Ce livre raconte l'histoire, romancée, d'Adi Ba, tirailleur sénégalais fait prisonnier en 1940, qui s'échappa, passa la guerre dans les Vosges à Romaincourt (Mirecourt en vérité) et aida à la création du maquis de la Délivrance.
Tierno Monénembo a décidément un grand talent de conteur et on se laisse facilement entraîner par le rythme, la langue et l'humour. L'histoire est racontée, comme à une veillée, par « la Germaine », jeune femme de Romaincourt dont la famille avait tissé des liens d'amitié forts avec «
le terroriste noir ». La narration se passe 60 ans après les faits, en 2003, lors de l'attribution posthume de la médaille du mérite à Addi Ba.
Ce procédé permet de donner un rythme intéressant au récit, entre les allers-retours que permet l'omniscience donnée par 60 ans d'histoire, les parenthèses ouvertes par une vieille femme expliquant les liens de parenté, les haines, les traditions et les silences d'un bourg des Vosges, ainsi que le brouillard et les mystères entourant le monde des adultes et de la résistance pour l'adolescente qu'elle était alors. le récit et le dénouement se dévoilent ainsi petit à petit, forçant le lecteur à rester concentré, toutes les interrogations nées des commentaires de Germaine trouvant petit à petit leurs réponses.
J'ai beaucoup aimé l'écriture de
Tierno Monénembo, ainsi que l'histoire, méconnue, qu'il nous raconte : celle des tirailleurs sénégalais (qui venaient en fait de Guinée, de Côte d'Ivoire, du Congo, du Dahomey…) qui se sont retrouvés en déroute en France après l'armistice de 1940 et qui « erraient dans les forêts de France, livrés à la famine, aux Allemands et aux loups ».
Ce livre rappelle, tout en subtilité ce que la France doit à ses anciennes colonies, si souvent occulté. le fait que l'intrigue se déroule 60 ans plus tard, durée nécessaire pour que l'action d'Addi Ba soit reconnue en est une preuve éclatante.