Et lui revient alors cette phrase de Nietzsche : "Deviens qui tu es".
Les semaines se suivent, les jours s'écoulent. Et parfois, en cachette, Amelie a l'impression de couler doucement. De s'enfoncer dans un trou d'eau, de ne plus bien respirer, de s'abîmer dans une sorte de mal être inexplicable. Comme si la guérison avait mis à jour une autre maladie, un mal sourd quelque chose de latent qui ne demandait qu'à se réveiller et surgir.
Alors il faudrait aimer autant les épreuves que les bonheur de la vie ?
Avec la maladie (...) Elle a éprouvé cette urgence de vivre que certains ont du mal à comprendre
C’est vrai : le pire, c’est l’expectative. Après, quand on sait, on n’a plus qu’à agir, qu’à se battre, on n’a plus le choix. Mais je déteste me sentir passive, dans l’attente.
Tu voulais des surprises dans ta vie...Alors voilà. Forcément, il y en a des belles et des moins bonnes. Mais c'est ça, être vivant...Aimer, c'est prendre le risque de souffrir. C'est un package.
La vie, comme la nature, a ses lois et une puissance face à laquelle on est parfois peu de chose. Il n’y a qu’à s’incliner devant ses décisions, fussent-elles injustes et difficilement compréhensibles.
Pour elle, la féminité ne se résumait pas à des cheveux. Ni même à des vêtements ou à du maquillage. C'était surtout une manière d'être, une attitude Un tout.
Au fond, ils ne comprennent pas vraiment ce qu'elle vit. Cette peur, peut-être insensée, mais qui la dépasse. Ce n'est pas une question de manque de confiance dans le corps médical. C'est une question de méfiance vis-à-vis de son propre corps, de ce qu'il a été capable de produire, de sa capacité ou non à faire front, à gagner. A gagner avec ce qu'il lui reste de traitement, mais sans la chimio. La chimio, le pilier de ses derniers mois, son ancre, sa bouée, ce à quoi elle s'est accrochée. Alors, oui, elle attend son IRM... la septième. Elle attend le verdict. Et plus il approche, plus la peur grandit.
Une vie est riche de tout. De petits riens, de grands instants. Je crois qu'on ne vit pas sa vie, la plupart du temps. Les gens la regardent passer et se rendent compte, au bout d'un certain temps, qu'il est trop tard. Trop tard pour jouir des petits plaisirs de la jeunesse à côté desquels on est passés en trombe; trop tard pour profiter de ses libertés entre le moment où l'on est dépendant de la famille qui nous a donné la vie, et le moment où la famille à laquelle on a donné vie est dépendante de nous... Trop tard pour voyager quand l'heure de la vieillesse passive a sonné... Certains se bornent à se laisser aller au gré des flots d'un ruisseau sur lequel ils sont un petit morceau de bois... Ils continuent leur « bonhomme de chemin », et un jour, voudraient remonter la rivière... mais c'est impossible de remonter à contre-courant. Il ne tient qu'à nous de vivre pleinement. Chaque jour, des montagnes de plaisirs s'offrent à nous. Mais peu de mains les cueillent afin d'en puiser le jus, la sève d'une vraie vie.