Maçacestchouette, ce Manchette !
Oui, oui, vous allez me dire qu'on ne moque pas des grands noms, décédés qui plus est. Néanmoins, je me permets une petite entorse au règlement car j'ai vraiment été séduit par l'écriture de cet auteur français des années 70-80.
Auteur, que dis-je, écrivain, traducteur, notamment de
Westlake, critique littéraire, journaliste, j'en passe et des meilleurs. Manchette est également un passionné de Jazz dont le titre « Un petit bleu sur la côte ouest » s'avère être un morceau de jazz dans le roman, peut-être inventé par l'auteur en référence au blues américain.
Mais, pour le moment, je cède la parole à Zazie qui se met dans la peau du héros du roman, Georges Gerfaut, cadre commercial, marié deux enfants, qui tourne en rond sur le périf' parisien à 145 km/h pour échapper à sa propre existence :
♫ Je tourne en rond, je tourne en rond.
Je suis un homme plein d'ambition
Belle voiture et belle maison
Dans la chambre ou dans le salon
Moi je tourne en rond, je tourne en rond.
Je fais l'amour et la révolution
Je fais le tour de la question
J'avance, avance à reculons
Et je tourne en rond, je tourne en rond.♪
Et puis, un jour, quittant la région parisienne pour Troyes, Georges Gerfaut assiste incrédule à un accident de la route, poursuit son chemin ni vu ni connu et enfin, pris de remord, retourne sauver la personne blessée sur le bord de la route. Gerfaut dépose alors la victime aux urgences de l'hôpital de Troyes et quitte les lieux sans même communiquer son identité aux médecins… Hum, hum…
De retour en famille, Georges Gerfaut prépare déjà le voyage au bord de la mer en Charentes non loin de chez sa belle-mère qu'il … haït tant. Après les quelques heures de voiture et la visite de l'hideuse location retenue par la belle doche, rien de mieux que plonger une tête dans la mer ; oui l'océan atlantique pour les puristes.
Et devinez ce qu'il advint de notre homme :
a) Un requin, s'étant trompé de Réunion, tente de faire qu'une bouchée de Georges Gerfaut,
b) Deux tueurs musclés et beaux gosses en maillot de bain agrippent Georges Gerfaut et essaient en vain de le noyer,
c) Georges Gerfaut, se croyant sur le périf, fait des ronds dans l'eau à 145 km/h et déclenche une mini-tornade en bord de mer,
d) Tout simplement, Georges Gerfaut ne s'est pas suffisamment mouillé la nuque avant de rentrer dans l'eau et est foudroyé par une hydrocution.
Bien entendu, je comprends parfaitement que vous hésitiez fortement entre toutes ces réponses tout à fait crédibles, hormis peut-être la b) j'en conviens.
Toujours est-il qu'après cet évènement, Georges Gerfaut ne peut plus tourner en rond et doit fuir pour de bon sa famille ! A vous de découvrir la cavale de notre cadre dynamique en lisant le roman…
Hep, hep… Je devance même vos interrogations les plus folles à propos de Georges.
Cherche-t-il à s'éloigner à jamais du requin mangeur d'hommes ? A-t-il une peur paranoïaque des tornades tempérées de France ? Georges évite-t-il tout contact avec à l'eau dorénavant ? Ou encore, mais assez peu probable, veut-il échapper à la mort certaine des deux tueurs à ses trousses qui auraient un contrat sur sa tête ?
Lisant habituellement plutôt des romans américains, j'ai été séduit par le style et la construction de ce livre de
Jean-Pierre Manchette. La première partie, que j'ai relue après la fin du roman, est particulièrement intrigante et permet d'embrouiller avec finesse le lecteur. Manchette, tel le petit poucet avec ses blancs cailloux, laisse suffisamment tomber d'indices au passage pour nous plonger dans un brouillard de suppositions au sujet de Georges Gerfaut et de son entourage.
Jusqu'au bout, j'ai été happé par ce roman noir, assez court et rythmé, qui ne fait pas de sentiments et délivre une course-poursuite des plus enivrantes. Un très bon moment de lecture que je recommande chaudement, excepté pour ceux qui ont peur des requins, des tornades ou de l'eau bien entendu.
♫ « Pour ma peine, ma punition », ma prochaine cible sera ‘
La position du tireur couché' du même auteur. « Moi je tourne en rond, je tourne en rond » ♪