C'est avec un plaisir non dissimulé que je retrouve
Tristan Marco pour son troisième roman.
Découvert avec «
L'étrange cohérence du sablier« , puis avec «
le onzième châtiment« , j'avoue être ravie de retrouver
Tristan Marco pour ce nouvel opus. Un roman très différent des précédents, mais tout aussi bon et addictif.
Montalivet-les-bains. Camille Bennett est en vacances avec sa meilleure amie Agnès
Saint-Roch. Elles prennent du bon temps en terrasse d'un café, jusqu'à ce qu'Agnès aille faire une emplette. Elle ne reviendra pas. 7 jours plus tard, son corps est découvert dans un mas camarguais. Une arène, une toile, un tigre, et au centre, Agnès, nue, ligotée à un poteau.
C'est ainsi que le « fantôme » restituera son corps, dans une mise en scène inspirée de la mythologie biblique. le capitaine Claire Leszczynski et le lieutenant Ulysse Kerdogan, un duo atypique mais complémentaire, se retrouvent en charge de l'enquête.
Le Fantôme leur a laissé un message : « Je suis la voix du Seigneur tout-puissant. Tous paieront. Je frapperai au plus profond de leur chair, la traitresse, le malade et l'imposteur. » Voilà qui promet un programme sanglant …
Au Havre, Marie-Jeanne, vendeuse dans une boutique parisienne de fournitures d'art, a rendez-vous avec Gabriel, praticien d'un genre spécial. Après quoi elle rentre à Paris, où elle a un autre rendez-vous, avec le Docteur Dolores Steidman, psychiatre. Marie-Jeanne va lui confier avoir des visions d'une femme dans un cirque. Alors le Dr Steidman va spontanément contacter nos enquêteurs.
Voici un roman très efficace, parfaitement mené, au rythme maîtrisé. le stress, l'angoisse, le dégoût, l'empathie sont très bien dosés.
Les personnages sont à mon goût parfaitement campés. Leur psychologie est très travaillée. Aucun n'est vraiment blanc ou noir. Tous ont des failles, tous sont ambigus. Tous nous interrogent. Certains sont totalement malsains bien sûr, quand d'autres sont juste sur le fil ou en décrochage. Mais tous ont quelque chose qui interpelle. Aucun n'est tout à fait celui (ou celle) qu'il semble être, y compris les enquêteurs. Y compris le Fantôme.
Il y a Camille qui se retrouve au coeur de l'enquête, la première victime étant sa meilleure amie, la seconde son mari. Aux enquêteurs de déterminer quel lien elle peut avoir avec tout ça.
Marie-Jeanne est une jeune femme torturée. Pour elle, la violence physique et la douleur qui en découle sont une alternative à ses souffrances morales. Les coups, la douleur et la peur ressentie sont comme un shoot, et elle en devient dépendante. Elle est accro à cette peur et à cette douleur, qu'elle a choisies. Gabriel n'a pas de limites, et la crainte d'un « déraillement », loin de la retenir, la ramène au contraire encore et encore dans son cabinet. Ces rendez-vous, dont elle n'est jamais sure de repartir, la raccroche de façon paradoxale à la vie. C'est une fascination malsaine à toujours repousser des limites qu'elle n'aurait jamais dû franchir.
Sacha Ivanenko est un assassin qui a payé sa dette. Rendu à la société, Sacha se fait oublier. Il garde cependant contact avec Eva, sa marraine de prison, devenue d'une certaine façon une amie. Sacha est un prédateur, un pervers, un sadique, souvent borderline. Pourtant, Eva refuse de s'éloigner de lui.
Avec l'intervention du Dr Steiman se pose une question : les sciences cognitives peuvent-elles être un appui à l'instruction d'affaires criminelles? Quand les enquêteurs sont secondés par des profileurs, qui dissèquent l'esprit criminel, les déviances et circonvolutions de l'esprit humain, quelle peut être la pertinence d'une collaboration entre le monde médical, le monde scientifique et le monde judiciaire?
Il y a dans ce roman un très gros travail sur la symbolique mythologique et religieuse. Avec l'allusion à la licorne, d'abord, qui est LE symbole de l'innocence et de la pureté. La licorne est une sorte de Saint Graal lié à l'enfance, sa blancheur étant une référence à l'ignorance et à la candeur. Et cela prend sens au fil des pages pour éclater lors de l'épilogue.
Puis intervient l'iconographie religieuse, au travers des crimes perpétrés par le Fantôme. Cela commence avec le meurtre d'Agnès qui retrace le calvaire de Sainte Blandine de Lyon, sainte patronne des servantes. Ensuite, nous découvrons le martyr de Saint Sébastien, saint patron des archers, fantassins et policiers. Pour finir par une évocation de la crucifixion du Christ.
Il est question dans ce roman de résilience, de gestion du deuil et de l'absence, de rapport à la mort et à la religion, à la croyance plus généralement. Il est aussi question de rapport à l'attirance et à l'engagement, au sexe. L'auteur parle d'addiction (au sens large) et de frustration, notamment face à l'échec. de violences faites aux femmes, de dépendance affective. Et enfin de thérapies cognitives et comportementales, avec notamment l'utilisation de l'hypnose humaniste et de l'utilisation de la parapsychologie. Et bien évidemment, le coeur de ce roman concerne les liens sororaux, la vengeance et la paraphilie.
Un thriller prenant, efficace, délivré avec une plume incisive et mordante. Une jolie réussite.
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