j'avais été tellement abasourdie la première fois que l'on m'avait chaleureusement remerciée pour l'état des chambres après mon passage, et que l'on m'avait offert un pourboire. J'avais découvert que je pouvais participer au bien-être de quelqu'un, contribuer à des vacances réussies, moi qui ne savais pas ce que c'était, moi qui n'avais pas fait d'études, qui n'avais pas été éduquée contrairement à toutes ces personnes. Ce travail était gratifiant pour la jeune fille abîmée que j'étais. Je m'étais sentie respectée.
Ne te laisse pas dévorer par ton chagrin... Ressens-le et vis-le ce soir, après, il sera trop tard, crois-moi. C'est un ordre.
Fais-moi plaisir, fais-nous plaisir, si Vassily vient un jour te chercher pour danser, va, Goloubka, va et danse avec lui. Nous serons les plus heureux. Jo et moi. Sois patiente avec lui...
Je t'aime, Goloubka.
Macha.
J'étais au paradis. Un paradis de lumières, de douceur, de nostalgie bienfaitrice. Et dire que j'étais assise à l'endroit même où Jo et Macha avaient décidé de créer leur hôtel. Je n'y avais jamais pensé jusque là. Il avait fallu que ce soit Vassily qui m'invite à le faire. Pourquoi ?
Reviens, Macha...Promets-moi de revenir...S'il te plaît...
J'attendis sa réponse de longues secondes. En vain. Je l'étreignis plus fort encore. Je respirais son parfum, je m'enivrais de lui, voulant en garder une trace jusqu'à la fin de mes jours. M'en souvenir pour m'apaiser, pour me rassurer. Le parfum de Macha était celui de la douceur maternelle que je n'avais pas connue, mon corps devait s'en souvenir, devait en être imprégné.
À l'instant où je sombrais définitivement, je crus sentie ses lèvres déposer un baiser sur les miennes.
Savourons les moments volés.
- Macha, je... je...
- Je sais... ne t'inquiète pas, je sais les mots que tu ne peux pas dire.
Pourquoi aurais-je pensé au malheur ? Pourquoi s'infliger du mal quand tout va bien, quand on a le sentiment d'avoir trouvé son équilibre, d'être solide et heureux dans son existence ? À présent, je devais admettre que j'avais manqué de discernement, j'avais évité la réalité, pour me protéger.
J’aimais écouter les conversations dans les cafés. Cela me reposait et me faisait rêver à d’autres vies que la mienne, même si, bien souvent, elles n’étaient pas plus folichonnes. L’avantage : pendant ce temps-là, je ne pensais pas à ma situation personnelle et j’avais le sentiment d’être moins seule.