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Citations sur L'Espace du dedans (87)

Un jour.
Un jour, bientôt peut-être.
Un jour j’arracherai l’ancre qui tient mon navire loin des mers.
Avec la sorte de courage qu’il faut pour être rien et rien que rien, je lâcherai ce qui paraissait m’être indissolublement proche.
Je le trancherai, je le renverserai, je le romprai, je le ferai dégringoler.
D’un coup dégorgeant ma misérable pudeur, mes misérables combinaisons et enchaînement « de fil en aiguille....
Vidé de l’abcès d’être quelqu’un, je boirai à nouveau l’espace nourricier.
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anaris est une souffrance atroce.mais ce qui me faisait souffrir le plus, c'était que je ne pouvais crier. Car j'étais à l'hôtel.La nuit venait de tomber et ma chambre était prise entre deux autres où l'on dormait.
Alors, je me mis à sortir de mon crâne des grosses caisses, des cuivres, et un instrument qui résonnait plus que des orgues.Et profitant de la force prodigieuse que me donnait la fièvre, j'en fis un orchestre assourdissant.Tout tremblait de vibrations.
Alors, enfin assuré que dans ce tumulte ma voix ne serait pas entendue, je me suis mis à hurler, à hurler pendant des heures, et parvins à me soulager petit à petit.
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MES PROPRIÉTÉS


ENCORE DES CHANGEMENTS

Je regrettais de n'être plus boa ou bison. Peu après il fallait me rétrécir jusqu'à tenir dans une soucoupe. C'était toujours des changements brusques, tout était à refaire, et ça n'en valait pas la peine, ça n'allait durer que quelques instants et pourtant il fallait bien s'adapter, et toujours ces changements brusques. Ce n'est pas un si grand mal de passer de rhomboèdre à pyramide tronquée, mais c'est un grand mal de passer de pyramide tronquée à baleine; il faut tout de suite savoir plonger, respirer et puis l'eau est froide et puis se trouver face à face avec les harponneurs, mais moi, dès que je voyais l'homme, je m'enfuyais. Mais il arrivait que subitement je fusse changé en harponneur, alors j'avais un chemin d'autant plus grand à parcourir. J'arrivais enfin à rattraper la baleine, je lançais vivement un harpon par l'avant, bien aiguisé et solide (après avoir fait amarrer et vérifier le câble), le harpon partait, entrait profondément dans la chair, faisant une blessure énorme. Je m'apercevais alors que j'étais la baleine, je l'étais redevenue, c'était une nouvelle occasion de souffrir, et moi je ne peux me faire à la souffrance.

p.49
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LOINTAIN INTERIEUR
LA RALENTIE

Ralentie, on tâte le pouls des choses; on y ronfle; on a tout le temps; tranquillement, toute la vie. On gobe les sons, on les gobe tranquillement, toute la vie. On vit dans son soulier. On y fait le ménage. On n'a plus besoin de se serrer. On a tout le temps. On déguste. On rit dans son poing. On ne croit plus qu'on sait. On n'a plus besoin de compter. On est heureuse en buvant; on est heureuse en ne buvant pas. On fait la perle. On est, on a le temps. On est la ralentie. On est sortie des courant d'air. On a le sourire du sabot. On n'est plus fatiguée. On n'est plus touchée. On a des genoux au bout des pieds. On n'a plus honte sous la cloche. On a vendu ses monts. On a posé son œuf, on a posé ses nerfs.
Quelqu'un dit. Quelqu'un n'est plus fatigué. Quelqu'un n'écoute plus. Quelqu'un n'a plus besoin d'aide. Quelqu'un n'est plus tendu. Quelqu'un n'attend plus. L'un crie. L'autre obstacle. Quelqu'un roule, dort, coud, est-ce toi Lorellou?

Ne peut plus, n'a plus part à rien, quelqu'un.

Quelque chose contraint quelqu'un.

Soleil, ou lune, ou forêts, ou bien troupeaux, foules ou villes, quelqu'un n'aime pas ses compagnons de voyages. N'a pas choisi, ne reconnaît pas, ne goûte pas.

Princesse de marée basse a rendu ses griffes; n'a plus le courage de comprendre; n'a plus le cœur à avoir raison.

… Ne résiste plus. Les poutres tremblent et c'est vous. Le ciel est noir et c'est vous. Le verre casse et c'est vous.

On a perdu le secret des hommes.

Ils jouent la pièce en « étranger ». Un page dit « Beh » et un mouton lui présente un plateau. Fatigue! Fatigue! Froid partout!

p.216-217









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Clown

Un jour.
Un jour, bientôt peut-être.
Un jour j’arracherai l’ancre qui tient mon navire loin des mers.
Avec la sorte de courage qu’il faut pour être rien et rien que rien, je lâcherai ce qui paraissait m’être indissolublement proche.
Je le trancherai, je le renverserai, je le romprai, je le ferai dégringoler.
D’un coup dégorgeant ma misérable pudeur, mes misérables combinaisons et enchaînement « de fil en aiguille ».
Vidé de l’abcès d’être quelqu’un, je boirai à nouveau l’espace nourricier.
A coup de ridicules, de déchéances (qu’est-ce que la déchéance ?), par éclatement, par vide, par une totale dissipation-dérision-purgation, j’expulserai de moi la forme qu’on croyait si bien attachée, composée, coordonnée, assortie à mon entourage et à mes semblables, si dignes, si dignes, mes semblables.
Réduit à une humilité de catastrophe, à un nivellement parfait comme après une intense trouille.
Ramené au-dessous de toute mesure à mon rang réel, au rang infime que je ne sais quelle idée-ambition m’avait fait déserter.
Anéanti quant à la hauteur, quant à l’estime.
Perdu en un endroit lointain (ou même pas), sans nom, sans identité.

clown, abattant dans la risée, dans le grotesque, dans l’esclaffement, le sens que contre toute lumière je m’étais fait de mon importance.
Je plongerai.
Sans bourse dans l’infini-esprit sous-jacent ouvert
à tous
ouvert à moi-même à une nouvelle et incroyable rosée
à force d’être nul
et ras…
et risible…



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MOUVEMENTS


Signes
non de toit, de tunique ou de palais
non d’archives et de dictionnaire du savoir
mais de torsion, de violence, de bousculement
mais d’envie cinétique

Signes de la débandade, de la poursuite et de l’emportement
des poussées antagonistes, aberrantes, dissymétriques
signes non critiques, mais déviation avec la déviation et course
avec la course
signes non pour une zoologie
mais pour la figure des démons effrénés
accompagnateurs de nos actes et contradicteurs de notre retenue

Signes des dix mille façons d’être en équilibre dans ce monde
mouvant qui se rit de l’adaptation
Signes surtout pour retirer son être du piège de la langue des autres
faite pour gagner contre vous, comme une roulette bien réglée
qui ne vous laisse que quelques coups heureux
et la ruine et la défaite pour finir
qui y étaient inscrites
pour vous, comme pour tous, à l’avance…

p.329
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MES PROPRIÉTÉS (1929)

CATAFALQUES


Dans cette région se trouvait encore quantité de petits animaux au corps de ouate. Vous marchez dessus et ils se retrouvent entiers, mais un os situé presque au tiers de l'échine (partant de la queue), si celui-là est touché, un os pas bien gros, mais celui-là broyé, l'animal tombe comme un paquet et quand on ouvre cet os on n'y trouve qu'une pâte pas bien spéciale.

Un autre animal avec une échine de catafalque, crucifiée de jaune, plus gros qu'un bœuf. L'approche-t-on, il vous envoie une de ces volées de sabots, une de ces ruades, faisant face de tous côtés, tournant sur son train de derrière comme sur un pas de vis. L'ennemi une fois hors de combat, mais pas avant, et il resterait quarante-huit heures s'il le faut, il reprend son pas d'automate, la conduite de son enterrement de 1re classe. Si nette est l'impression que, quand on les voit en groupe, père catafalque, et les enfants catafalques, on s'attendrit devant cette apparente nouveauté de la mort, procédant maintenant par familles.

p.68
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QUI JE FUS (1927)
L'ÉPOQUE DES ILLUMINÉS.

…La vie est courte, mes petits agneaux.
Elle est encore beaucoup trop longue, mes petits agneaux.
Vous en serez embarrassés, mes très petits.
On vous en débarrassera, mes trop petits.
On n’est pas tous nés pour être prophètes
Mais beaucoup sont nés pour être tondus.
On n’est pas tous nés pour ouvrir les fenêtres
Mais beaucoup sont nés pour être asphyxiés.
On n’est pas tous nés pour voir clair
Mais beaucoup sont nés pour être dupes.
On n’est pas tous nés pour être civils
Mais beaucoup sont nés pour avoir les épaules rentrées… et cætera, celui qui ne sait pas sa catégorie la verra bien dans l’avenir, il y entrera comme un poisson dans l’eau. Il n’y aura pas vingt choix. On ne sortira ni les cartes de visite, ni sa boite à titres. On se rangera avec célérité dans son groupe qui piétine d’impatience.
Malheur à celui qui se décidera trop tard.
Malheur à celui qui voudra prévenir sa femme.
Malheur à celui qui ira aux provisions.
Il faudra être équipé à la minute, être rempli aussitôt de sang frais, prendre sa besace sur la route et ne pas saigner des pieds.
Il y aura des agences de renseignements, d’explications, de bavardages. Vous marcherez, les oreilles bouchées sauf à votre fin qui est d’aller et d’aller et vous le ne le regretterez pas ― je parle pour celui qui ira le plus loin et c’est toujours la corde raide, de plus en plus fine, plus fine, plus fine. Qui se retourne, se casse les os et tombe dans le Passé. Celui qui regretterait, aurait, s’il n’avait pas marché, regretté bien davantage….

p.17-18

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PAIX DANS LES BRISEMENTS (1959)

l’espace a toussé sur moi
et voilà que je ne suis plus
les cieux roulent des yeux
des yeux qui ne disent rien
et ne savent pas grand-chose

de mille écrasements écrasé
allongé à l’infini
témoin d’infini
infini tout de même
mis à l’infini

patrie qui se propose
qui n’emploie pas mes deux mains
mais me broie mille mains
que je reconnais et pourtant ne connaissais
qui m’embrasse et par brassage
à moi me soustrait, m’ouvre et m’assimile

à l’essaim je retourne
des milliers d’ailes d’hirondelles tremblent sur ma vie

prisme
dans le prisme je me pose, j’ai séjour
temps de la solennité

je reçois les ondes qui donnent indifférence
impure et précaire la petite vie s’éloigne de la Vie
poussée des fantômes contre moi

sillon
la forme fendue d’un être immense
m’accompagne et m’est sœur
j’écoute les milliers de feuilles

p.363-364
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LECTURE *
(1950)

I
Lentement
de l'autre côté
lentement voguent les poissons
croiseurs de la méditation de la faim

Ceux de l'obstacle de l'air regardent
étrangers
ceux de l'obstacle de l'eau

Que d'amitiés se perdent par ce qu'on n'a pas de branchies!

Le rêve de vie complète
muette
s'accomplit dans les gouttes
sphères
repoussant des sphères

Dans l'espace sans coude
avec des airs de grave préséance observée
modelant et remodelant leur forme
comme une vertu
sous la douce pression des invisibles fuseaux aqueux
les placides impéralisent

Il existe encore des souverains!

Souverains? De leur longue ligne latérale auditive
sans cesse il leur faut écouter sans cesse
les signes atténués qui leur viennent du dehors

Une ombre dans le poudroiement les assombrit
la belle demeure d'eau est cernée.

p.319-320
* D'une lithographie de Zao-Wou-Ki.
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