13 Heures

Le dégoût ça oui, il l'avait accompagné toute sa vie. Il était incapable d'expliquer pourquoi il ressentait sans cesse un tel dégoût envers toute chose, et, par-dessus tout, envers lui-même.

Elle avait enlevé la bretelle droite puis la gauche, s'était tortillée pour entrer dans la cavité et avait tiré le sac derrière elle. Trois d'entre eux avaient franchi d'un bond le lit asséché de la rivière, à trois mètres de là, agiles, athlétiques et silencieux. Elle avait retenu son souffle brûlant en regardant le sang dégouliner de son menton sur les pierres. Elle était restée totalement immobile et avait fermé les yeux, comme si cela allait la rendre invisible.

- Ces gens-là sont donc des monstres ?, demanda John Afrika.
- C’est la question que j’ai posée à Duncan Blake, reprit Griessel. Et il m’a répondu que l’Afrique lui avait pris tout ce qu’il avait, tous ses rêves, et qu’elle luk avait brisé le cœur. Pourquoi ne pas lui faire la même chose ?

C'était comme un pressentiment. Comme si la journée apportait le mal avec elle.

La carcasse de Griessel avait toujours été trop petite pour contenir toute son énergie, de sorte que parfois, on avait l'impression qu'elle vibrait, comme traversée par des ondes de choc passionnées, tel un tsunami. ....
.... Griessel, balloté de l'un à l'autre toute la matinée, essayait de venir à bout du puzzle. Quand il y serait parvenu, ça ferait des étincelles. Benny avait l'esprit d'un enquêteur, toujours plus rapide et plus créatif que le sien. Joubert avait toujours été lent, méthodique et organisé, mais Griessel fonctionnait à l'instinct, il avait un flair inné, il était l'étincelant demi d'ouverture, tandis que Joubert n'était qu'un laborieux avant.

Benny Griessel n'était pas doué pour rester assis à attendre....
.... Où pouvait-elle être ?
Il se dirigea vers sa voiture, l'ouvrit, sortit les Chesterfield de la boîte à gants, referma la portière et resta debout sur le trottoir, le paquet de cigarettes à la main.
Qu'est-ce qui lui échappait ?
Aurait-il raté quelque chose dans la confusion de la matinée ? Il connaissait bien cette sensation. Le jour où le crime avait lieu, les informations étaient si nombreuses qu'on en avait plein la tête et les morceaux du puzzle étaient déconnectés et s'éliminaient les uns les autres. Il fallait du temps, une nuit de sommeil parfois, pour que le subconscient trie et classe tout ça, comme une secrétaire un peu lente qui travaillerait à son propre rythme. Il prit une cigarette et la porta à ses lèves.
Il manquait quelque chose....

C'était l' âge d'or de l' apartheid et les gens ne voulaient pas penser, ils voulaient juste fredonner des chansons.

…il avait été le bienvenu là-bas. Il était celui qui faisait régner la loi et l’ordre. Les gens simples, les gens de son peuple, le respectaient, l’aidaient ,le soutenaient.Quatre-vingt-dix pour cent des affaires ne présentaient aucune difficulté.
Dans cette ville ,les possibilités étaient légion et complexes, les ordres du jour impénétrables.Tout n’était que suspicion et hostilité . Comme s’il était une sorte d’intrus.

Capitaine, je ne sais pas comment faire ça. Je ne sais pas comment on remercie un homme qui vient de sauver la vie de son enfant. Je ne sais pas comment on remercie un homme qui a accepté de mettre sa vie en danger, qui a accepté de se faire tirer dessus pour sauver la fille de quelqu'un qu'il n'a jamais rencontré. Je n'ai pas appris à faire ça. Mais ma femme et moi tenons à vous remercier. Nous avons une dette envers vous que nous ne pourrons jamais honorer.

Des livres. Comme chez ses parents. Elle était forcément en sécurité avec quelqu'un qui aimait les livres.