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EAN : 9782715261471
128 pages
Le Mercure de France (02/03/2023)
3.6/5   5 notes
Résumé :
Après L’hirondelle rouge (2017) et Le jour venu (2020), Le jardin sous la neige est le troisième temps d’un parcours lyrique en prose où se fait pas à pas plus poignante l’angoisse du vieillissement et de la disparition. Les mêmes motifs s’y recreusent et les coups de boutoir du temps contre le désir y sont plus cruels. Une tristesse plus noire y rôde jusqu’aux Enfers. Mais l’écriture ne s’en tient pas à ces chemins désolés : elle ramène de l’espérance et de la lumi... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Recueil publié en 2023 au Mercure de France, le Jardin sous la neige de Jean-Michel Maulpoix est, à l'instar de beaucoup de ses recueils, composé de poèmes en prose.

Ce livre vient à la suite de L'Hirondelle rouge, recueil dans lequel le poète évoque la disparition de ses parents, et le Jour venu, livre où il poursuit sa réflexion sur la mort et le deuil.

La saison froide est une métaphore qui revient souvent dans le livre. Saison où la nature semble se défaire, s'abandonner tout entière à une trêve imposée. Empruntée à l'hiver, la saison froide est pour Jean-Michel Maulpoix le motif choisi pour évoquer encore la vieillesse, la fin de vie mais aussi, la confession d'une tristesse, d'une écriture qui semble être arrivée au bout de son chemin.

Dans plusieurs chapitres, Maulpoix interroge par diverses approches son rapport personnel au vieillissement, à la mort. le visage changé de l'autre, son corps fatigué, ses mouvements lents et puis sa disparition, tout est observé de près ou avec retrait. Son écriture fait apparaître le sentiment aigu de la finitude de l'être, une sensation saisissante qui va de la peur vers le doute, de la douleur jusqu'à la résignation :


« Je ne suis qu'un long crépuscule, déjà un tas d'os qui grince et peine à se déplacer seul, un paquet de ténèbres tout près de choir, un défaut d'astre, ce très peu de lueur qu'il reste d'une ancienne espérance. »

Dans une prose métaphysique et très personnelle, Jean-Michel Maulpoix mène une réflexion sur le rôle de la pensée, de la poésie, sur notre rapport au langage et aux livres, mettant en contraste ce qu'ils sont aujourd'hui et ce qu'il en restera demain, dans les derniers moments. Des résidus de paroles, de pensées… autre chose, peut-être.


« […] Parvenu à un certain point, il n'est plus que la nuit pour éclairer la nuit.
Pourtant, il est heureux, n'est-ce pas, que des poèmes soient en nous et qu'ils aient trouvé place dans notre mémoire au côté de nos souvenirs les plus obscurs, les plus lointains, les plus perdus : voilà qu'ils les éclairent, de côté, comme des soleils couchants, et ils les dorent parfois d'une belle lumière qui les rend plus précieux. Enveloppés de leur parole, ils se tiennent ainsi très proches et légèrement brillants dans cette nuit qui est la nôtre. »

L'ombre de Stéphane Mallarmé apparaît dans de nombreuses pages du recueil. Portrait de l'homme vieillissant dans son appartement parisien de la rue de Rome, réhaussé par l'évocation de quelques-uns de ses poèmes (je songe au magnifique Éventail de Méry Laurent). En se rappelant du grand poète, l'écriture de Maulpoix se fait plus desserrée, plus nuancée. Un moyen pour lui, peut-être, de tenir la vieillesse et la mort à distance, de l'objectiver.

Le livre se clôt par un chapitre qui donne son titre au recueil : le Jardin sous la neige. Après l'expression de la douleur, le portrait de Stéphane Mallarmé, advient une écriture plus apaisée, presque méditative.

À la couleur noire de la terre, à celle de la nuit qui engloutit tout, à celle de l'encre qui couche les mots sur la page, Maulpoix y oppose la blancheur de la neige, souveraine et fragile. Au creux de la saison froide, la neige recouvre la nature environnante, protège l'existence passée. Sur le paysage, elle dépose un silence étrange et particulier, elle amortit le tumulte et la rumeur, nous fait prendre conscience de notre intime présence au monde. Elle fait soudain espérer la promesse d'un nouveau printemps, celle de la vie qui se perpétue.

Dans ce recueil qui m'a beaucoup touché, Jean-Michel Maulpoix évoque avec trouble et émotion, avec maîtrise aussi, un sujet difficile. Sans affectation mais avec lucidité et humilité, il s'en remet à la poésie, à toute la réserve des mots pour dire l'inconcevable tragédie de la vie, le souvenir aussi de tout ce qu'elle nous aura offert.


« Je suis venu ici pour accepter l'inacceptable ! Pourquoi m'a-t-il fallu autant d'années, autant de phrases, pour le comprendre ? Des mots, voilà tout ce que j'ai pu trouver pour faire mine de donner un sens à ce qui n'en avait pas. Je sais que j'ai fait fausse route. D'autres l'avaient compris : la charité était la clef. »


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Un style mélangé entre poésie et nouvelles, qui ouvre la porte sur le mois de Novembre. Avec la Toussaint, la fête des morts, la pluie, qui nous emmène enfin sur decembre et la neige. le silence du paysage. C'est plutôt agréable à lire et court. La mort est un peu trop présente sous différentes comparaisons et métaphores.
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Je n'ai lu que 2 livres de cet auteur - Une histoire de bleu et le jardin sous la neige. Il a un talent particulier. C'est un maître des mots. Hier soir, alors que j'avais encore quelques lignes pour terminer le livre, j'ai découvert avec étonnement qu'il était aussi un criminel. Un combat de femmes. Un maître d'un Auschwitz entre quatre murs. le prix Gouncourt doit être retiré. La littérature est une valeur, elle concerne la création de la vie, et non celle des criminels glorifiés.
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critiques presse (2)
LeMonde
19 juin 2023
Des pas sur la neige (1910), et à la contemplation des toiles de peintres impressionnistes – Sisley, Monet, qui aimaient représenter des jardins enneigés. Le poète y voit, pour l’écriture aussi, « la promesse d’un printemps que la blancheur protège ». Comme une germination secrète de graines, et l’espoir de plantes vivaces.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Liberation
20 mars 2023
Contempler son destin, en brassant les mots, les images et les figures de style, l’ironie et l’angoisse, mais aussi une forme de bienveillance quant à sa propre carcasse et, du distillat, écrire, toujours écrire, des poèmes en prose sur l’attente. Cette recherche, Jean-Michel Maulpoix, 70 années éprises de mélancolie, la donne à lire dans son dernier recueil au Mercure de France, le Jardin sous la neige, sur les étagères des librairies depuis début mars.
Lire la critique sur le site : Liberation
Citations et extraits (15) Voir plus Ajouter une citation
     
... Est-il un plus pur et plus juste linceul, capable de garder dans ses plis l’être perdu avant de le rendre à la terre et à ses vermines? Est-il autour du disparu des cierges plus brillants que ces chandelles de glace dont la flamme n’est qu’une goutte d’eau saisie sur le vif ? Est-il un cortège plus exact que ces pas d’oiseaux ou de petits rongeurs en quête de pitance à travers la blancheur ? Est-il plus puissante musique que le vent, et un feu qui brûle davantage que la neige ?
     
*
     
— La neige résiste au malheur. Prenez le temps de l’observer quand elle fait mine de tomber. Elle est la seule qui accepte aussi légèrement, avec autant de docilité et de grâce, l’idée même de la chute, la seule qui s’y résigne ainsi, sans aucune espèce de souffrance, et comme avec bonheur ! Elle consent, elle appelle sans bruit à la rejoindre.
— Les mots du poème, parfois, ont cette manière paisible de courir à leur perte...
— Écrire, c’est encore marcher lentement dans la neige...
— N’oubliez pas de regarder vers l’intérieur, la nuit, quand vos yeux ont commencé de se fermer, aux abords du sommeil : vous verrez tomber derrière vos paupières de belles neiges blanches, semblables à de petits papiers où seraient écrites vos histoires d’amour.
     
     
Jardin sous la neige - pp. 111 & 113
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- Je n'ai jamais poussé la porte de mes jardins d'hiver.
Durant toutes ces années, il me semble avoir marché sans cesse au bord de ma propre existence, guettant les crépuscules, les aubes, les printemps, les automnes, les rivages, les lisières, les belvédères et les terrasses, toutes ces frontières imaginaires où l'on peut croire que le temps et l'espace vont s'ouvrir sur une vie nouvelle. Je me suis attardé dans des arrière-cours mélancoliques où s'entassent les meubles des vies perdues. J'ai fait de la mémoire et de l'attente un lieu où écrire. Restant sur le seuil, hésitant à le franchir, je suis devenu pour toujours un bonhomme de papier.
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-ll y a sur le coeur une date de péremption, peu visible, comme pour les yoghourts, les saucisses, le gruyère râpé et le jambon. l'amour est une denrée périssable I Peut-être la plus fragile. Autant que les écarts de température, il craint la fatigue et la négligence.
- Mais quelle est cette usure ? Comment se faitil que I'on puisse oublier d'aimer ? Et pourquoi le corps ne garde-t-il des étreintes aucun souvenir? Est-ce soi-même que l'on quitte ? Se quitter, donner son congé. Fermer à double tour la serrure du vieux coeur. En vérité, le froid menace celui qui se met sous clef au lieu d'ouvrir portes et fenêtres... Cette progressive paralysie, cette ankylose des gestes, cette démarche courbée aux petits pas hésitants, cela s'appelle l'hiver !
- Apprendre à porter sa fatigue. Cesser de se retourner au moindre bruit. Ne plus regarder avec anxiété son visage dans la glace. Devenir la marionnette d'une vie de carton, dans un très petit jardin clos de murs, en banlieue...
- Se résigner à tituber jusqu'au bout de l'usure, les pieds dans des chaussons écossais, un verre de jus de raisin à cinq heures, un bol de verveine à six heures, et la pilule bleue de la vie grotesque, et le caleçon de flanelle, le paquet de couches, et le pull à carrea ux tricoté de grosse laine. - Se déprendre de soi-même. Accepter de n'être rien, ou si peu. Les yeux d'un gris vitreux et la voix cassée. Alors le froid qui saisit les cheville les tire doucement jusqu'à lui.
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Désormais, il faut s'obstiner à chercher dans les mots un peu de chaleur, puisque c'est par là que passent les choses humaines, les joies et nos affaires de cœur. Il y a toujours dans la langue matière à consolation et dans le poème la promesse d'un printemps. Quoi que l'on fasse, où que l'on soit, c'est ainsi : il reste une porte ou une lanterne, si faible soit-elle, pour garder allumé dans l'œil sa lueur.
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En vérité, la saison froide est une sorte de banquise qui s'enfonce et s'épaissit par en dessous. Le flot durcit, le froid s'étend. L'haleine de la mer est de plus en plus courte. Le vent glacé qui souffle au visage contraint à fermer les yeux. Les tempêtes d'hiver sont les plus cruelles. À la saison froide, on bat en retraite. On n'a plus la force, on se résigne. Plus d'issue, plus d'envie, plus de courage.

C'est alors que les animaux sauvages sortent de la forêt. Ils viennent prendre leur dû : c'est violence et rapines. La mort qui rôde montre son museau de pierre. À la saison froide, on revisite. On écoute grincer de vieux meubles dans la chambre aux regrets. Pas question de s'y blottir : inondée de nuit noire, elle n'est faite ni pour les caresses ni pour les songes. Les rideaux sont tirés. Dans les draps de l'insomnie, on se couche seule.
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Vidéo de Jean-Michel Maulpoix
Jean-Michel MAULPOIX – En son for intérieur (France Culture, 1996) L’émission « Poètes en pied », série d’été de « For intérieur », par Olivier Germain-Thomas, diffusée le 3 août 1996. Invité : le poète en personne. Mise en ligne par Arthur Yasmine, poète vivant, dans l'unique objet de perpétuer la Poésie française.
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