Cinéma Intégral est un roman d'anticipation dans lequel on retrouvera des thèmes chers à la SF qui raviront sans nul doute les amateurs du genre tout en captivant également les lecteurs un peu plus profanes.
L'histoire pourrait se lire comme une dystopie malgré le fait que ses héros et plus largement les membres de cette nouvelle société du XXIIe siècle apparaissent comme étant heureux et satisfaits de leur quotidien.
L'intrigue débute d'emblée sur l'agression nocturne sauvage dont est victime Timéo, par un marginal appartenant à un groupe d'opposants à l'ordre établi (les Tramps). En cherchant à découvrir le motif de cette tentative d'assassinat, Timéo va s'allier la surprenante Jade et se lancer en compagnie de son ami et collègue Allan à travers une enquête qui va rapidement donner lieu à de multiples ramifications inattendues et faire planer le doute sur l'implication de plus hautes instances.
J'ai trouvé le portrait de Timéo attachant avec son anxiété, sa détermination et aussi sa prédilection pour les « vieux » films de SF appartenant au siècle précédent, son petit côté geek qui met en relief ses compétences d'informaticien surdoué et hacker à ses heures.
Ce que j'ai d'abord vivement apprécié, c'est le soin à la fois méticuleux et enthousiaste que l'auteur a mis à créer une ambiance futuriste très réussie. L'écriture fluide en alternance avec quelques passages plus denses permet de se plonger rapidement et avec aisance dans le récit. J'ai progressé avec plaisir et curiosité au sein de l'univers imaginatif et inventif de
Frédéric Mirabel-Chambaud.
Forcément, les innovations technologiques ont la part belle dans
Cinéma Intégral, et outre les parallèles savants entres les objets interactifs d'hier, d'aujourd'hui et de demain, la question de l'évolution des relations interhumaines est également amplement et efficacement abordée.
L'accent est donc notamment mis sur une évolution des moeurs (j'ai eu une petite pensée pour le fabuleux
1984 de
George Orwell et son traitement des sentiments amoureux et même celui de la conception du plaisir de la relation charnelle (mais oups je n'en dis pas trop) ).
Au final,
Cinéma Intégral nous fait naviguer à travers un récit en plusieurs dimensions, nous fait voyager entre passé et présent et nous invite parfois opportunément à une pause salvatrice, qui incite à la contemplation de la simplicité de la beauté de la nature qui nous entoure et à laquelle nous ne sommes plus que rarement sensibles, au coeur de ces désordres écologiques actuels.
C'est une lecture galvanisante susceptible d'entraîner certains questionnements : dans un tel contexte, de quel côté, dans quel camp vous situeriez-vous ? Dans la zone de confort ou dans le clan des détracteurs ? Accepteriez-vous le confort de cette surveillance constante et en apparence bienveillante de la part de ceux qui vous gouvernent, cet objectif illusoire de plénitude optimale du corps et de la pensée, sans plus aucune frustration ni prise de risque ?
Ou vous risqueriez-vous à revendiquer une liberté hypothétique, à contre-courant d'une dictature de la pensée, qui donnerait lieu à un combat âpre et peut-être perdu d'avance, dans le seul but de vous sentir encore "humain" ?
Cette note plus grave : peut-être est-il déjà trop tard pour sauver nos consciences ? nous ferait presque perdre de vue l'attrait divertissant et très agréable à lire de ce roman aux multiples facettes, ponctué de petites notes d'humour qui nous font sourire tout le long.
Et j'allais oublier ce bonus non négligeable : un parfum d'Urbex plane à travers l'exploration de quelques lieux en désuétude, octroyant une ambiance délicieusement kitch à travers la description des investigations de Timéo et de ses compagnons.
La seconde partie réserve une surprise de taille que je laisse le soin de découvrir aux futurs lecteurs.
Cinéma Intégral est une oeuvre qu'il ne faut pas se priver de découvrir pour son côté visionnaire et son autre versant empli d'humanité.