Rencontres à Fool's Gold, tome 6 : Mariages à Fool's Gold

Pour Tucker, l’Amérique des petites villes était quasiment une planète inconnue. Son travail l’emmenait souvent dans des lieux sauvages et reculés où il devait créer ses propres infrastructures, y compris la route qui ouvrait l’accès au site ou encore dans des zones urbaines en grande difficulté. Il n’avait aucune pratique de cet univers de vitrines pimpantes et de gens sympathiques qui flânaient sur des trottoirs propres. Au cours des dix minutes qu’il mit pour rejoindre le centre-ville à pied, huit inconnus le saluèrent, lui dirent de passer une bonne journée ou lui demandèrent si le temps n’était pas formidable ; un caniche en manteau rose lui donna même la patte.
Il était déjà venu à Fool’s Gold une fois, l’année de ses seize ans. Chaque été, son père tenait à l’envoyer en colonie de vacances aux Etats-Unis, pour s’assurer que malgré son éducation nomade (entre chantiers, écoles locales et percepteurs) il rencontrerait d’autres jeunes de son âge et de son pays. Les thèmes des colonies étaient chaque fois différents, randonnée, astronomie, théâtre… C’était lors d’un séjour axé sur la pratique du vélo qu’il avait rencontré Ethan Hendrix et Josh Golden.
Ils étaient restés ensemble tout l’été. Josh et Ethan prenaient leur cyclisme très au sérieux, Josh avait d’ailleurs fait carrière dans ce sport. De son côté, Ethan avait de grands projets, il répétait qu’une fois ses études bouclées, il ne remettrait jamais les pieds à Fool’s Gold. Ils s’étaient mis d’accord tous les deux : dès qu’il serait qualifié, Ethan rejoindrait Tucker chez Janack Construction et ensemble, ils construiraient des barrages en Amérique latine, des ponts en Inde. La vie en avait décidé autrement : le père d’Ethan était mort et en tant qu’aîné, il s’était dévoué pour reprendre l’entreprise familiale. Tucker avait décroché son premier poste dans l’entreprise de son père et s’était envolé vers de nouveaux horizons, mais Ethan n’avait jamais quitté Fool’s Gold.
L’enseigne de Hendrix Construction dominait une petite rue toute proche des rues commerçantes. Tucker poussa la porte et sourit à la fille de l’accueil.
— J’aimerais voir Nevada, s’il vous plaît.
Il était venu tôt en espérant l’intercepter avant qu’elle ne parte sur un chantier. On ne l’annonça pas, on ne lui demanda pas s’il avait rendez-vous : la réceptionniste se contenta de lui indiquer une porte en lançant :

" Je ne vois pas comment toi et ton ego, vous parvenez à entrer tous les deux dans le même corps "