Le temps est un capital vite englouti.
— Nous ne pouvons être sûrs de rien.
Un homme aussi riche ne peut pas être honnête.
L’espace d’un instant Wallander éprouva une gigantesque amertume. Il avait été policier toute sa vie. Il pensait avoir contribué à protéger ses concitoyens. Mais tout avait empiré autour de lui. La violence avait augmenté. La Suède était devenue un pays où les portes fermées devenaient de plus en plus nombreuses. Parfois, il pensait à son trousseau de clés. D’année en année, le nombre de clé augmentait. De plus en plus de serrures, de plus en plus de codes d’accès. Et au milieu de toutes ces clés, une nouvelle société émergeait, à laquelle il se sentait de plus en plus étranger.
Linda hurla.
Elle était tout près de lui, le cri avait transpercé son rêve. En ouvrant les yeux dans le noir, il ne comprit pas tout de suite où il était. Mais l'odeur de la lampe à pétrole s'attardait dans la chambre. Ce n'était donc pas Linda. Il sentit que son coeur battait la chamade. Léger bruissement des feuillages de l'autre côté de la fenêtre entrebâillée. Il prêta l'oreille.
-Rien n'indique que ces crimes aient été commis par un étranger , dit-l.
-ça me paraît assez évident.un Suédois ne ferait pas des choses pareilles.
Wallander et Gertrud devaient trier les derniers cartons de son père. Tout le reste, ils s'en étaient occupés une semaine plus tôt. Martinsson, un collègue du commissariat, était venu avec sa remorque et ils avaient fait plusieurs allers et retours jusqu'à la décharge de Hedeskoga. Wallander avait pensé avec un malaise croissant que tout ce qui subsistait d'un être se retrouvait en définitive à la décharge la plus proche.
De son père, il restait maintenant, en dehors des souvenirs, un certain nombre de photographies, cinq tableaux et quelques cartons de lettres et de documents. Rien de plus. Compte soldé, vie clôturée. [p. 20]
Par dessus tout , un bon policier espère que le crime va diminuer.Mais il sait que c'est peu probable .Aussi longtemps que la société restera ce qu'elle est , avec ses injustices incluses, condition indispensable au jeu des forces de la mécanique sociale.
Il commençait à remonter la pente, la glycémie se stabilisait, il avait perdu du poids, changé ses habitudes alimentaires. Mais souvent, il lui semblait qu’il était déjà trop tard. Il n’avait pas encore cinquante ans, et dans ses moments sombres, il lui arrivait de penser qu’il était en sursis. Un sifflet invisible pouvait d’un instant à l’autre signaler la fin du match.
Personne ne disposait d’issues de secours en quantité illimitée.