Chrysalde
(...)
Quoi qu'on en puisse dire, enfin, le cocuage
Sous des traits moins affreux aisément s'envisage;
Et, comme, je vous dis, toute l'habileté
Ne va qu'à le savoir tourner du bon côté.
Arnolphe
Après ce beau discours, toute la confrérie
Doit un remerciement à Votre Seigneurie;
Et quiconque voudra vous entendre parler
Montrera de la joie à s'y voir enrôler.
Chrysalde
Je ne dis pas cela, car c'est ce que je blâme;
Mais, comme c'est le sort qui nous donne une femme,
Je dis que l'on doit faire ainsi qu'au jeu de dés,
Où, s'il ne vous vient pas ce que vous demandez,
Il faut jouer d'adresse, et, d'une âme réduite
Corriger le hasard par la bonne conduite.
Arnolphe
C'est-à-dire dormir et manger toujours bien,
Et se persuader que tout cela n'est rien.
Chrysalde
Vous pensez vous moquer; mais à ne vous rien feindre,
Dans le monde je vois cent chose plus à craindre,
Et dont je me ferais un bien plus grand malheur
Que cet accident qui vous fait tant de peur. (...)
Arnolphe : Ne vous a-t-il point pris, Agnès, quelque autre chose ?
La voyant interdite.
Ouf !
Agnès : Hé ! Il m'a...
Arnolphe : Quoi ?
Agnès : Pris...
Arnolphe : Euh !
Agnès : Le...
Arnolphe : Plaît-il ?
Acte II SCÈNE V
Si n'être point cocu vous semble un si grand bien, Ne vous point marier en est le vrai moyen.
Et sił faut qu'avec elle on joue au corbillon,
Et qu'on vienne à lui dire à son tour : "Qu'y met-on ?"
Je veux qu'elle réponde : "Une tarte à la crème" ;
En un mot, qu'elle soit d'une ignorance extrême.
Oui; mais qui rit d'autrui
Doit craindre qu'en revanche on rie aussi de lui.
Qui rit d'autrui
Doit craindre qu'en revanche on rie aussi de lui.
Chrysalde :
- Si n'être point cocu vous semble un si grand bien,
Ne vous point marier en est le vrai moyen.
La femme est en effet le potage de l'homme
Et quand un homme voit d'autres hommes parfois
Qui veulent dans sa soupe tremper leurs doigts,
Il en montre aussitôt une colère extrême.
Le mariage, Agnès, n'est pas un badinage.
A d'austères devoirs le rang de femme engage,
Et vous n'y montez pas, à ce que je prétends,
Pour être libertine et prendre du bon temps.
Votre sexe n'est là que pour la dépendance :
Du côté de la barbe est la toute-puissance.
Bien qu'on soit deux moitiés de la société,
Ces deux moitiés pourtant n'ont point d'égalité :
L'une est moitié suprême, et l'autre subalterne;
L'une en tout est soumise à l'autre, qui gouverne;
Et ce que le soldat, dans son devoir instruit,
Montre d'obéissance au chef qui le conduit,
Le valet à son maître, un enfant à son père,
A son supérieur le moindre petit frère,
N'approche point encor de la docilité,
Et de l'obéissance, et de l'humilité,
Et du profond respect, où la femme doit être
Pour son mari, son chef, son seigneur et son maître.
Lorsqu'il jette sur elle un regard sérieux,
Son devoir aussitôt est de baisser les yeux,
Et de n'oser jamais le regarder en face
Que quand d'un doux regard il lui veut faire grâce.
Chrysalde
Vous venez, dites-vous, pour lui donner la main?
Arnolphe
Oui, je veux terminer la chose dans demain.
Chrysalde
Nous sommes ici seuls, et l'on peut, ce me semble,
Sans crainte d'être ouïs, y discourir ensemble.
Voulez-vous qu'en ami je vous ouvre mon coeur?
Votre dessein pour vous me fait trembler de peur;
Et, de quelque façon que vous tourniez l'affaire,
Prendre femme est à vous un coup bien téméraire.
Arnolphe
Il est vrai, notre ami, peut-être que chez vous
Vous trouvez des sujets de crainte pour chez nous;
Et votre front, je crois, veut que du mariage
Les cornes soient partout l'infaillible apanage.