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Citations sur Le jardin sous la neige (15)

- Je n'ai jamais poussé la porte de mes jardins d'hiver.
Durant toutes ces années, il me semble avoir marché sans cesse au bord de ma propre existence, guettant les crépuscules, les aubes, les printemps, les automnes, les rivages, les lisières, les belvédères et les terrasses, toutes ces frontières imaginaires où l'on peut croire que le temps et l'espace vont s'ouvrir sur une vie nouvelle. Je me suis attardé dans des arrière-cours mélancoliques où s'entassent les meubles des vies perdues. J'ai fait de la mémoire et de l'attente un lieu où écrire. Restant sur le seuil, hésitant à le franchir, je suis devenu pour toujours un bonhomme de papier.
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... Est-il un plus pur et plus juste linceul, capable de garder dans ses plis l’être perdu avant de le rendre à la terre et à ses vermines? Est-il autour du disparu des cierges plus brillants que ces chandelles de glace dont la flamme n’est qu’une goutte d’eau saisie sur le vif ? Est-il un cortège plus exact que ces pas d’oiseaux ou de petits rongeurs en quête de pitance à travers la blancheur ? Est-il plus puissante musique que le vent, et un feu qui brûle davantage que la neige ?
     
*
     
— La neige résiste au malheur. Prenez le temps de l’observer quand elle fait mine de tomber. Elle est la seule qui accepte aussi légèrement, avec autant de docilité et de grâce, l’idée même de la chute, la seule qui s’y résigne ainsi, sans aucune espèce de souffrance, et comme avec bonheur ! Elle consent, elle appelle sans bruit à la rejoindre.
— Les mots du poème, parfois, ont cette manière paisible de courir à leur perte...
— Écrire, c’est encore marcher lentement dans la neige...
— N’oubliez pas de regarder vers l’intérieur, la nuit, quand vos yeux ont commencé de se fermer, aux abords du sommeil : vous verrez tomber derrière vos paupières de belles neiges blanches, semblables à de petits papiers où seraient écrites vos histoires d’amour.
     
     
Jardin sous la neige - pp. 111 & 113
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Désormais, il faut s'obstiner à chercher dans les mots un peu de chaleur, puisque c'est par là que passent les choses humaines, les joies et nos affaires de cœur. Il y a toujours dans la langue matière à consolation et dans le poème la promesse d'un printemps. Quoi que l'on fasse, où que l'on soit, c'est ainsi : il reste une porte ou une lanterne, si faible soit-elle, pour garder allumé dans l'œil sa lueur.
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Un amour est ainsi : du temps qui brûle à l'état pur, d'une chaleur bienfaisante et d'une couleur très vive. Vous n'avez pas entendu craquer le sapin ni sonner l'horloge. Un matin, un grand froid vous a réveillé: les murs de la maison s'étaient envolés pendant la nuit ! Peut-être même avait-elle brûlé. Le lit était vide
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En vérité, la saison froide est une sorte de banquise qui s'enfonce et s'épaissit par en dessous. Le flot durcit, le froid s'étend. L'haleine de la mer est de plus en plus courte. Le vent glacé qui souffle au visage contraint à fermer les yeux. Les tempêtes d'hiver sont les plus cruelles. À la saison froide, on bat en retraite. On n'a plus la force, on se résigne. Plus d'issue, plus d'envie, plus de courage.

C'est alors que les animaux sauvages sortent de la forêt. Ils viennent prendre leur dû : c'est violence et rapines. La mort qui rôde montre son museau de pierre. À la saison froide, on revisite. On écoute grincer de vieux meubles dans la chambre aux regrets. Pas question de s'y blottir : inondée de nuit noire, elle n'est faite ni pour les caresses ni pour les songes. Les rideaux sont tirés. Dans les draps de l'insomnie, on se couche seule.
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-ll y a sur le coeur une date de péremption, peu visible, comme pour les yoghourts, les saucisses, le gruyère râpé et le jambon. l'amour est une denrée périssable I Peut-être la plus fragile. Autant que les écarts de température, il craint la fatigue et la négligence.
- Mais quelle est cette usure ? Comment se faitil que I'on puisse oublier d'aimer ? Et pourquoi le corps ne garde-t-il des étreintes aucun souvenir? Est-ce soi-même que l'on quitte ? Se quitter, donner son congé. Fermer à double tour la serrure du vieux coeur. En vérité, le froid menace celui qui se met sous clef au lieu d'ouvrir portes et fenêtres... Cette progressive paralysie, cette ankylose des gestes, cette démarche courbée aux petits pas hésitants, cela s'appelle l'hiver !
- Apprendre à porter sa fatigue. Cesser de se retourner au moindre bruit. Ne plus regarder avec anxiété son visage dans la glace. Devenir la marionnette d'une vie de carton, dans un très petit jardin clos de murs, en banlieue...
- Se résigner à tituber jusqu'au bout de l'usure, les pieds dans des chaussons écossais, un verre de jus de raisin à cinq heures, un bol de verveine à six heures, et la pilule bleue de la vie grotesque, et le caleçon de flanelle, le paquet de couches, et le pull à carrea ux tricoté de grosse laine. - Se déprendre de soi-même. Accepter de n'être rien, ou si peu. Les yeux d'un gris vitreux et la voix cassée. Alors le froid qui saisit les cheville les tire doucement jusqu'à lui.
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Comment se persuader que la dernière heure n'est pas encore venue, que l'on n'a pas fait le tour du monde, visité toutes les villes, goûté à tous les vins, savouré tous les plats, écouté toutes les voix et lu tous les livres : sûr que le voyage continue, et qu'il n'est pas temps de déchirer son billet, ni de fermer les yeux à tout jamais.
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Un temps survient où la vie se réfugie toute dans le choix du chapeau et du petit sac, la manière de nouer la cravate sur la chemise fanée oU de poudrer ses joues de beige et de vieux rose : un semblant d'allure, de bien-être, puisque désormais une seule question se pose : comment tenir encore debout ?
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À la saison froide on a pris conscience de la nature résiduelle des jours qu'il reste à compter. On sait que 'on appartient déjà à l'histoire ancienne.
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À la saison froide, la pluie cesse de tomber. Elle blanchit et tournoie, éperdue, cherchant son chemin, essayant peut-être de remonter vers les hauteurs du ciel d'où elle est venue, offerte aux bourrasques et se bousculant en essaims d'abeilles glacées. On dit alors qu'elle tourne en neige.

Les ruisseaux ne coulent plus ; euX aussi se sont arrêtés, emprisonnant les herbes et les paquets de branches brisées, On ne voit plus d'insectes venant étancher leur soif minuscule parmi des reflets de soleil. Le ciel bleu patiente sous la glace jusqu'au retour du printemps. Plus de voix, plus de feuilles, les oiseaux se sont tus; ils ne s'affairent plus dans les arbres et la terre fait silence. Les poètes s'en retournent à leur cabane de larmes.

On ne les entendra pas pleurer. Depuis longtemps déjà l'espérance faisait mauvais ménage avec la mémoire. À la saison froide, on secoue son manteau de neige, pareil à ce voyageur perdu qui a marché longtemps à travers les montagnes pour traverser l'hiver. Ses épaules sont blanches, comme ses cheveuX, et comme la peau de son visage.

Quand il franchit le seuil, la neige entre avec lui. À la saison froide, la vie perd ses couleurs. Comment s'émouvoir ? Les ailes des papillons et les abeilles sont grises. La vie aussi s'en va en miettes. On rêve à des prairies, des robes claires, et pourquoi pas, au zénith de l'été, un champ de blé piqueté de coquelicots et de bleuets.
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