Du temps où la joie renversait
au beau milieu des blés
nos coeurs et corps
toujours éclatés,
la quête de nos saveurs
n'en finissait pas.
Nous allions jusqu'au fond de nos secrets
doux comme des gants
que nous retournions en aveux,
et nous aimions
jusqu'à la fatigue d'aimer,
et tellement au-delà
que je te revois lever la tête
pour boire encore un peu plus ta soif
à même le ciel.
Dans la maison des yeux fermés, on croit
à la lumière, mais nul ne la voit.
Alors, aveugle, on ne sait si tel geste
qu’on fait pour saisir, saisit ou renverse.
Qu’importe après tout. Il reste le doute
qui ne laisse plus s’en aller les routes
toujours quelque part. C’est à lui qu’on doit
de n’être jamais celui que l’on croit,
mais celui qu’on cherche et parfois qu’on aime
quand on le rejoint au bout du poème.
Où est la source de ce qui devint tes larmes ?
Je ne connais pas assez l’histoire de ton visage
ni les saisons qu’il eut avant d’oser se regarder
dans le vrai miroir de ton âge.
Pourtant quand je vais vers toi c’est autant vers moi-même
puisque nous vivons le même destin,
nous nous étreignons dans les mêmes sommeils
pour étouffer le moindre rêve qui nous séparerait.
Et nous sommes, au matin, dans la même lumière
d’un jour nouveau qui ne sait rien
de nos joies et de nos chagrins.
O chemins en nous où parfois en armes
parfois en larmes nous affrontons le temps.
Pertes sans fracas
CE QUI A LE MOINS PESÉ
Ce qui a le moins pesé
à la journée d’hier,
ce fut cette ombre sur ton front
vite effacée, mais d’où venue ?
C’est à moi qu’elle pèse aujourd’hui
comme si ma nuit inquiète l’avait agrandie
et étendue à ton visage entier.
Quand j’ai allumé les lampes,
elles ont laissé dormir et resplendir ton corps
mais ce n’est pas par le sommeil
que tes yeux étaient clos.
J’ai caressé ta présence
et le début de ton absence.
La vie presque chantée
LE PAYSAGE NÉ DE LA DERNIÈRE PLUIE…
Le paysage né de la dernière pluie
en garde l’éclat. Il respire par tant de jeunes feuilles
qu’on dirait qu’il y a un autre vent dans le vent,
et que l’horizon n’empêchera ni l’un ni l’autre
de tout emporter.
Qui passerait par l’aube saurait
que le monde est sur le départ
mais qu’il laissera derrière lui la transparence
pour que les oiseaux reviennent
et avec eux d’autres paysages tremblants de leurs ailes.
Jean-François Mathé .Portrait de l'écrivain Jean-François Mathé, Prix du livre en Poitou-Charentes, réalisé par les Yeux d'IZO.© Centre du livre et de la lecture en Poitou-Charentes - 2011