Addi Bâ est un jeune guinéen soldat de l'armée française, l'un de ces "tirailleurs sénégalais". Fait prisonnier par l'armée allemande lors de la bataille de la Meuse il s'évade et rejoint les forêts des Vosges où il erre et se cache..Il n'est pas l'un de ces coloniaux arrivés en France depuis leur Afrique natale à la veille de la guerre. Il a été adopté à l'âge de treize ans par un percepteur des impôts qui officiait à Conakry.... Parce qu'il était noir il fut affecté à l'un des régiments de chair à canon, les tirailleurs sénégalais...Dans l'armée française, on ne mélangeait pas les couleurs, à cette époque. "Sitôt la guerre terminée, on les jette comme des Kleenex usagés, [...] Plus personne de pense à eux après! [....] avec un coup de pied au cul, les poumons en sang et les jambes en moins ; abrutis, sous-gradés, absents des citations et des monuments aux morts, et avec ça, un pécule inférieur de dix fois à celui de leurs collègues blancs."
Retrouvé par hasard par les habitants, qui voient pour la première fois un "nègre", il parviendra à créer un réseau de résistance, le maquis "Délivrance" qui compta plus de cent cinquante combattants. Son arrivée au village bouleversera les habitudes des habitants de Romaincourt qui le recueillirent, et le logèrent.
Arrêté sur dénonciation, semble t-il, le "Terroriste noir", comme le surnommaient les allemands, sera fusillé par l'armée nazie et décoré à titre posthume par le gouvernement français, mais seulement soixante ans plus tard.
A partir d'une histoire vraie,
Tierno Monénembo construit un roman surprenant et parfois un peu déroutant : une vieille femme raconte la vie de cet homme, la vie du village en 1943 au neveu d'Addi Bâ venu d'Afrique recevoir la médaille remise au résistant fusillé.
Une narration qui reprend des bribes de vie, racontées au hasard, pas toujours chronologiques, un souvenir en appelant un autre. A nous lecteurs de reconstituer l'histoire. Addi Bâ a réussi à se faire adopter par le village, malgré sa religion, il était musulman, ne mangeait pas ce cochonnaille, ne buvait pas la gnôle de mirabelle...Il brodait avec les femmes dont il savait se faire désirer et aimer...Il courrait la campagne dans son uniforme, disparaissait pendant plusieurs jours sur son vélo. le curé ne l'aimait pas. Il mena cette vie pendant trois ans, au nez et à la barbe de l'armée allemande, allant recruter des jeunes hommes dans les Chantiers de Jeunesse mis en place par Pétain.
Il fit l'admiration de tous et même une gamine la "Pinéguette", persuadée d'être sa fille, fit tout afin que le gouvernement français reconnaisse les mérites de ce brave.
Livre surprenant, car il nous replonge dans ce racisme de la nation française, qui n'avait rien à envier à la nation allemande...toutes deux avaient leurs sous-hommes, certes à des degrés divers. Surprenant et attachant, car il nous révèle un fait historique méconnu : la création d'un maquis par un noir, un nègre,comme on disait à l'époque, et ceci au coeur d'une région rurale, et traditionnelle et nous faisant partager l'atmosphère de l'époque, ses restrictions, ses secrets, ces jalousies et haines villageoises . Surprenant et révoltant surtout, parce qu'il faudra attendre soixante ans avant que les mérites de cet homme soient reconnus et récompensés par l'État français..
Une belle découverte
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