Citations sur La petite Roque et 9 autres histoires (61)
C'était quelque chose de sinistre et de superbe, ce chant de naufragés, de condamnés, quelque chose comme une prière, et aussi quelque chose de plus grand, de comparable à l'antique "Ave, Caesar, morituri te salutant".
( L'épave )
- Alors tu veux que je lui parle.
- Tout juste. Vous l' dites !
- Et qu'est-ce que je lui raconterai, moi, à ton père ?
- Mais... c' que vous racontez au sermon pour faire donner des sous.
Dans l'esprit du paysan tout l'effort de la religion consistait à desserrer les bourses, à vider les poches des hommes pour emplir le coffre du ciel.
Il considérait la religion comme une sanction morale de la loi, l'une et l'autre ayant été inventées par les hommes pour régler les rapports sociaux.
L'automne vint, les feuilles tombèrent.....Et le murmure presque insaisissable, le murmure flottant, incessant, doux et triste de cette chute, semblait une plainte, et ces feuilles tombant toujours, semblaient des larmes, de grandes larmes versées par les grands arbres tristes qui pleuraient jour et nuit sur la fin de l'année, sur la fin des aurores tièdes et des doux crépuscules, sur la fin des brises chaudes et des clairs soleils, et aussi peut être sur le crime qu'ils avaient vu commettre sous leur ombre, sur l'enfant violée et tuée à leur pied. Ils pleuraient dans le silence du bois désert et vide, du bois abandonné et redouté, où devait errer, seule, l'âme, la petite âme de la petite morte.
Dans l' esprit du paysan tout l' effort de la religion consis-
-tait à desserrer les bourses, à vider les poches des hommes pour les coffres du ciel .
Combien l'homme, parfois, est faible et incompréhensible !
Pour les douleurs, y a rien de tel qu'eune cataplasme d'andouille, Ca tient chaud l'ventre, avec un verre de trois-six!...
(Le Père Amable)
Il demeurait là, le coeur battant, comme si un de ses rêves sensuels venaient de se réaliser, comme si une fée impure eût fait apparaître devant lui cet être troublant et trop jeune, cette petite Vénus paysanne, née dans les bouillons du ruisselet, comme l'autre, la grande, dans les vagues de la mer.
(La petite Roque)
Le vieux ne travaillait plus. Triste comme tous les sourds, perclus de douleurs, courbé, tortu, il s'en allait par les champs, appuyé sur son bâton, en regardant les bêtes et les hommes d'un œil dur et méfiant. Quelquefois il s'asseyait sur le bord d'un fossé et demeurait là, sans remuer, pendant des heures, pensant vaguement aux choses qui l'avaient préoccupé toute sa vie, au prix des œufs et des grains, au soleil et à la pluie qui gâtent ou font pousser les récoltes. Et, travaillés par les rhumatismes, ses vieux membres buvaient encore l'humidité du sol, comme ils avaient bu depuis soixante-dix ans la vapeur des murs de sa chaumière basse.
Je ne restai pas longtemps ce jour-là et m'efforçai seulement de découvrir la couleur de sa misanthropie. Il me fit surtout l'effet d'un être fatigué des autres, las de tout, irrémédiablement désillusionné et dégoûté de lui-même comme du reste.