C'est clairement l'un des événements littéraires de 2022. Cette série est exceptionnelle à tous les niveaux.
Les six tomes ont été édités à quinze jours d'intervalle, comme un feuilleton, respectant le rythme et le format original en poche, comme le voulait l'auteur pour défendre de la meilleure des manières la littérature populaire. Un procédé dont
Stephen King s'est inspiré pour sortir
La ligne verte, le King ne cessant de faire savoir son admiration pour
Michael McDowell.
Un récit datant de 1983, resté inédit en français jusqu'à ce jour, malgré sa qualité, et un auteur qui est loin d'être un illustre inconnu, romancier prolifique et co-créateur des scénarios de Beetlejuice et L'Étrange Noël de Monsieur Jack.
Dès qu'on les tient en main, on ne peut que tomber littéralement amoureux des livres en eux-mêmes, tant l'éditeur
Monsieur Toussaint Louverture a sorti de véritables oeuvres d'art. Avec moults dessins qui racontent aussi l'histoire, mis en valeur par des dorures et enluminures. Ceux qui aiment les livres en tant qu'objets ne peuvent qu'avoir envie de les posséder.
Et il n'y a pas tromperie sur le contenu, la saga familiale de
McDowell se révèle elle aussi éblouissante.
Une lecture rare, étonnante, perturbante, déstabilisante, effrayante parfois, mais surtout passionnante. du jamais lu, à travers une histoire d'une incroyable richesse, qui surtout gomme les frontières des genres.
Ce récit inclassable est avant tout l'histoire d'une famille sur plusieurs générations, mais se révèle être bien davantage que ça. A l'image de la tournure parfois fantastique que prend cette aventure humaine, transformant ce livre en une quintessence de cette littérature populaire si bien défendue.
Même s'il se compose de six tomes, à mon sens il ne faut parler que d'un seul livre. Chacun d'eux fait 250 pages qui se lisent rapidement, avec avidité. Et au final les 1 500 pages s'engloutissent avec une facilité déconcertante, au point que ça en relève presque de l'envoûtement (ensorcellement ?).
J'ai rarement rencontré un style aussi fluide, où chaque mot est à sa place, où aucune phrase n'est inutile. Avec un charme joliment désuet qui sied à l'époque où débute l'intrigue, en 1919.
Michael McDowell est un raconteur d'histoires étonnant.
Ce mélange de genres, aussi fou qu'il est maîtrisé, et cette plume épatante, font que ce roman en six parties est clairement à destination du plus grand nombre. Il suffit de se laisser guider et d'avoir l'esprit ouvert. le génie de l'auteur fait le reste.
Il serait criminel d'en dévoiler davantage sur ce roman-fleuve (le nom parfait pour cette histoire !). Simplement en dire que beaucoup de ces relations humaines tournent autour de la possession, et pas seulement d'argent. Qu'il y est question d'affranchissement aussi, en parallèle.
Avec les femmes qui sont au coeur de la machine fictionnelle. Malgré l'époque, ce sont elles, toujours elles, qui mènent la barque, qui décident, font et défont. Avec la famille mise au centre de tout, même s'il faut en arriver à une guerre de clans.
Quels formidables personnages ! Auxquels on s'attache, malgré leurs nombreux défauts, malgré leur côté sombre. Des caractères bien trempés pour les femmes, dociles pour les hommes, mais tous clairement identifiables. Au point que vous allez, au fil des pages, vous sentir comme un membre de la famille.
Une famille qui défend son nom, ses valeurs et ses biens, mais qui, presque sans le vouloir, fait preuve d'idées sacrément progressistes pour l'époque.
Blackwater couvre cinquante ans d'une lignée, d'une contrée, à travers un récit à la fois épique et profondément humain. Avec un réalisme contrebalancé par le mystère, une matérialité teintée de merveilleux (et d'horreur aussi). Sans que jamais le lecteur ne puisse anticiper le ton du paragraphe à venir.
Une lecture intense, addictive, étrange, qui se révèle être la substance même du souffle romanesque.
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