Qu'est-ce qui peut pousser Pablo, architecte internationalement reconnu, en route depuis Madrid par un train qui dessert les petites gares jusqu'à la ville où il est attendu pour y donner une conférence, à chercher à revenir vers le village de Pozonegro, à acheter sur le champ un appartement miteux donnant sur la ligne de chemin de fer, et à s'installer dans cet endroit sans aucun intérêt sans donner de nouvelles à qui que ce soit ?
Pablo a un comportement curieux. C'est aussi ce que dit Raluca, l'autre protagoniste principale de cette histoire, sa voisine dans cet immeuble sans goût ni grâce, mais qui décide d'aider Pablo dans une solidarité naturelle : elle va le guider dans le seul supermarché de la ville, où elle est caissière, à effectuer de premiers achats indispensables, et puis ensuite va lui trouver un travail de mise en rayon dans ce même supermarché.
Mais Pablo cache de curieux secrets. Plusieurs hommes sont à ses trousses, et n'auront de cesse de le pister dans ce lieu complètement perdu, jusqu'à un final qui mettra en scène Raluca, leur voisin Felipe, un vieil homme asthmatique bien sympathique, une petite chienne trouvée par hasard, mais aussi des mauvaises personnes qui en veulent à Pablo.
Je n'en dirai pas plus, pour ne pas divulgacher le plaisir du lecteur, car il y a un côté passionnant dans ce récit de
Rosa Montero. L'autrice espagnole traite ici, sous couvert d'une belle histoire entre Pablo et Raluca que tout oppose par principe, les questions du bien et du mal, mais aussi celles de la culpabilité, de la peur et de la lâcheté, de la haine et de la passion.
Pablo est fasciné par le mal sous toutes ses formes : le récit est ponctué de rappels de faits divers tous plus horribles les uns que les autres, dans lesquels un homme terrorise sa famille ou autres horreurs incompréhensibles.
L'autrice dépeint aussi ces territoires abandonnés par les politiques, bien loin de la capitale et des grandes villes, où les commerces s'éteignent les uns après les autres, où les jeunes n'ont aucun avenir et où la vie elle-même est des plus difficiles.
Et puis il y a un réel rayon de soleil dans ce récit : Raluca, abandonnée dans son enfance, cumulant tous les handicaps possibles dans son enfance, est lumineuse sous la plume de l'autrice. Elle qui souffre d'un handicap physique qu'elle tente de dissimuler, cache une véritable grandeur d'âme, et pourrait rivaliser avec bien d'autres personnes issues de couches sociales supérieures, comme semble l'indiquer
Rosa Montero.
De l'autrice espagnole je connaissais «
le roi transparent » et «
la folle du logis », et plus récemment «
la chair » que j'ai chroniquée également, où le thème du désir a comme un écho à cette « bonne chance » que Raluca incarne ici avec luminosité.
Un roman qui fait du bien dans une période aussi sombre, pour peu qu'on sache regarder autour de nous, bien loin des réseaux sociaux et des actualités des grandes villes.
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