine des autres par la violence... Dans cette ambiance, le jeune Eddy est souvent pris pour cible, moqué, voir frappé et ne se sent pas du tout à sa place, toujours en décalage et à honte de ses origines.
La peinture de l'enfance d'Eddy est vraiment glauque, entre misère sociale et intellectuelle. Mais le lecteur comprend rapidement que ce livre est un règlement de compte avec la famille de l'auteur, d'ailleurs le titre annonce la couleur. le linge sale est lavé en public ! J'ai presque eu l'impression de lire du Zola tellement Eddy à l'air de vivre dans la misère et c'est bien cela qui m'a le plus gêné dans cette histoire : tout à sa volonté farouche de vider son sac, il déblatère sans fin sur ses malheurs, sa mauvaise condition sociale. Son monde est noir, noir, et re-noir ! Pas même un petit bout de ciel gris pour nuancer son propos, il ne se remémore pas un seul moment de bonheur, pas une seule rigolade avec ses copains. Même une scène où il est chez une de ses amies et qu'ils jouent à se maquiller ne semble lui laisser un bon souvenir, l'unique commentaire qu'il exprime est « Ah si mes parents voyaient ça », comme si la seule chose qui lui importait, déjà à son âge, était d'agir à l'opposé de ces parents et non pas d'agir pour son propre plaisir.
Bref, Eddy/Edouard (car le roman est autobiographique) est encore dans une phase de colère envers de nombreuses personnes de son ancien entourage, n'assume pas du tout ses origines modestes et en veut au monde entier d'être né dans cette famille. Pour ma part, je trouve que la vision de l'auteur des différentes classes sociales est très stéréotypée, entre la classe populaire forcément raciste, bête, qui engendre des caissières et des ouvriers et l'autre classe bourgeoise, cultivée et tolérante qui forme la future élite de la nation.

Bref, vous l'aurez compris, je passerai mon tour lors de la prochaine parution.
Commenter  J’apprécie          123
Bon,
C'est sympathique comme un livre qui soutient la cause des opprimés, des différents, de ceux que l'on montre du doigt. J'y suis sensible, et j'adhère sans restriction lorsqu'il s'agit de lutter contre l'ostracisme dont sont victimes les jeunes homosexuels. Mais…
Trois remarques :
J'ai longtemps côtoyé des familles « Groseille », et des clichés je pourrais aussi en écrire des tonnes. le livre sent le « vécu », mais un vécu sans distance. Je pense qu'avec un peu de recul, le paysage décrit ne serait pas aussi noir. Il y a ici un rejet, qui ressemble finalement à un racisme à l'envers d'un jeune homme qui se pense sorti d'un bourbier, et qui n'y voit que la boue. Je sais aussi que dans ces familles se vivent d'autres choses, que j'ai partagé avec eux, que je partage encore, et qui font plus partie de la fraternité (même si c'est celle des « soifffards ») que du refus du différent.
En tous cas, cette exclusion du différent n'est pas l'apanage du lumpenprolétariat. Pas d'illusions sur ce point. Les familles « bourgeoises » qui semblent fasciner Eddy à la fin du livre, sont tout autant sexistes, racistes, cruelles et connes. En tant qu'enseignant, j'en ai croisé certains apparemment « sans problèmes » et qui confrontés à l'homosexualité de leur fils ou de leur fille, ne se comportaient pas mieux que les parents d'Eddy… avec les formes peut-être, mais aussi cruellement. J'ai connu une famille où ils n'ont admis la liberté de vivre différemment de leur fille qu'à la troisième tentative de suicide.
Si bien que je m'interroge sur la portée de ce roman. Car ce n'est pas seulement un témoignage, c'est un roman, c'est donc un parti pris, celui de stigmatiser une population, une classe sociale, une région, au prétexte d'une stigmatisation dont le personnage du roman (et non son auteur) aurait été victime. Et cela change la perception du roman. Il lui manque un pendant : raconter la même histoire, et la même souffrance, dans un milieu bourgeois, catho intégriste, dans le monde rural, dans une famille de vieux etc… On aboutirait à la même collection de clichés manichéens, assez efficace pour faire rire les imbéciles et faire pleurer les bonnes âmes.
S'il s'agissait d'un témoignage prélude à une étude sociologique, et non d'une fiction, d'un roman, cette critique perdrait de son sens.
Michel le Guen
Commenter  J’apprécie          120
Si vous n'avez pas encore entendu parler d'Eddy Bellegueule, c'est en deux mots un témoignage sur une enfance et une adolescence, dans un petit village de Picardie. Sa voix aigüe, ses grands gestes, ses « manières » font qu'Eddy est moqué, pointé du doigt, rabroué, humilié, en particulier au collège, mais aussi au sein de sa propre famille. Les mots sont durs, les attitudes pires encore. Il tente pourtant de lutter, de se couler dans le moule du parfait dur, qui aime le foot, le catch à la télé et parle des filles avec des mots bien grossiers. Mais sa nature ne se laisse pas dompter comme ça…
Ce roman est encensé par là où il pêche, à mon avis, c'est-à-dire la jeunesse de l'auteur, d'où un certain manque de recul de sa part. La misère affective, sociale et intellectuelle qu'il décrit existe, bien sûr, et je ne pense pas qu'il ait grossit le trait, mais j'ai été gênée par le fait que ne se retrouvent dans son roman, surtout lorsqu'il s'agit de sa famille, que les moments, les anecdotes, le vécu le plus sordide. Il faut vraiment chercher pour trouver quelque chose de positif à propos de ses parents, comme le courage de sa mère ou un geste généreux mais maladroit de son père. Par contre, je comprends mieux qu'il ne garde que les aspects les plus malheureusement marquants de ses années de collège, qui durent être épouvantables, ou de sa famille élargie qui fut vraiment un fardeau pour lui. Je n'ai pas trouvé indispensable non plus que lorsqu'il retranscrit en italique des paroles de membres de sa famille, elles soient systématiquement pourvues d'une faute de français ou d'un mot vulgaire…
Certes, le coup d'oeil d'Edouard Louis sur les loisirs indigents, sur la fascination pour la télévision allumée en permanence, sur le carreau qu'on répare avec un bout de carton, ou l'hygiène inexistante, les justifications quand les parents vont passer une soirée à boire avec des amis, les monologues des mères de famille devant le portail de l'école, tout est finement observé et donne lieu à quelques moments de littérature. Mais je ne suis définitivement pas à l'aise avec l'auto-fiction et aurais préféré qu'il soit clairement indiqué qu'on avait affaire à un témoignage, et non à un roman.
Par moments, on a du mal à se dire qu'il n'en rajoute pas un peu, par exemple à propos du bac, « J'en ai parlé à ma mère : elle savait à peine de quoi il s'agissait. »
J'ai fini par prendre en pitié ces parents peu éduqués, venus eux-mêmes de familles sans repères, essayant de vivre avec cinq enfants et quelques centaines d'euros par mois, en se fixant comme règle de ne pas les frapper (pour le père, ayant lui-même souffert de violences paternelles) ou de garder une certaine dignité. Je me répète, si je trouve ce livre indispensable, c'est en tant que témoignage et non en tant que roman. S'il peut éviter à d'autres Eddy de souffrir de la même manière…
Lien : http://lettresexpres.wordpre..
Commenter  J’apprécie          120




Lecteurs (8081) Voir plus



Quiz Voir plus

Avez vous bien lu "En finir avec Eddy Bellegeule" ?

Par combien de garçons Eddy se fait-il brutaliser dans les couloirs du collège ?

2
3
4
5
6

10 questions
257 lecteurs ont répondu
Thème : En finir avec Eddy Bellegueule de Édouard LouisCréer un quiz sur ce livre

{* *}