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EAN : 9782923896953
Marchand de feuilles (05/08/2019)
3.6/5   24 notes
Résumé :
Petite femme montagne est un cri du coeur qui prend le lecteur à témoin et l'oblige à examiner sa propre vie. C'est livre vérité, un livre boussole qui explique comment survivre aux relations mère-fille, à la maternité, au désir, à la trahison, aux amours déçus, à la dépendance, à l'abus et à l'injustice. Terese Marie Mailhot illumine avec finesse son enfance dans une maison infestée de coccinelles sur la réserve de Seabird Island. Son père, un artiste qu'a rencontr... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Née dans la réserve de la Première Nation de Seabird Island en Colombie-Britannique ( Canada ), Terese Marie Mailhot se raconte avec une franchise intrépide et une honnêteté brulante. Sa voix surprend par une puissance qui transporte le lecteur de son enfance pauvre et dysfonctionnelle à ses errances amoureuses, de sa maternité rendue difficile par la perte de la garde de son premier fils, à son hospitalisation pour dépression dans un institut psychiatrique où tombe le diagnostic de sa bipolarité.

L'auteure évite les pièges du récit autochtone stéréotypé. Pas de folklore amérindien ici. Tout en évoquant profondément la condition indienne au Canada, elle dépasse la simple l'expérience autochtone transgénérationnelle avec comme boussole sa propre intériorité qui la distingue des autres amérindiens et la rapproche d'un universalisme partagé par le vecteur des émotions.

Entre froide lucidité et humour ironique, passant avec fluidité d'un registre à l'autre, Terese Marie Mailhot écrit pour reprendre le pouvoir sur la haine de soi qui la ronge. le parcours d'écriture qu'elle livre avec entièreté au lecteur est une sortie d'un chaos lié à des traumatismes douloureux difficiles à surmonter. Certains passages sont bouleversants, comme celui-ci évoquant les abus sexuels que son père lui a fait subir :

« Dans la douche, avant de savoir comment avoir peur ou me protéger, j'avais disparu. Dix minutes de ma vie avaient suffi à me tuer. Chaque jour je négocie les minutes de ma vie en me souvenant que je ne peux pas me souvenir assez. J'ai passé des heures à me convaincre qu'aucun enfant n'est détruit – et que la fillette à l'intérieur de moi valait la peine que je me souvienne d'elle avec tendresse. L'esprit de ma mère me guidait certains jours, me disait que rien n'est trop laid pour ce monde. Je ne suis pas trop laide pour ce monde. »

D'autres déploient une tendre subtilité pour dire la force du lien qui unit une mère à ses enfants. La sienne, assistance sociale et guérisseuse, affectueuse mais absente, débordée par des compagnons alcooliques et violentes, est décrite lors de passages superbes qui transforme le texte en éloge funèbre plein de douceur  :

«  Les hommes étaient destinés à blesser ma mère, dans la chair et dans le texte, et elle était mon sauveur. le langage n'était jamais juste. Même dans ce récit, je n'arrive pas à exprimer la pulsation qui émanait d'elle. Quand elle dormait, je ne pouvais pas m'en détacher, j'étais amoureuse de sa respiration bruyante. Elle dormait rarement, mais quand elle dormait, son sommeil semblait générateur et sacré comme l'hibernation d'un ours. Ses petites paumes étaient rouges de chaleur. Toujours, elle tombait endormie avec un livre sur la poitrine. C'était l'illumination de la lumière vivante. »

Avec sa prose de combat traversée de fulgurances expressives et de phrases qui claquent, Petite femme montagne exprime toute l'urgence d'une vie qui a été sauvée par l'écriture, d'une âme en ébullition qui propose une nouvelle façon de penser le passé, le traumatisme et la réconciliation avec soi hors des sentiers battus. Une lecture coup de poing écrite par une femme qui assume ses faiblesses et ses forces.

« Peux-tu me laver comme une sainte . Transformer la squaw en mère avec un visage, des pores et un corps, et une histoire personnelle positive ? Je veux mon grand coeur, mais plus sage et plus sûr, et propre. Ne peux-tu pas me laver ? Ou m'évider une bonne fois pour toutes ? Lave-moi dans mon estime personnelle et dans ma douleur, puis laisse-moi sécher. » ( S'adressant à son second mari ).
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« Ce n'est pas étonnant que cette narratrice soit folle. Elle est autochtone, et elle est brillante. Qui pourrait survivre à ça ? »

Son nom est Asiniy Wache Iskwewis, Petite Femme Montagne, autochtone de la Première Nation de Seabird Island ayant quitté, contrainte, sa réserve natale pour la vie américaine. Mais loin de ses racines, son identité, son passé et sa condition marquent violemment son existence. « Je tirais mon pouvoir des montagnes et j'ai choisi de vivre dans le désert ».

Dans ce texte cash, récit autobiographique marqué par les souffrances de tous ordres, Terese Marie Mailhot – traduite par Annie Pronovost – passe en revue ses multiples traumatismes : mère narcissique et alcoolique, père maltraitant, mari atteint de TDAH et elle-même souffrant de bipolarité.

Heureusement, dans ces horizons bien sombres, surnage l'amour de ses enfants et l'espoir qu'ils représentent. Sans oublier la fierté de ses origines : « J'avais hérité de ces yeux noirs et d'une immense, majestueuse douleur que tes femmes blanches ne porteront et ne posséderont jamais ».

Un texte fort, souvent décousu et déconcertant pour moi, mais qui témoigne différemment des autres titres de la collection Talismans de Dépaysage sur la condition autochtone et, à ce titre, y mérite toute sa place.
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Terese Marie Mailhot tresse dans ses mots les fils qui la composent, peut-être dans l'espoir de ne pas se décomposer elle-même.

Autochtone, bipolaire, fille, soeur, mère, femme, c'est comme si chaque aspect de sa vie comprenait son lot de souffrance et de difficultés. On la dit folle.
Pourtant ses souffrances semblent l'aider à exister, à s'encrer dans le réel, à vivre.

Sur le fil entre des énergies qui s'opposent, sa lutte pour la vie flirte souvent avec les idées morbides. Sa culture autochtone percute les murs d'une réalité occidentalisée, ses souvenirs veulent se faire oublier, son besoin d'amour s'épanouit dans le conflit et les faux-semblants.

Mais doit-elle chercher à s'apprivoiser ou laisser leur juste place à ses démons intérieurs ? Elle est la blessure, elle est le pouvoir. Elle n'oppose pas la force et la faiblesse elle les lie intrinsèquement.

C'est sombre mais de cette noirceur surgit toute une réflexion sur l'humain et sur la manière dont on se vit et dont on habite le monde. Conquise dès ses premières remarques sur "l'estime de soi", je me suis sentie habitée par ce livre, par Terese aussi, à un point que s'en était parfois éprouvant mais à la fois très riche de pistes d'exploration.

Un immense merci aux éditions dépaysage pour l'envoi de ce texte tranchant et si fort en émotions.
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Les éditions Depaysage ont encore une fois publié un texte qui sort de l'ordinaire.

Dans Petite Femme Montagne, récit largement autobiographique, Terese Marie Mailhot revient sur ses racines et ce qu'était et ce qu'est être autochtone de nos jours. Elle nous parle de son enfance à la réserve, de sa maladie mentale, des relations avec sa mère et ses enfants, mais elle nous livre surtout un amour « impossible et nécessaire » avec son second mari écrivain. Un amour autodestructeur qui la conduira en hôpital psychiatrique et déclenchera l'écriture du roman. Elle revient également sur des souvenirs douloureux et longtemps occultés: les abus sexuels d'un père alcoolique.

Ce texte est vraiment déconcertant, et j'ai eu des hauts et des bas. La forme est singulière, mais j'ai aimé ce parti-pris. En effet, l'autrice s'adresse directement à son compagnon tout au long du récit, sous forme de plusieurs lettres. La langue est crue, Terese Marie Mailhot va droit au but ! Je n'ai pas toujours très bien compris cette folie amoureuse, et cette haine de soi. Je suis restée à distance et n'ai pas eu de réelles émotions, mais force est de constater que l'écriture de Terese Marie Mailhot est dotée de nombreuses fulgurances.

En bref, un texte autochtone différent, qui mérite qu'on s'y attarde quelques heures !
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Après avoir reçu le don de la mémoire approximative, et après avoir pleuré quelques centaines de fois, Casey m'a serré la main et nous nous sommes embrassés. J'ai senti le feuillet autocollant de mes lèvres se détacher du sien. Le vrai amour est un adhésif. Je me suis aperçu que j'avais un état d'esprit particulier avec Casey. Même avec ma duplicité et mes divagations. J'avais l'impression d'être à la fois indigne et prête pour cette sorte d'amour.
- Mon père, ai-je dit.
Juste à prononcer ces deux mots, ma voix s'est fissurée. C'état suffisant pour qu'il sache.
- Je me souviens de mon père.
Les six mots suivants étaient trop nombreux, mais suffisants pour que je sache.
- Il m'a fait du mal, ai-je dit.
Chaque nouveau mot était plus horrible que les autres. Je sais faire des phrases complètes. Dans la bouche, avant de savoir comment avoir peur ou me protéger, j'avais disparu. Dix minutes de ma vie avaient suffi à me tuer. Chaque jour je négocie les minutes de ma vie en me souvenant que je ne peux pas me souvenir assez. J'ai passé des heures à me convaincre qu'aucun enfant n'est détruit - et que la fillette à l'intérieur de moi valait la peine que je me souvienne d'elle avec tendresse. L'esprit de ma mère me guidait certains jours, me disait que rien n'est trop laid pour ce monde. Je ne suis pas trop laide pour ce monde.
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Je me sens comme une squaw. Le genre de squaw que les Blancs imaginent : une chose sauvage aux cheveux gras et aux doigts agiles, pleins de désir.
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Aujourd'hui, devant un tas d'auteurs blancs, pendants un colloque, un verre à la main, j'ai dit que je suis intouchable. Il y a eu des exclamations étouffées. Il a peut-être fallu cent ans de travail pour que mon nom arrive ici, où je peux tellement bien nommer ma souffrance que les gens ont peur de ce pouvoir et de ses conséquences.
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Les femmes autochtones sont devenues inhumaines, et selon moi c'est un problème. Nous sommes trop symboliques, jamais assez réelles.
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La souffrance surgit plus vite que la lumière, et j'aimerais que les gens ne me reprochent pas les choses que je ne peux ni oublier ni expliquer.
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Videos de Terese Marie Mailhot (2) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Terese Marie Mailhot
Déconstruire le récit dominant n'est pas une mince affaire. le chemin est encore long pour rendre compte de la complexité des expériences vécues. Plus que jamais, ces voix sont essentielles. Des femmes marginalisées issues des communautés autochtones aux femmes noires dont les corps sont sexualisés, il y a une histoire commune qui ne raconte pas autre chose que le pouvoir ascendant de la masculinité. Ces trois formidables autrices nous disent combien, ici et ailleurs, l'espace littéraire est un lieu idéal où faire vibrer ces voix. Nicole Dennis-Benn, Emma Cline et Terese Marie Mailhot
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