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Sylvain Prudhomme (Autre)Sika Fakambi (Traducteur)
EAN : 9782889072743
192 pages
Editions Zoé (06/10/2023)
3.5/5   12 notes
Résumé :
La "Maison de la Faim", c’est là où grandit le narrateur. C’est aussi l’insatiable appétit d’apprendre de cet adolescent qui évolue dans un milieu raciste et d’une pauvreté extrême. C’est en fait, selon Sylvain Prudhomme, "le nom de tous les enfermements. Dans la misère. Dans le ghetto. Dans la condition noire". Voici l’histoire pleine de fureur d’un jeune homme dans le Zimbabwe d’avant l’indépendance. Critique sociale et exploration de soi s’y conjuguent avec une i... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Dambudzo Marechera, né en 1952, dans l'ex-Rhodésie devenue l'actuel Zimbabwe était une étoile filante trop vite éteinte. Mort à 35 ans, victime de l'alcool de la « dagga » (cannabis local) et miné par le sida. « La maison de la faim » fut son oeuvre majeure, une nouvelle couronnée de succès puisqu'elle obtint à sa sortie, en 1979, le prestigieux prix du Guardian Fiction Prize. Cet ouvrage relate le mal-être d'un étudiant érudit dans cette Rhodésie où règne l'Apartheid, sous la férule de son premier ministre Ian Smith.
Dans cette fiction, Dambudzo nous relate la vie dans la « maison de la faim » qui peut être sa propre demeure où règne la violence du frère du narrateur Peter et la débauche de sa mère qui se prostitue. Mais cette « maison de la faim » peut aussi bien décrire, plus globalement, le township où il vit, territoire d'illettrisme, de violence, d'alcool, drogue et de sexe. Ou bien même, l'état Rhodésien, où la milice blanche et la population de même couleur déroule sa politique de terreur. C'est une haine du blanc pour le noir, mais la réciproque est vraie, notre narrateur ne dit-il pas « il y a de la merde de blancs dans nos dirigeants et de la merde de blancs dans nos rêves et de la merde de blancs dans notre histoire et de la merde de blancs sur nos mains et dans tout ce que nous construisons ou tout ce pour quoi nous prions….»
Les hommes naissent libres et égaux mais pas vraiment sous toutes les latitudes et cette histoire doit nous servir de devoir de mémoire pour tous les peuples opprimés. le style de Dambudzo est percutant, frappe fort, noir plus noir que sa couleur de peau mais laisse échapper de belles envolées malgré cette noirceur. Je terminerai sur cette belle citation à propos de la pluie qui tombe, enveloppe et digère tout « Elle tambourinait sur les toits en amiante. Elle tambourinait aux fenêtres. Elle pilonnait les esprits. Elle tambourinait sur nous jusqu'à l'insoutenable. Elle se déversait toute noire, en clapotis, en ruisseaux, s'abattait sur nos têtes comme un coup de poing. Elle rugissait, éclaboussait, détrempait, dégringolait bégayante et tonitruante des béances noires de l'univers immense et sans conscience. Elle montait. Elle gonflait. Claquait sur elle-même comme un fouet. Vomissait à grands seaux une frénésie de fretin d'argent. Ses bruits de succion et de boue qui clapote tournoyaient sans fin dans nos esprits. Nous glaçant jusqu'à l'âme. Délire d'une pluie précipitant toute l'école dans son excitation fébrile. Eruption pareille à celle d'un furoncle qui éclate et éclabousse tout de ses acides noirs ».
A noter la jolie préface de Sylvain Prud'homme
Un grand merci aux Editions Zoé pour cette lecture pénible mais nécessaire.
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Je suis sûre que cela vous est déjà arrivé, à vous aussi...
Vous lisez quelques lignes à propos d'un roman apparemment exceptionnel, fortement original, qui font naître en vous une ardente évidence : il vous le faut, et de préférence de suite. Mais exception étant synonyme de rareté, il n'est plus disponible en librairie, et proposé sur Amazon et Abebooks à un prix rédhibitoire.
Vous trépignez, déçu et frustré, persuadé de passer à côté de la pépite du siècle, vous tentez d'oublier l'affaire en vous jetant à corps perdu dans la lecture d'autres titres soi-disant géniaux... et puis un jour, bingo !! Vous recevez une alerte d'Amazon : le titre en question est disponible à huit euros ! Vous trouvez cela presque insultant pour une oeuvre de cette envergure, mais pas trop longtemps, voilà qui arrange bien votre portefeuille.
Vous n'y tenez plus d'impatience, guettez le facteur avec une avidité presque agressive et puis... enfin... enfin !! Vous voilà en possession de l'objet tant convoité, que vous manipulez avec une adoration de fétichiste, tremblant d'une satisfaction que les indifférents à la lecture ne comprendront sans doute jamais.
Évidemment, impossible d'attendre. Toute lecture en cours est mise en instance séance tenante. Vous plongez enfin dans le texte, déjà pantelant à l'idée du plaisir qui s'annonce.

Je suis sûre que cela vous est déjà arrivé...
Cet espoir incommensurable, qui retombe comme un soufflé. Cette auto-flagellation -psychologique, bien sûr- piteuse, que suscite rétrospectivement votre emballement naïf... "La maison de la faim", c'était mon Graal. LE livre qui, m'imaginais-je, marquerait -entre quelques autres tout de même- ma vie de lectrice... Oh, ce n'est pas un mauvais roman, loin de là. Mais pour l'expérience inédite et bouleversante, il faudra repasser.

D'abord, ce n'est pas un roman, mais un recueil de nouvelles, dans lesquelles Dambudzo Marechera s'est fortement inspiré de certains épisodes de sa propre existence. Nous sommes à la toute fin des années 70. Ancienne colonie britannique, le Zimbabwe ("Maison de pierre") subit un régime ségrégationniste (qui prendra fin en 1980) malgré son accession à l'indépendance en 1965.

Les textes qui composent "La maison de la faim" sont d'un abord parfois abrupt et insaisissable. le premier, qui est aussi le plus long, a donné son titre au recueil. le quotidien de ses divers protagonistes, jeunes noirs et habitants d'un township, est fait de violence et de médiocrité. La misère matérielle, la saleté, y côtoient le désespoir que font naître l'absence de perspective d'avenir, l'insécurité, et les relations agressives, brutales, entretenues avec les proches.
L'intrigue repose sur un fil conducteur ténu, des scènes éparses la jalonnent, mêlant dans une curieuse osmose de crudité et de poésie, la violence des faits à un style métaphorique, qui confine souvent au lyrisme.
Être noir dans le Zimbabwe de Dambudzo Marechera, c'est être condamné à la misère, c'est vivre avec le risque de se faire tabasser par les forces de l'ordre ou les militants pro-apartheid, c'est succomber à la tentation de l'oubli, procuré par l'alcool et la drogue.
C'est emporter partout avec soi une soif inextinguible d'indépendance et de justice, une propension à la rébellion ne tolérant aucun compromis. Ce qui n'empêche pas, aussi, d'avoir faim. de reconnaissance, d'amour et d'accomplissement intellectuel.

De courts textes succèdent au premier, certains évoquant de sombres fables dans lesquelles l'auteur, toujours sous la forme allégorique, exprime sa révolte, le problème étant que c'est parfois tellement allégorique que je n'y ai rien compris !

Dommage... J'ai bien saisi en lisant ce roman que Dambudzo Marechera était un grand poète (parce que quand même, certains passages sont magnifiques...) mais j'ai eu du mal à m'immerger vraiment dans ce recueil que la profusion d'images et le caractère déstructuré m'ont souvent rendu obscur.
"La maison de la faim" est assurément une oeuvre remarquable, mais n'est pas celle qui marquera ma modeste vie de lectrice...
Lien : http://bookin-ingannmic.blog..
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Un livre d'une grande puissance et violence.
L'auteur relate sa vie d'adolescent dans son pays qui est le Zimbabwe.
Il est confronté à beaucoup de problèmes majeurs.
L'auteur relate tous les faits avec beaucoup d'affirmations et de violence ; néanmoins, ce livre est fort intéressant de part son histoire et écriture.
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critiques presse (1)
LeMonde
28 novembre 2023
Marechera entremêle passé et présent, réalisme et fantasmagorie. Il chamboule nos repères pour mieux montrer la violence de l’oppression et la nécessité de la lutte. Il sème aussi des bombes à retardement.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
La lutte contre la langue- c'est ça ton objectif?

Oui et non.Le langage est indissolublement lié à ce qui fait l'humanité des êtres humains et aussi, bien entendu, à l'inhumanité.
Tout ce qui touche au langage, l'obscène, le sublime, le charabia, le pontifiant, le purement narratif, le verbalement menaçant, l'adjectivement nauséabond, tout cela fait partie de la pratique du ciselage qui est au coeur de mon écriture...
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Il y avait toutefois une exaltation des esprits qui nous incitait à partir tous en quête de cet élixir inaccessible que notre fièvre nous laissait entrevoir. Mais d’emblée cette quête était vouée à l’échec car il nous semblait que l’élixir se trouvait juste sous notre nez, et en même temps non, pas vraiment. Cette liberté à laquelle nous aspirions — comme on aspire à la dagga, à la bière, aux cigarettes ou à la vie après la mort — elle était si vive dans notre souffle et au bout de nos doigts que nous nous en étourdissions avant même de l’avoir trouvée. Comme quand un homme se lèche les babines en rêvant d’un festin ; ou quand une femme danse en rêvant d’un carnaval ; ou quand un vieillard se met à bondir comme une gazelle en se languissant des jeux funéraires de sa jeunesse. Alors qu’il n’y a, vraiment plus, ni jeux ni fête ni carnaval. C’était un paradoxe dont la découverte nous laissait troublés, irrésolus, à tout le moins malheureux de savoir que jamais plus nous ne ressentirions cela. Il ne s’agissait pas d’adieux conscients à l’adolescence car le vide était profondément ancré dans nos tripes. Nous savions que s’étendait devant nous un autre vaste vide dont l’appétit pour les choses vivantes était pour le moins vorace. La vie s’étendait comme une série de taudis ravagés par la faim, s’alignant sans fin vers l’horizon. Notre esprit devenait une pièce crasseuse, une toile d’araignée poussiéreuse au fil de laquelle se prenaient les minuscules squelettes de notre enfance, figés à jamais dans ce piège arachnéen qui se déployait jusqu’à emprisonner non seulement les pierres sous nos pas, mais aussi les étoiles scintillant faiblement sur la puanteur de nos vies. Pourriture d’intestins, voilà ce que nous devenions peu à peu. Et nos pensées avaient beau vrombir comme des insectes dans les boîtes en fer-blanc de nos têtes, accroupis au-dessus des fosses à latrines qu’étaient nos cerveaux, d’année en année le soleil était toujours aussi prompt à s’élever dans le ciel, et les ténèbres tout autant à s’abattre sur la terre.
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Un entretien avec lui-même

Quels écrivains t'ont influencé ?

Je trouve cette question biaisée, retorse.Elle suppose qu'un écrivain doit être influencé par d'autres écrivains, qu'il "doit forcément" être influencé par les livres qu'il lit.Il se peut que cela soit vrai.Pour ce qui me concerne, j'ai été influencé jusqu'au désespoir par une humanité obstinée mais brutalisée, celle des gens parmi lesquels j'ai grandi.La réalité de leur vie, leur résistance silencieuse aux coups qui nous étaient portés jour après jour dans ces ghettos qu'on appelait alors des
" Campements"
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Nous sommes sortis de la buvette bras dessus bras dessous, comme Jésus et Judas sans doute après qu'ils se sont raconté l'un à l'autre leurs petits secrets. Le soleil dardait doucement ses rayons à travers la poussière tourbillonnante .Une nuée de mouches dans les toilettes publiques voisines fredonnait l'Alléluia du Messie de Haendel.C'était une photographie presque parfaite de toute la condition humaine.

( p.45)
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Que je ne puisse tolérer une étoile, une pierre, une flamme, une rivière, ou une bolée d'air, c'était simplement que chacune de ces choses semblait avoir une signification irrévocablement différente de celle que je lui donnais.Je les ignorais donc, mais je les recréais avec des mots, des cadences, des lumières, des murmures et des trombes d'air échappées du grand souffle " là- haut"

( p.40)
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