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Citations sur La Berline arrêtée dans la nuit (99)

En attendant les clefs
— Il les cherche sans doute
Parmi les vêtements
De Thècle morte il y a trente ans —
Écoutez, Madame, écoutez le vieux, le sourd murmure
Nocturne de l'allée…
Si petite et si faible, deux fois enveloppée dans mon manteau
Je te porterai à travers les ronces et l’ortie des ruines jusqu’à la haute et noire porte
Du château.
C’est ainsi que l’aïeul, jadis, revint
De Vercelli avec la morte.
Quelle maison muette et méfiante et noire
Pour mon enfant !
Vous le savez déjà, Madame, c’est une triste histoire.
Ils dorment dispersés dans les pays lointains.
Depuis cent ans
Leur place les attend
Au cœur de la colline.
Avec moi leur race s'éteint.
Ô Dame de ces ruines !
Nous allons voir la belle chambre de l’enfance : là,
La profondeur surnaturelle du silence
Est la voix des portraits obscurs.
Ramassé sur ma couche, la nuit,
J’entendais comme au creux d'une armure,
Dans le bruit du dégel derrière le mur,
Battre leur cœur.
Pour mon enfant peureux quelle patrie sauvage !
La lanterne s'éteint, la lune s’est voilée,
L’effraie appelle ses filles dans le bocage.
En attendant les clefs
Dormez un peu, Madame. — Dors, mon pauvre enfant, dors
Tout pâle, la tête sur mon épaule.
Tu verras comme l’anxieuse forêt
Est belle dans ses insomnies de juin, parée
De fleurs, ô mon enfant, comme la fille préférée
De la reine folle.
Enveloppez-vous dans mon manteau de voyage :
La grande neige d’automne fond sur votre visage
Et vous avez sommeil.
(Dans le rayon de la lanterne elle tourne, tourne avec le vent
Comme dans mes songes d’enfant
La vieille, — vous savez, — la vieille.)
Non, Madame, je n’entends rien.
Il est fort âgé.
Sa tête est dérangée.
Je gage qu’il est allé boire.
Pour mon enfant craintive une maison si noire !
Tout au fond, tout au fond du pays lithuanien.
Non, Madame, je n’entends rien.
Maison noire, noire.
Serrures rouillées,
Sarment mort,
Portes verrouillées,
Volets clos,
Feuilles sur feuilles depuis cent ans dans les allées.
Tous les serviteurs sont morts.
Moi, j’ai perdu la mémoire.
Pour l’enfant confiant une maison si noire !
Je ne me souviens plus que de l’orangerie
Du trisaïeul et du théâtre :
Les petits du hibou y mangeaient dans ma main.
La lune regardait à travers le jasmin.
C'était jadis.
J’entends un pas au fond de l'allée,
Ombre. Voici Witold avec les clefs.
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Laissons-nous bercer par le sommeil, car tout est vide ;
Car les vins mixtionnés d’aromates ont coulé,
Et le Rêve, dans les encens somptueux, s’est agenouillé
Pour tous les Symboles et pour tous les Rites.

Nul vent n’aimerait l’eau de notre torpeur,
Nos yeux sans soleil, où les vieux désirs surnagent
Comme des noyés que la mer rejette avec horreur
Et qu’ensevelit lentement l’ennui des plages.

Hélas ! Tous les désirs sont morts ! Un semblant de douleur,
Un peu de lassitude, et c’est tout ce que j’ai !
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LE ROCHER

Sur la montagne heureuse aux flancs puissants de mère
Qu'enveloppe d'amour et de sérénité
La robe de soleil de l'immortalité
Il est un beau rocher confiant, sans mystère,
Bête aimante assoupie aux pieds d'or de l'été.
Auréolé du vol des abeilles sauvages,
Dominant la vallée où rampent les chemins
Il vit loin des vieux jours, il vit loin des demains.
La muette amitié de ce sage des sages
M'enseigne le mépris des désespoirs humains.
À ses pieds je veux vivre avec ma solitude
Un rêve de tendresse et de fécondité ;
Rien n'égale en puissance, en douceur, en beauté
Le vieux sphinx sans sourire et sans inquiétude
Sculpté par l'amoureuse et chaste éternité.
[…].

(extrait de "Les Éléments") - p. 95
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De sorte que dans cette vie, la mienne, comme dans le labour

Océanique, parmi les sillons de montagnes,

Tout, tout ne fut que tourment, amertume et stérilité.

Mais, toi qui sais, comment pouvais-je savoir moi

Qui étais comme le frémissement sacré

Du paon douloureux et beau de Midi

Que cela que j’attendais du dehors

Me viendrait de moi-même, et, feu conscient de sa route,

Pur, joyeux et puissant comme l’âme de l’or,

Soudain, s’arrêterait comme sur Josué,

Pour toucher d’un regard omniscient d’épouse

La vue intérieure, là, entre les sourcils…
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L'homme en qui ce chant a réveillé non pas une pensée, non pas une émotion, mais un souvenir, et un souvenir très ancien, cherchera, dorénavant, l'amour avec amour .

Car c'est cela aimer, car c'est cela amour : quand on cherche avec amour l'amour.
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Dans l’abandon d’un grand sommeil, comme une terre
Docile et chaude sous les doigts des inspirés,
Sarcler dans un baiser de sang votre colère,
Etre à vous comme le soupir est au regret ;

Ne voir de vous, pour un instant, que votre forme ;
Oublier vos regards, votre souffle, le bruit
De votre cœur et de vos veines qui s’endorment,
Pouvoir dire : c’était le monde, et je l’ai détruit…
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LE SILENCE

[...]
Je connais des maisons pleines de douces voix ;
Mais l'accent le plus tendre aujourd'hui m'importune ;
Le songe somptueux et dolent de la lune
Me conduit par la main vers la paix des grands bois.
Pourtant je ne hais point les pauvres voix humaines ;
À l'appel déchirant de l'amour, de la peur,
Un triste écho répond dans la nuit de mon cœur
Et j'aime à m'enivrer de ses notes lointaines.
Non, doux silence, non je ne hais point les voix ;
Elles ne troublent point ma solitude amère ;
Ce que je porte en moi de mortel, d'éphémère,
Aime à se rapprocher des hommes quelquefois.
J'en connais qui sont grands ; j'en connais qui sont sages,
Qui vénèrent l'Amour et me l'ont enseigné ;
Mais je crains cette angoisse et cet air résigné
Qui rampent lâchement sur les plus beaux visages.
Ô silence, ami sur qui ce soir sur le monde
Répands le baume d'or de ta tranquillité
Endors-toi doucement dans son cœur agité
Ainsi qu'un jeune roi dans la pourpre profonde.
Pose ta froide main sur son sein déchiré
Par l'amère pitié, la trompeuse espérance ;
Laisse couler sur lui ta lumière qui pense,
Ton chaste clair de lune étrange, énamouré.
Sois doux à ce dormeur ! Et la tâche accomplie
Viens me rejoindre au loin sur les monts vaporeux :
Nous nous prendrons les mains et sous les cieux heureux
Nous nous regarderons avec mélancolie.

(extrait de "Les Éléments") - Pp.105-106
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TOUS LES MORTS SONT IVRES...


Tous les morts sont ivres de pluie vieille et sale
Au cimetière étrange de Lofoten.
L’horloge du dégel tictaque lointaine
Au cœur des cercueils pauvres de Lofoten.

Et grâce aux trous creusés par le noir printemps
Les corbeaux sont gras de froide chair humaine ;
Et grâce au maigre vent à la voix d’enfant
Le sommeil est doux aux morts de Lofoten.

Je ne verrai très probablement jamais
Ni la mer ni les tombes de Lofoten
Et pourtant c’est en moi comme si j’aimais
Ce lointain coin de terre et toute sa peine.

Vous disparus, vous suicidés, vous lointaines
Au cimetière étranger de Lofoten
— Le nom sonne à mon oreille étrange et doux,
Vraiment, dites-moi, dormez-vous, dormez-vous ?

— Tu pourrais me conter des choses plus drôles
Beau claret dont ma coupe d’argent est pleine,
Des histoires plus charmantes ou moins folles ;
Laisse-moi tranquille avec ton Lofoten.

Il fait bon. Dans le foyer doucement traîne
La voix du plus mélancolique des mois.
— Ah ! les morts, y compris ceux de Lofoten —
Les morts, les morts sont au fond moins morts que moi...
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Vos lèvres ont encor la saveur des myrtilles,
Mais l’or tiède de votre rire s’est fêlé
Et je vois dans vos yeux, lagunes immobiles,
S’élargir l’encens las d’un vêpre violet…
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Le déclin de la foi se manifeste dans le monde de la science et de l’art par un obscurcissement du langage.
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