Il est des moments où la fatigue est le plus grand aphrodisiaque, elle annihile toute autre pensée, donne aux membres pesants la lenteur sensuelle du mouvement, pousse à la générosité, à l’acceptation, à l’abandon infini.
L’embarras est ennemi du plaisir érotique.
C’est notre éternel conflit : qu’est-ce qu’on donne à autrui, et qu’est-ce qu’on garde pour soi ? Cet exercice de corde raide, les limites qu’on impose aux autres et celles que les autres vous imposent constituent ce qu’on nomme la morale.
... le passage des ans nous endurcit en nous révélant à nous-mêmes ...
En général nous sommes bons quand cela a un sens. Une société est bonne quand elle donne un sens au fait d’être bons.
Je n’ai jamais résisté à cette douce fierté d’être accepté que peuvent vous procurer les enfants en vous prenant la main.
J’ai songé que le cerveau était un organe d’une sensibilité si délicate qu’il ne pouvait même pas feindre un changement de son état affectif sans modifier le branchement d’innombrables circuits du subconscient.
... on pouvait supposer que la religion assurait un statut, surtout à la caste des prêtres — toutes sortes d’avantages sociaux de ce côté-là. Qu’elle apportait la consolation, de l’énergie face à l’adversIté, une chance de survivre au désastre qui aurait écrasé un impie. Que les croyants y puisaient la ténacité, la force brute de la conviction.
Il existe des réflexes affectifs qui échappent à toute censure de la raison et qui nous forcent à jouer notre rôle, si superficiellement que ce soit ...
Pour me calmer, j’ai eu recours à ce dispensaire quotidien de souffrance effleurée, le journal télévisé. Ce soir, un charnier dans une forêt de Bosnie, le nid d’amour d’un ministre atteint d’un cancer, la deuxième journée d’un procès pour meurtre. Ce qui m’apaisait, c’était l’aspect routinier: le rythme sourd de la musique, le ton policé et insistant du présentateur, l’évidence que tout malheur est relatif, et l’opium final de la météo.