Pierre Bottero ! Ce nom est quasi un sésame pour moi ! Grâce à lui et son univers empreint de fantasy et de poésie, je suis retombée dans la potion magique, celle de la littérature jeunesse.
Sa disparition m'a, comme de nombreux fans, laissée orpheline... En parcourant toutes ses trilogies (La Quête d'Ewilan, Les Mondes d'Ewilan, le Pacte des Marchombres, Ellana, L'Autre), j'ai pris consciences des nombreuses portes qui existaient entre toutes ses histoires. le titre passerelle,
Les Âmes croisées, qui devait peut-être ouvrir la voie à une nouvelle trilogie, promettait de nouveaux liens intéressants... Malheureusement, le destin a voulu que son oeuvre reste inachevée... et les portes se sont refermées.
Aujourd'hui, pour notre plus grand bonheur, elles s'entrouvrent à nouveau, nous replongeant dans les spires de l'imagination grâce à cette superbe adaptation bédé signée Lylian Klepakowsky pour le texte,
Laurence Baldetti pour les dessins et
Loïc Chevallier pour les couleurs.
Qu'en ai-je pensé ? Vous voulez la réponse du savant ou du poète ? Pour celle du poète, c'est simple, c'est le phénix qui renaît de ses cendres... Pour ce qui est de celle du savant, la réponse est plus nuancée, tiraillée entre les souvenirs d'une lecture magique et l'attrait de la nouveauté...
D'un grand format (31,6 x 23,6), cet album de 64 planches, nous ramène au tout début de l'aventure...
Camille, perdue dans son imaginaire, ne voit qu'à la dernière minute le camion qui fonce sur elle. Pour l'éviter, elle fait un pas sur le côté et se retrouve non pas en sécurité sur le trottoir mais dans une autre dimension où elle tombe nez à nez avec un chevalier en prise avec un lézard géant... Lorsque le monstre l'attaque à son tour, elle se retrouve à nouveau en pleine rue ! Plus tard, elle relate tout à son meilleur ami Salim qui a bien du mal à la prendre au sérieux. Pourtant, les phénomènes étranges se multiplient...
Adapter Ewilan en bédé, c'est un peu mettre Paris en bouteille ! Un pari fou et risqué ! le moins qu'on puisse dire c'est que les auteurs étaient attendus au tournant. Pas simple en effet de rester fidèle au texte tout en apportant un éclairage neuf à l'histoire. Défi relevé, haut la main.
Pour ne pas trahir la trame de
Pierre Bottero, les auteurs ont pris le parti de nous proposer le 1er volet des aventures d'Ewilan en deux tomes. Cette façon de procéder permet aux lecteurs d'en retrouver tous les moments forts : les "dessins" de Camille, son amitié avec Salim, ses confrontations avec les Ts'liches et leurs horribles marcheurs ainsi que, bien évidemment, ses rencontres hautes en couleur avec ses futurs compagnons, Edwin, le maitre d'armes fidèle ; Bjorn, le chevalier au grand coeur ; Duom Nil Erg, l'analyste... et même, en fin d'ouvrage, celle qu'on attend tous, notre petite Ipiutiminelle devenue grande !!!!
Pour ce qui est des "dessins" de Camille, j'attendais de pied ferme la transposition du fameux "Cancre" de
Prévert. le moment dans le roman qui a scellé mon amour indéfectible pour l'auteur et son oeuvre. Je n'ai pas été déçue. Ce passage occupe une planche entière. On y retrouve l'intégralité du poème ainsi que l'interprétation qu'en fait notre dessinatrice. A la clé, un tableau noir couvert d'arabesques de toutes les couleurs et, au milieu, un petit bonhomme espiègle qui termine par un impertinent : "Voilà madame !" C'est tip top ce que j'imaginais...
Bien sûr, tout n'est pas à l'avenant et, quelque part, tant mieux. Sinon à quoi bon lire la bédé, autant "se contenter" des romans. C'est d'ailleurs le message des auteurs sur la page officielle Facebook :
"Nous savons pertinemment que chacun, chacune d'entre vous a dans sa tête et dans son coeur sa propre vision d'Ewilan et de ses compagnons. Nous avons essayé de respecter notre vision de l'oeuvre et de lui insuffler une autre dimension."
Côté trouvailles, je citerais la manière originale dont ils ont représenté le cadre de vie de Salim, et tout particulièrement son "espace" de travail, mais aussi le moment où la Sentinelle, Elea Ril' Morienval, s'adresse à Camille alias Ewilan ou encore la représentation de la salle d'analyse de Duom Nil'Erg avec tous les tableaux accrochés aux murs... le scintilleur a un petit côté "trône de fer" amusant.
Tout ceci nous emmène au côté graphique de l'album. le dessin est très soigné. le format XL de l'album permet de jongler avec les cadrages et d'offrir des cases aux dimensions généreuses. Ainsi, les personnages comme les décors sont particulièrement bien travaillés et donne l'occasion à des changements originaux de points de vue. C'est le cas notamment lorsqu'on suit Camille et Salim dans la rue, qu'ils passent devant au cinéma (avec, à l'affiche, Alice au pays des Merveilles ! Ça ne s'invente pas !) et qu'on les aperçoit la case suivante, de dos, à travers la vitre de la caissière...
Quant aux couleurs, elles sont des plus chatoyantes. Ma préférence va sans conteste aux teintes plus vives choisies pour dépeindre Gwendalavir, ses merveilles et ses dangers. Que ne donnerait-on pas pour fouler nous aussi ces terres inconnues... Seul petit bémol à ce propos : j'aurais aimé retrouver, comme au début des livres, une carte du monde de Gwendalavir. Cet élément aurait également été intéressant pour tous ceux qui découvrent ce monde parallèle avec la bédé.
Je pourrais je pense vous en parler encore et encore... le mieux pourtant est que chacun se fasse sa propre opinion. Je ne doute pas que les fans, même les purs et durs, seront heureux de se replonger dans cette épopée fantastique chère à leurs coeurs et que les nouveaux lecteurs découvriront par ce biais la richesse de cet univers créé par, osons-le, notre
Tolkien à nous !
Le plaisir est d'ailleurs loin de se tarir, surtout si chacun des tomes des Mondes de
Pierre Bottero donne droit à deux tomes en B.D. !
Et si vous en voulez encore plus, je vous conseille vivement le site du scénariste, Lylian Keplakowsky, qui revient sur les choix scénaristiques et autres opérés pour arriver à ce petit bijou dans un post intitulé "Adapter
Pierre Bottero : Notre quête d'Ewilan" !
Lien :
http://lacoupeetleslevres.bl..