La semaine de trois jours était déjà bien entrée dans son deuxième mois. Il faisait trop froid, trop sombre, et nous étions trop demoralisés pour réfléchir clairement à la nécessité de répondre de ses actes en démocratie.
Dans les périodes difficiles, il est parfois judicieux de se demander ce que l'on a le plus envie de faire et de chercher les moyens d'atteindre ce but. Si cela se révèle impossible, on passe au choix suivant.
Seul l'équilibre de la terreur peut garantir la paix.
Quelle oeuvre célèbre commence par une phrase aussi lapidaire ? Le jour de son arrivée, le thermomètre atteignit trente-deux degrés centigrades. Percutant, non ? Vous ne reconnaissez pas ? Je provoquai l'hilarité de mes amies de Newnham qui étudiaient la littérature anglaise quand je leur affirmai que La vallée des poupées valait bien n'importe quel roman de Jane Austen. Elles s'esclaffèrent, et se payèrent ma tête pendant des mois. Or elles n'avaient jamais lu une ligne des oeuvres de Jacqueline Susann. Mais quelle importance ? Qui s'intéressait à l'avis incompétent d'une mathématicienne ratée ? Pas moi ni mes amies. A cet égard, au moins, j'étais libre.
L'évocation de mes habitudes de lecture durant mes années de licence n'est pas une digression. Je dois à ces livres ma carrière dans le renseignement.
D'après lui, il n'était pas si rare, pour un service de renseignements, de promouvoir la culture et de soutenir les intellectuels qui le méritaient. Les Russes le faisaient bien, alors pourquoi pas nous ? C'était la version douce de la guerre froide.
Par-dessus le fracas iambique du train (et qui donc m'avait appris ce mot ?) j'entendais Tom déclamer son propre texte.
Il jubilait à la perspective d'apporter dans une nouvelle le paradoxe du choix pondéré.
J'expliquais que je n'aimais pas les tours de passe-passe, que je préférais voir la vie telle que je la connaissais recréée sur la page. Il rétorqua qu'il était impossible de recréer la vie sur la page sans tours de passe-passe.
Le Royaume-Uni avait succombé à l'akasia - en grec, la tendance à agir en dépit du bon sens, me rappela Tony. (Je n'avais donc pas lu le Protagoras de Platon ?) Un terme utile. Je le stocke dans ma mémoire.
J'appris que, depuis le XVIe siècle, la politique anglaise, puis britannique, en Europe, se fondait sur une recherche de l'équilibre des pouvoirs.