Cet ouvrage est un récit illustré et non un manga, le seul que Myazaki ait édité (appelé un emonogatari au Japon), ses autres oeuvres existant sous forme de manga. J'ai adoré le format avec ces dessins à l'aquarelle qui donnent une ambiance douce, lumineuse ou sombre et qui nous laisse plonger dans le récit, qui est lui dépouillé et sans dialogues.
Les populations sont devenues étrangères à la nature, dans un monde corrompu et détruit par la cupidité. Un monde devenu stérile avec des populations éparses et petites qui déploient leur ingéniosité pour survivre et d'autres, regroupées et denses qui vivent de l'exploitation d'autres hommes.
On voit les germes des personnages, des décors et des thèmes qui fleuriront dans les différentes créations de Myazaki, ceux dont l'esthétique est la plus proche restant Nausicaä de la vallée du vent (créé au même moment que
le voyage de Shuna), par ses décors, les dessins de la forêt foisonnante et intouchée et la
princesse Mononoké, avec ce prince partant pour l'ouest, monté sur un yakuru et aspirant à trouver une terre peuplé d'esprits divins. On retrouve aussi cette notion d'ancienne civilisation puissante et disparue comme dans
le château dans le ciel et dans Nausicaä, avec en particulier ces géants de pierre fossilisés.
On retrouve ce qui fait l'intérêt des héros de Miyazaki : ils sont acteurs de leur propre destin, que ce soit les filles ou les garçons et leur but est de trouver / restaurer une harmonie à l'intérieur de leur communauté et avec le monde qui les entoure. Par exemple, Théa et sa soeur sont les seules esclaves qui acceptent d'être libérées, les autres ayant trop peur des chasseurs. le seul bonheur possible se trouve dans une reconnection à la terre et dans la solidarité de la communauté face aux challenges de la vie.
Une large part est laissée à l'imagination et est non expliquée (un peu trop à mon goût, ça laisse un petit goût d'inachevé, même si cet onirisme fait aussi partie intégrante de l'intérêt des oeuvres de Miyazaki): qui sont les êtres divins, la soucoupe volante, les géants verts ? Que se passe-t-il quand il vole le blé ? Par quelle malédiction est-il poursuivi? Qui sont les goules rencontrées au départ?
Le livre est par ailleurs magnifique, avec une belle couverture cartonnée, du papier grain et cette odeur que j'adore quand on l'ouvre. Il rend hommage aux merveilleuses aquarelles de Miyazaki, à son univers animiste et aux esprits qui peuplent son oeuvre, estompant la frontière entre le réel et le surnaturel.