Les épisodes de
Daredevil de
Frank Miller et
Klaus Janson (et un petit plus) ont été réédités dans (1)
Daredevil 1 ("Peter Parker, the spectacular Spider-Man" 27 & 28, "
Daredevil" 158 à 161 et 163 à 172), (2) le présent tome, et (3)
Daredevil 3 (épisodes 185 à 191 et 219, le récit "
Daredevil : Love & War" illustré par Bill Sienckiwicz, et "What If ?" 28 par
Frank Miller &
Mike W. Barr). Ce tome contient les épisodes 173 à 184 de la série, parus en 1981/1982.
Épisode 173 - Un tueur en série rôde et il s'agit peut être de Melvin Potter (Gladiator). Becky Blake est terrorisée. Épisodes 174 à 182 - Matt Murdock est la cible d'un contrat. Elektra s'interpose et devient par ailleurs l'assassin en titre du Kingpin (Wilson Fisk), ce que Bullseye (l'ancien assassin en titre) pend comme une insulte personnelle. Elle s'attire également les foudres de Kirigi, un ninja surnaturel.
Daredevil a perdu son sens radar et il va se ressourcer auprès de Stick, le mentor qui lui a appris à s'en servir. Turk & Grotto sont toujours aussi incapables comme hommes de main. Wilson Fisk parraine Randolph Winston Cherryh, l'un des candidats à l'élection de maire de New York sur lequel Ben Urich enquête (à ses risques et périls). Vanessa Fisk est toujours portée disparue. Heather Glenn se lasse des absences de Matt Murdock. Épisodes 183 & 184 -
Daredevil se retrouve à assister au décès d'une adolescente par overdose de PCP (angel dust). Son enquête le met sur la route du Punisher (Frank Castle) qui a sa propre vision de la justice, du genre expéditive.
Difficile de porter un regard impartial sur ces épisodes qui ont redéfinis le personnage de
Daredevil pendant plusieurs décennies. Ce tome se termine sur une interview de 15 pages, de
Frank Miller et
Klaus Janson, menée par
Peter Sanderson. Ils discutent de manière plus ou moins construite sur l'approche du duo de créateurs vis-à-vis du personnage. Miller (scénario et dessins) et Janson (finitions et encrage, et une partie de la mise en couleurs) expliquent que pour eux
Daredevil est un des premiers personnages de Marvel à avoir dépassé le stade adolescent, à avoir dépassé sont traumatisme d'origine (la cécité et le meurtre de son père) et à pouvoir se conduire comme un adulte. Ils explicitent ce qu'ils estiment être le moteur des actions de Murdock et qu'ils jouent (à la fois pour le scénario et pour les illustrations) sur la dualité Murdock/
Daredevil et ange/démon.
De fait
Frank Miller apporte des changements brutaux et radicaux pour l'époque : il exclue les supercriminels exotiques, il augmente l'importance de la ville de New York en mettant en avant ses buildings, il accapare le Kingpin (un ennemi piqué dans la série de Spider-Man), il transforme la série en un polar urbain noir... et il ajoute des ninjas (en importation directe du Japon). Dans ces épisodes, il confronte
Daredevil à la perte de son sens radar et au retour d'un de ses premiers amours. Il développe l'origine de
Daredevil avec l'ajout de Stick pour consolider la légitimité des ninjas. Et il utilise le Punisher comme révélateur des valeurs de Matt Murdock, lors de l'enquête sur les dealers.
D'un point de vue narratif, il limite l'utilisation des bulles de pensée au strict minimum (il en subsiste encore quelques unes) et il continue de développer une mise en page très rigoureuse à base de cases rectangulaires. le lecteur retrouve de plus en plus sa manière unique de commencer une page par une case verticale de la hauteur de la page (installant le lieu de l'action, souvent un building, ou un personnage en pied tel que Murdock en train de plaider ou
Daredevil courant sur une corniche), à coté de laquelle plusieurs cases superposées décrivent l'action. Il utilise également régulièrement des cases de la largeur de la page simplement superposées, en occupant toute la largeur de la case (pas une simple tête en gros plan au milieu). Plus que d'autres dessinateurs de son époque, il prend soin de chorégraphier les combats. Enfin il augmente ou diminue le nombre de cases en fonction du rythme qu'il souhaite donner, et de la gestion du passage du temps entre 2 cases (1 fraction de seconde, ou plusieurs minutes).
De son coté,
Klaus Janson a trouvé le bon style pour compléter les crayonnés de
Frank Miller. En détaillant les dessins, le lecteur constate en surface qu'il n'y a pas de volonté de faire joli. L'encrage repose parfois sur des pâtés informés, ou au contraire sur une juxtaposition de traits fins et de traits gras qui jurent un peu côte à côte. Les formes et les ressemblances sont respectées (l'interview finale indiquent que Miller et Janson travaillaient avec des références photographiques pour les personnages, par exemple Robert Redford pour Matt Murdock). Mais l'encrage révèle un important travail pour augmenter l'impression donnée par le dessin plutôt que l'exactitude photographique ; cela se voit particulièrement pour les yeux souvent réduits à 2 traits noirs et gras. C'est flagrant lors de la séquence dans les égouts où les visages marqués par les infections purulentes jouent sur la difformité et non sur la description clinique.
À eux deux, ils créent visuel mémorable, sur image inoubliable à chaque épisode. Si vous rouvrez ces épisodes des années plus tard, vous constatez que vous souvenez encore d'Elektra dans une posture de yoga (épisode 175), de
Daredevil tirant à l'arc (épisode 178), du saï d'Elektra transperçant l'indicateur de Ben Urich dans une salle de cinéma (épisode 179), de Bullseye faisant des anneaux (épisode 181), de Frank Castle s'essuyant après la douche (épisode 182), etc.
Bien sûr tout n'est pas parfait : il y a les répétitions incessantes des pouvoirs de
Daredevil dans chaque épisode pour que chaque nouveau lecteur puisse s'y retrouver, il y a des accélérations déconcertantes dans le scénario (la demande en mariage sortant de nulle part dans l'épisode 183). Mais
Frank Miller et
Klaus Janson tiennent leur pari de sortir Matt Murdock de l'adolescence pour faire de lui un adulte avec des motivations d'adulte, des choix difficiles, des valeurs morales bien définies, le tout en conservant les éléments superhéroïques et l'action spectaculaire.