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3,81

sur 3546 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Ce magnifique roman confirme l'exceptionnelle qualité du regard de Nicolas Mathieu. Dans la lignée de Leurs enfants après eux, l'auteur laboure ses invariants avec une acuité éclatante de justesse : le temps qui passe, l'incandescence de l'adolescence, les complexes de classe et notre rapport à la réussite sociale, toujours avec un ancrage géographique fort dans le Grand Est.

Connemara est un roman politique. Il ne dessine pas d'horizon à atteindre mais il saisit les fractures sociales béantes de notre époque en interrogeant sur la construction d'une identité d'aujourd'hui à travers ces deux personnages principaux, deux quadragénaires. Dans le camp des gagnants de la mondialisation, Hélène a coché toutes les cases du mètre étalon de la réussite professionnelle et sociale : mariée, deux enfants, cadre supérieure dans une société de conseil, maison d'architecte and co. Mais elle a fait un burn-out. Elle, le transfuge de classe qui s'était acharnée à conquérir sa réussite et à fuir aussi bien sa famille et sa région, est revenue. Christophe n'est jamais parti. Lui s'est laissé porté. Ex-star de l'équipe locale de hockey, ex-obsession des lycéennes, il est de ceux qui n'ont pas profité, désormais représentant en nourriture canine, divorcé, vivant seul dans un triste pavillon à carrelage avec son père et son fils.

Ces deux personnages sont totalement incarnés et existent au-delà des emblèmes sociétaux qu'ils représentent. Ils se déploient, se rencontrent dans un monde vivant. Jamais on ne perd leur grain de peau, on est toujours à fleur de peau de leur existence, de leur rencontre, puis de leur histoire d'amour. le récit prend son temps, refusant l'allusif ou l'elliptique. On plonge dans les détails de ces moments de vie avant de basculer dans de superbes plans séquences et des flash-backs époustouflants sur l'adolescence comme si on aurait voulu rendre éternel ce qu'on fut, un seul instant.

« L'adolescence est un assassinat prémédité de longue date et le cadavre de leur famille telle qu'elle fut gît déjà sur le bord du chemin. Il faut désormais réinventer des rôles, admettre des distances nouvelles, composer avec les monstruosités et les ruades. le corps est encore chaud. Il tressaille. Mais ce qui existait, l'enfance et ses tendresses évidentes, le règne indiscuté des adultes et la gamine pile au centre, le cocon et la ouate, les vacances à La Grande-Motte et les dimanches entre soi, tout cela vient de crever. On n'y reviendra plus. 
Alors Mireille regarde sa fille ( Hélène ). Elle l'envie, lui en veut, elle voudrait la toucher. L'amour au-dedans lui fait mal. Elle pense petite idiote, mon coeur, grande saucisse, ma chérie, pour qui tu te prends, ne t'en va pas. Elle est si fière. Elle a tellement de peine à lâcher. »

Nicolas Mathieu est l'auteur français qui parle le mieux de cette période
Hélène et Christophe veulent une deuxième chance, ils veulent suspendre le temps en rejouant quelque chose de leur adolescence, cette période indépassable de leur vie. Et c'est déchirant de les voir retrouver une énergie à la fois candide et désillusionnée jusqu'à un épilogue terriblement mélancolique ( très LaLaLand ), attendu mais qu'on soupirait de le voir dévier.

Et puis, il y a ses plans larges, des passages quasi analytiques qui règlent leur compte au néo-libéralisme contemporain. Ce n'est évidemment pas un hasard si le roman se déroule en 2017, à un moment de bascule, à la veille de l'ère macroniste. Avec une sens réjouissant du sarcasme et de la satire, très proche d'une comédie anglaise à la Jonathan Coe, Nicolas Mathieu réjouit en dézinguant le volapuk de l'entreprise, cette novlangue ( plus très nov' d'ailleurs ) managériale révoltante qui s'infiltre partout sans qu'on s'en rende compte. L'humour est féroce pour décrire les menées de ce cabinet de conseil pour collectivités territoriales déroutées par la réforme refondant les régions.

Remarquable roman qui nous interroge profondément sur ce qui vaut le coup dans la vie, sur ce qui malgré nous nous imprègne, nous habite, nous soumet ou nous révolte, au-delà des lézardes de la vie sans pour autant briser notre quête de sens et d'amour.



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Nicolas Mathieu n'est pas l'écrivain de la désillusion. Si la frustration est au coeur de ses romans, un vent d'espérance n'y souffle pas moins pour autant.

Avec Connemara, c'est à l'aube du mitan de la vie qu'il s'attele. Hélène approche des quarante ans, deux filles, un beau mariage et un poste à responsabilité. L'heure des bilans pour celle à qui tout semble avoir réussi. C'est sans compter ses humeurs noires qui la harcèlent et prennent source dans sa propre terre de désirs inassouvis.

Jusqu'au jour où le hasard mettra sur sa route une ancienne gloire de son lycée que toutes les filles convoitaient.

Christophe est en instance de divorce, et ne voit pas assez son fils. Il est représentant en nourriture canine, et organise son temps en fonction d'objectifs inatteignables. L'heure des comptes, pour celui qui semble avoir tout raté. Il a pourtant la ferme intention de reprendre son activité de hockeyeur, comme du temps où il en était star locale.

"Il fallait vivre pourtant et espérer, malgré le compte à rebours et les premiers cheveux blancs. Des jours meilleurs viendraient. On le lui avait promis." Page 52.

Quelles raisons le poussent à vouloir revivre ses instants de folle exaltation et d'espoirs sans fin ? Peut-être les mêmes que celles qui ont conduit Nicolas Mathieu à nous offrir ce nouveau roman à la frontière entre le générationnel et l'universel. Une écriture à fleur de peau, alliée à un souci constant du détail, comme un "chassé-croisé des espérances et de la peur" inspiré de sociologie, de psychologie et d'une putain de lucidité qui fait du bien !
Start-up nation balbutiante, exploitation des classes populaires, vacuité des valeurs, repli sur soi, nous sommes en 2017. C'est dans cette ambiance crépusculaire - sur laquelle le soleil ne s'est toujours pas levé - que les Français vont élire un président dont ils ne veulent pas.
Reste la rage de vivre, avec fougue, de celle que l'on retouve dans ces hymnes populaires qui traversent les générations et des classes entières, car "on dit que la vie est une folie, et que la folie ça se danse".
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Il y a les romans doudous et les romans bourre-pif ; celui-ci relève clairement de la seconde catégorie.

Nicolas Mathieu raconte la rencontre, 25 ans après le lycée où ils se sont croisés, de Christophe et Hélène. A l'époque, il était la belle gueule champion de hockey-sur-glace, et elle, la bûcheuse bêcheuse. Rien entre eux ne s'est passé alors, même si elle en rêvait. Et tout à coup, elle va tenter de le conquérir à nouveau -mais pareille aventure a-t'elle encore un sens, alors que tout les sépare désormais ?

Je sors de ce roman KO. J'ai l'âme meurtrie, et je ne sais pas si je l'ai aimé ou détesté, tant il m'a fait mal. Nicolas Mathieu cogne à chaque page avec une force de malade, et sans jamais faiblir. On ne se méfie jamais assez des types à lunettes qui portent des pulls à col rond sur leurs chemises bien boutonnées.

Et pourtant, c'est brillant, c'est puissant. L'auteur nous offre une radioscopie de la France des années '90 à 2017 d'une précision douloureuse. Tout y passe : l'enfance, l'adolescence, la vie adulte, la vieillesse, le couple, les grandes écoles, l'esprit de revanche, le monde du travail, la capitale, la province, les premiers de cordée et les autres, tous les autres. Nicolas Mathieu se saisit de chacun de ces sujets avec une justesse impitoyable, mais sans jamais juger, ni se complaire dans son rôle de conteur : on sent, on sait, qu'il écrit pour lui autant que pour nous.
Et tout sonne effroyablement vrai dans ce roman, des aspirations pleines d'audace et d'assurance de la jeunesse, aux barouds d'honneur rageurs de la quarantaine, où l'on tente tout pour repousser les renoncements prêts à nous engloutir. Autant de lucidité m'a laminée. (La prochaine fois, je lirai Foenkinos, ce sera plus simple).

Mais tout n'est pas que souffrance. En romancier tranquille et talentueux qu'il est, Nicolas Mathieu nous fait nous attacher à ses personnages, piteusement et magnifiquement humains (bien que je n'aie pas apprécié Hélène), et l'on a envie de connaître leur devenir. Il alterne les époques et les chapitres consacrés à l'un ou l'autre de ses protagonistes, mais sa maîtrise de la narration est telle que l'on n'est jamais perdu. En outre, son écriture est un pur plaisir de littéraire.
Ce qui ne m'a pas empêchée d'avoir envie de jeter ce roman monstrueux contre un mur, sitôt terminé, tant il m'a fascinée et mortifiée. Mais un livre qui remue autant ne peut qu'être remarquable et exceptionnel (même si on se retrouve avec du Sardou en tête pendant toute la lecture).

Alors, blindez-vous avant de le lire à votre tour. Prévoyez des pauses, des petits remontants, des sucreries, et respirez par le ventre. Mais pour Sardou, il n'y a rien à faire.
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Connemara, Les lacs du Connemara, cette chanson a inspiré Nicolas Mathieu, consacré par le Prix Goncourt 2018 avec Leurs enfants après eux. Si vous avez un peu oublié – est-ce possible ? - ce titre signé Jacques Revaux, Pierre Delanoë et Michel Sardou, écoutez-le à nouveau et l'air vous trottera dans la tête jusqu'à devenir obsédant comme il obsède Christophe et ses amis.
Dès le début de son roman, l'auteur s'attache à l'histoire d'Hélène qui, avec Christophe, justement, fait partie des deux personnages principaux de Connemara. Hélène est mariée à Philippe. Ils ont deux filles : Mouche et Clara. Leur réussite professionnelle semble exemplaire. Ils vivent à Nancy après une période parisienne.
Tous les deux, ils sont très occupés par leur travail mais, quelque chose m'intrigue. Hélène revient d'un rencart à Épinal, à environ une heure de voiture de Nancy. Au boulot, chez Elexia, « une boîte qui vendait du conseil, de l'audit, des préconisations dans le domaine des RH, toujours la même chose. », elle a embauché Lison comme stagiaire et attend impatiemment qu'Erwann, le patron, lui donne le poste d'assistante qu'elle mérite, à la direction.
De son côté, Christophe Marchal vit à Cornécourt, petite ville pénarde où le FN est arrivé en tête aux dernières élections… Ce quadragénaire, ex-gloire des Loups, l'équipe de hockey sur glace d'Épinal, rêve de recommencer à jouer mais il deux grands amis, Marco et Greg, qui le poussent à boire plus que de raison. Malgré sa volonté de ne pas céder, il craque à chaque fois et cela aura de graves conséquences pour lui.
De plus, Christophe est en pleine rupture avec sa femme, Charlotte, qui se fait appeler Charlie. Ils ont un fils, Gabriel, dont son grand-père, Gérard Marchal, adore s'occuper. La naissance de ce gosse est un moment fort du livre.
Ainsi, Nicolas Mathieu me permet de faire connaissance avec chacune de ses personnes, remontant à leur enfance, leur adolescence avec tous les problèmes mais aussi les joies de ces périodes décisives pour leur vie d'adulte.
Hélène, n'étant pas du tout satisfaite de sa vie de couple, Philippe étant souvent absent pour son travail, se lance sur le web pour tenter de trouver une relation qui lui plaise car ce n'est pas dans son travail qu'elle obtient les meilleures satisfactions malgré toutes ses qualités et son investissement maximum dans les tâches qui lui sont confiées.
Avec Elexia, Nicolas Mathieu permet de comprendre l'engrenage infernal dans lequel nous sommes plongés avec ces boîtes privées censées conseiller nos élus, les collectivités, les Conseils départementaux ou régionaux. D'ailleurs, la création des grandes régions comme celle du Grand Est est une aubaine permettant à ces entreprises de gagner un maximum de fric sur le dos des contribuables en proposant des réorganisations, des transformations, des réformes ayant le plus souvent pour conséquence la suppression de postes.
S'il ne faut pas divulgâcher les étapes importantes et décisives de ce roman, je dois mentionner des pages très sulfureuses et détaillées de relations sexuelles fort bien décrites…
J'ai appris aussi beaucoup de détails sur le hockey sur glace, un sport que je connaissais bien mal. Comme il l'avait fait pour son roman primé, Nicolas Mathieu sait parfaitement nous faire découvrir la Lorraine avec ses qualités mais aussi les problèmes rencontrés par ses habitants.
Une nouvelle fois, Nicolas Mathieu m'a régalé par son style direct, sans fioriture, allant au plus près de la psychologie de ses personnages tout en ayant un regard acéré sur l'époque que nous vivons. Son sens critique est approfondi, avec des exemples concrets accompagnant un déroulement bien maîtrisé agrémenté de surprises qui décuplent de plaisir de la lecture. Allez, je vous laisse pour écouter encore Les lacs du Connemara après m'être régalé avec la lecture de Connemara.


Lien : https://notre-jardin-des-liv..
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Hélène a une petite quarantaine d'années et, bien qu'issue d'un milieu modeste, a fait une école de commerce du « top 10 » (donc pas la meilleure). Après un burn-out, elle a décidé de quitter Paris et a retrouvé un poste dans le conseil dans sa province natale, le « Grand Est », obligeant son mari à quitter un « poste en or » chez Axa, et ses deux filles, une fillette et une préado, à la suivre. Là, elle tombe sur Christophe, un ami d'enfance, commercial dans le secteur de l'alimentation animale confronté à des objectifs quasiment impossibles à atteindre, qui a eu son heure de gloire dans l'équipe de hockey d'Epinal et qui envisage de rechausser les patins. Lui n'a jamais quitté sa province et est en instance de divorce avec Charlie, avec qui il a un jeune fils, Gabriel. ● J'ai retrouvé avec un vrai bonheur le style magnifique de Nicolas Mathieu, dont je m'étais déjà délecté dans ses autres livres, Aux animaux la guerre (2014), Rose Royal (2019) et bien sûr son Goncourt 2018 Leurs enfants après eux. Je trouve son style d'un grand raffinement et j'adore ses fulgurances, en particulier ses métaphores et ses comparaisons. Par exemple : « Novembre est gris des façades jusqu'au ciel, et la Moselle même n'a plus de couleurs. Sous les ponts, elle coule avec une lenteur d'huile, on dirait des larmes. » « Charlotte pleurniche et un peu de salive coule sur ses lèvres qui ont pris une drôle de teinte, d'un rose intestinal. » « Dans le battement stroboscopique de la lumière, son corps blanchâtre luisait comme celui d'un lamantin. » « [I]l fermait si fort les paupières qu'on aurait dit des bouches. » « Aldo, le père de Jenn, versa le charbon de bois dans un barbecue et, les bras croisés, regarda la braise rougir avec une satisfaction néandertalienne. » ● Nicolas Mathieu est aussi un analyste très fin de notre société, il connaît à merveille les gens de la France périphérique et les restitue sans manichéisme, avec beaucoup d'humanité. Il sait également très bien parler des entreprises de conseil, qui vendent à prix d'or du vent emballé dans une novlangue atroce, notamment aux administrations, en particulier aux collectivités locales et tout spécialement aux « grandes régions » nouvellement créées grâce à la lubie de François Hollande. S'il n'est pas le premier à le faire, il le fait particulièrement bien : « Il s'agissait aussi de leur apprendre à se comporter en vrais managers, ne bougez pas trop vos mains quand vous parlez, posez votre voix, évitez les phrases à la forme négative, enfin toute cette psychologie tragique faite de lieux communs et de sommaire manipulation qui tient lieu de science dans les hauts lieux de la décision. » ● Il comprend aussi parfaitement le phénomène du transfuge de classe, comme on le voit par exemple dans ce superbe oxymore : « des rouspétances soumises » ou dans ce passage : « [M]algré elle, elle conservait en soubassement des réflexes de gagne-petit, une sorte d'instinct de cocu qui lui faisait voir tout de suite la stupidité des ordres verticaux, l'inadéquation foncière entre les bonnes intentions des belles personnes et le désir lourd des existences moyennes. » ● Ses personnages sont particulièrement bien campés ; j'ai beaucoup aimé notamment la stagiaire Lison et le coup pendable qu'elle réussit, en quelque sorte l'inverse de MeToo. ● La construction du récit, qui fait alterner passé (l'adolescence des personnages) et présent (ils ont une quarantaine d'années) est habile et très bien menée. Nicolas Mathieu a un talent particulier à raconter l'adolescence. ● On sait que les scènes de sexe sont particulièrement difficiles à réussir ; Nicolas Mathieu est un maître en la matière, les siennes sont délectables : « Pour la première fois, ils échangèrent des mots de métal, de ces mots chauffés à blanc qu'on se souffle à l'oreille dans les lieux clos, la nuit, dans le noir, loin des polices et du progrès, des injures qui valent tous les compliments, des paroles honteuses qui engendrent des liens spéciaux et des complicités hostiles au monde entier. Et peu à peu, ils basculèrent dans un de ces accouplements limites. La sueur de Christophe tombait de son front goutte à goutte et Hélène ouvrait la bouche, tirait la langue. Elle disait mords-moi, plus fort, encore. Lui disait tu me sens, tiens-moi, serre-la. Ils sentaient leurs ongles dans la viande, des douleurs et des impatiences qui ordonnaient d'autres postures, des odeurs de marée et de salpêtre, des fadeurs de cosmétiques qui fondaient, des pointes acides qui autrement les auraient dégoûtés, et sous leur langue des poils, du lisse, des fronces, l'enfer de la matière, versatile et inimaginable, l'autre comme soi-même, grand ouvert, liquide, révoltant, comestible, tout entier résumé dans l'enclos des jambes et des bras. » ● Bref, c'est un superbe roman qui illumine le lecteur et que je recommande chaudement !
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J'avais adoré " Leurs enfants aprés eux " et c'est tout naturellement que je me suis intéressé à ce nouveau roman de Nicolas Mathieu .Verdict : encore une trés bonne pioche et un trés grand moment de plaisir .
A mon âge , s'il n'a rien de cannonique non plus , c'est dans le rétro que je vois l'adolescence , la mienne comme celle de ma fille , la " crise du milieu de vie ", la mienne et ...celle de ma fille , bref , je me retrouve plongé dans une histoire dont je pense que , circonstances aggravantes ou atténuantes , elle aurait pu être mienne ou ...celle de n'importe qui ...C'est , pour moi , le premier atout de ce roman , sa proximité avec le lecteur dont la vie pourrait peu ou prou , ressembler à celle d'Hélène ou Christophe .Vies sentimentales commencées dans l'euphorie d'une jeunesse qui brise tous les tabous , fait fi des conventions pour s'offrir une vie de rêve , tant sur le plan de l'intime que sur le plan professionnel .Et puis , le temps délite peu à peu l'euphorie initiale , les relations professionnelles cèdent sous la pression des résultats .Ainsi va la vie jusqu'au moment où le désir s'annonce " d'aller voir ailmpleurs si l'herbe est plus verte " ,de retrouver les " papillons " qui grattent le ventre , les rendez vous cachés vite lassants puis le moment d'un nouveau choix , d'un nouveau départ ...vers un nouveau bonheur ?
Ce livre , c'est ça , une immersion dans des vies qui , au demeurant pourraient être celles de " monsieur ou madame Toutlemonde " et l'adaptation à une société dont l'hypocrisie n'est pas le moindre défaut.
Je trouve que Nicolas Mathieu excelle dans l'expression de ces " peintures sociales et sociétales " ou , même dans " l'Amour ", une certaine bestialité se traduit par des mots crus , qui ne sont que le reflet d'une atmosphère pesante et chargée d'incertitude .
La description de l'adolescence d'Hélène fera sourire , rire , énervera , irritera par sa grottesque description d'un " égo gros comme ça ", si proche de ce que peuvent des parents qui , eux aussi , s'apprêtent à vivre une mue dont personne ne pourra prévoir si elle sera réussie ou non .
Fanny Cotençon , dans une brillante lecture d'extraits de ce roman , au cours d'une soirée organisée par le centre culturel Leclerc local , ne s'y est pas trompée et a , bien entendu , choisi Hélène pour nous régaler et faire aimer ce texte à un public séduit . Personnellement ce fut un ravissement . Certaines pages sont un régal .
Et puis , je vous l'ai dit , les amies et amis , je regarde la vie dans mon " rétro " , mais tout de même , ce rétro , il m'a fait découvrir bien des choses qui , n'en doutez pas , pourraient bien vous concerner un peu aussi et ...vous intéresser au plus haut point .
Finalement , raconter " la vie " , facile ou pas ? Cap ou pas cap ? Nicolas Mathieu , lui , est excellent dans l'exercice .Je l'en remercie .
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Ils ont quarante ans, l'âge des premiers bilans, avec malgré tout une éventualité de redresser la barre, de changer de vie, d'aller au bout des projets. Ou pas…

Elle s'est propulsée dans des sphères que ses origines ne permettaient à peine d'envisager, laissant ses parents à distance, incapables de comprendre le fonctionnement du milieu qu'elle fréquente. Beau mariage, beaux enfants, mais une alerte : un épuisement qui a nécessité un retour en province, pour un peu moins de pression. Et ça, ça ne pardonne pas. C'est inscrit comme une balafre au milieu d'un visage : fragilité…Est-ce le signal de la dégringolade générale ?

Lui est resté géographiquement et socialement proche de ses bases. Il est commercial pour une boite de nutrition animale, vit une vie de couple bancale, et peu satisfaisante. Il conserve le secret espoir de revenir dans les lumières des projecteurs comme lors de son adolescence lorsque le hockey sur glace l'avait auréolé d'une gloire éphémère.

Ces deux parcours, si parallèles, si différents, se croiseront : mais que peuvent-ils en attendre ?

Nicolas Mathieu sait avec adresse pointer les faiblesses de notre organisation sociale. Il sait appuyer là où ça fait mal. Il souligne les travers de langage, les tics qui traduisent immédiatement les origines de ses contemporains. L'absurdité de l'illusion de choisir sa vie, alors que les dés sont jetés dès le départ. Les transfuges de classe qui sont l'exception, restent malgré tout à jamais inconfortables entre deux milieux, un peu comme la seconde génération de familles transplantées.

C'est très addictif, très fluide, et ça se déguste avec plaisir : on retrouve l'ambiance du roman précédent, vainqueur du Goncourt, Leurs Enfants après eux, même si Michel Sardou a détrôné Diane Tell. Et c'est parfait.

400 pages Actes Sud 2 février 2022
Sélection Prix Elle 2022
Lien : https://kittylamouette.blogs..
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Après un burn-out, Hélène décide de quitter Paris pour retourner dans sa région natale, l'Est de la France, elle qui a tout fait pour la fuir. Au grand regret de son compagnon Philippe. C'est grâce à lui qu'elle retrouve du travail dans un cabinet d'audit, dirigé par l'un de ses potes, Erwann. Elle espère d'ailleurs devenir très vite son associée. Mais très vite, Hélène se sent frustrée, mal à sa place, parfois tristoune ou en colère. Heureusement, une jeune stagiaire, Lison, qui lui a tout de suite plu, va illuminer ses jours plus sombres. C'est elle, d'ailleurs, qui va l'inciter à s'inscrire sur un site de rencontres. Juste pour voir et, peut-être, se rassurer...
Christophe, ex-star de hockey dans sa jeunesse, n'a jamais quitté Cornécourt. Aujourd'hui séparée de sa compagne, Charlie, avec qui il partage la garde de leur fils, Gabriel, et représentant en nourriture canine, il est retourné vivre avec son père. Heureusement que ses deux potes d'enfance, Marco et Greg, sont là pour le soutenir. Et l'appel de l'entraîneur de hockey qui veut lui faire renfiler les patins va lui permettre de croire que tout est encore possible...

À presque 40 ans, si Hélène a presque tout réussi dans la vie. Des hautes études, un boulot à responsabilité donc un salaire qui va avec, deux enfants, un compagnon, une belle maison. Mais aujourd'hui, au mitan de sa vie, elle se pose des questions sur son existence, ses rêves... Tout ça pour quoi ? Par hasard, elle va retrouver Christophe, un ami d'enfance. de cette rencontre impromptue va naître une relation et l'occasion pour Nicolas Mathieu de remonter le fil du temps et de nous plonger dans l'enfance et l'adolescence de ces deux quarantenaires, en proie aux doutes et à une certaine forme de regret. Véritable peinture sociale, politique, sociétale, culturelle et humaine, à la fois détaillée et universelle, ce roman va bien au-delà de cette histoire d'amour, fut-elle bancale. L'auteur aborde, avec minutie et tendresse, divers thèmes tels l'adolescence, la vie maritale, le monde du travail, la province, la parentalité, les classes sociales... mais aussi les rêves déchus, les renoncements, la difficulté de trouver sa place dans un monde de plus en plus violent. Ses personnages, d'une authenticité rare, incarnent à merveille ce qu'il faut de force, d'espoir et de patience pour trouver justement cette place. Observateur précis, Nicolas Mathieu nous offre un roman social époustouflant, maîtrisé et teinté d'une certaine mélancolie...

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Quatre ans après Leurs enfants après eux, qui obtint le Goncourt, Nicolas Mathieu n'a pas changé et tant mieux. Dans Connemara, il nous emmène à nouveau chez lui, dans cette Lorraine perturbée par la disparition des industries, en passe d'oublier son patrimoine historique, et qui peine à se reconnaître comme simple composante d'une Région baptisée Grand Est. Les destinées des jeunes sont tracées d'avance : ils restent sur leur terre natale et se contentent d'un quotidien médiocre, comme leurs parents avant eux. Seuls, quelques rares privilégiés parviennent à s'en extirper. Pour réussir l'échappée, il faut de l'énergie, des moyens intellectuels et un minimum de soutien familial.

2017, année d'élection présidentielle. Hélène et Christophe sont tous deux nés quarante ans plus tôt, à Cornecourt, une petite ville des Vosges. Ils partagent un autre point commun : Michel Sardou et ses lacs du Connemara ont rythmé leurs fêtes du samedi soir ; pour l'un, dans les bals populaires du coin ; pour l'autre, dans les galas des Grandes Écoles, à Paris.

Christophe s'est laissé vivre, il n'a pas tenté sa chance ailleurs. Représentant en croquettes pour chats et chiens, il sillonne son secteur à bord de son break. Il est divorcé, père d'un petit garçon. Adolescent, il était assez beau gosse et ses performances dans l'équipe locale de hockey lui avaient valu une gloire éphémère, ainsi que quelques succès féminins. Hélène est grande, belle et brillante. Elle était partie à Paris, pour terminer ses études. Elle y avait dégotté un diplôme supérieur, un job de consultante très bien payé, et un mec plutôt pas mal, encore mieux payé qu'elle, avec qui elle a eu deux filles. Mais le rythme était tel, qu'elle a fait un burn-out et que la famille s'est repliée sur la Lorraine. Pas à Cornecourt, quand même ! A Nancy, un quartier résidentiel, une maison d'architecte, une belle situation pour chacun.

De Nancy à Cornecourt, il n'y a pas une heure de route et il suffit de donner un coup de pouce au hasard. Hélène et Christophe ont chacun leur crise de la quarantaine. Où suis-je, où cours-je, dans quel état j'erre ? Et qu'est-il permis d'espérer, quand on se revoit vingt-cinq ans plus tard et qu'il reste si peu de points communs ? Nicolas Mathieu nous raconte tout : quatre cents pages d'allers-retours captivants entre le présent et le passé.

La prose de Nicolas Mathieu est très simple, fluide, accessible, elle emprunte au langage parlé et il lui suffit des mots les plus courants pour exprimer parfaitement la moindre sensation. Cet écrivain observateur crée ainsi des personnages authentiques, hommes et femmes, jeunes et vieux, à la manière d'un Balzac. Il installe le lecteur à leur contact, pas seulement pour les détails de leur aspect, de leur cadre de vie ou de leurs gestes, mais aussi pour l'instantané de ce qu'ils voient, de ce qu'ils entendent, de ce qu'ils sentent et de ce qu'ils ressentent, jusque dans les espaces les plus intimes, quand ils baisent. Parce que baiser est la parenthèse du salut, le seul moment où l'on s'éclate, sans penser à rien, surtout pas au temps qui fuit et que l'on perd sans s'en rendre compte.

Connemara est un roman politique, mais ce n'est pas une profession de foi. Comme dans son précédent roman, Nicolas Mathieu fonde sa fiction sur des déterminismes sociaux incontestables. J'ai en revanche senti s'effacer sa neutralité de romancier lorsqu'il évoque les tendances actuelles dites « néo-libérales » à optimiser l'efficience des services publics. Cela n'a pourtant rien à voir avec le libéralisme économique. Dans toute forme de société, le citoyen consommateur a droit à des services efficients, qu'ils soient publics ou marchands. Cette exigence appelle des remises en question, qu'il est difficile de mener sans aide extérieure, d'où l'intervention de consultants « privés » (désolé pour ce gros mot !), d'éventuels abus n'en justifiant pas le rejet en bloc. Reste l'emploi de la « novlangue » impulsée par les théoriciens de l'efficience. Les mots sont des symboles, ils unissent celles et ceux qui partagent des idées. Une pratique qui existe dans tous les domaines, politiques, philosophiques, artistiques ou autres, et dont on peut se sentir agacé, snobé, vexé et/ou exclu, dès lors qu'on la subit.

Cette réserve personnelle ne m'a pas empêché de trouver le roman pertinent et passionnant, de la première à la dernière page.

Lien : http://cavamieuxenlecrivant...
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Chacun se retrouvera dans cette histoire grâce à un détail qui sent bon la madeleine de Proust, au goût suave des bons souvenirs ou amer des regrets.
Hélène et Christophe ont chacun fait leur chemin dans la vie lorsqu'ils vont se rencontrer de nouveau, à la quarantaine pesante, dans cette petite ville de l'est de la France, celle qui les a vu essuyer les bancs de la même école. Elle a suivi le cursus brillant qui l'a menée vers une belle situation professionnelle, un mari tout aussi doué, une maison d'architecte et deux filles. Mais comme le bonheur ne se mesure pas en euros, elle va le chercher ailleurs, sur les réseaux sociaux pour commencer, puis dans les bras de Christophe, dont elle a gardé le souvenir du joueur de hockey, star du lycée et ex petit ami de sa meilleur copine de l'époque. La suite n'est qu'un va et vient entre leurs souvenirs et la passion charnelle qui les colle l'un à l'autre jusqu'à l'explosion.
Nicolas Mathieu raconte cette histoire avec brio en évitant l'écueil des clichés des romans à l'eau de rose. La narration remarquablement bien rythmée évite au lecteur le moindre temps mort et fait de ce roman un véritable page-turner. Il se lit d'un bout à l'autre presque en apnée. On aurait pu croire que de traiter un sujet aussi banal que la vie quotidienne de ces personnages face s'enliser le récit, il n'en est rien. On est happé par la destinée des deux héros.
« Connemara » est une oeuvre divertissante, un excellent prétexte pour ouvrir un livre pendant les vacances.
Editions Acte Sud, 396 pages.
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