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J'aime beaucoup l'oeuvre d'Alan Moore, notamment la bande-dessinée Watchmen qui est un véritable chef-d'oeuvre. Quand ActuSF m'a proposé de recevoir une édition classieuse d'un ensemble de nouvelles qu'il avait publié intitulé La voix du feu, je me suis dit que j'allais tenter l'aventure. Et je suis ravie, cette nouvelle édition est franchement sublime.

Alan Moore nous propose un voyage à travers le temps en gardant comme unique point de repère la ville de Northampton, où il est né, a grandi et vit toujours. Nous faisons des bons de plusieurs centaines, voire milliers d'années, à travers les yeux d'un ensemble de personnages variés : homme attardé du néolithique (le recueil s'ouvre en effet sur une nouvelle assez opaque, un pari très osé pour décontenancer le lecteur), nonne sujette à des visions, représentant du commerce, juge libidineux… Les nouvelles sont également de longueur et de thèmes variés, tant et si bien qu'il peut sembler dans un premier temps que la cohérence soit difficile à discerner.

Mais c'est mal connaître l'auteur ! Très vite, des thèmes communs apparaissent. le premier est évidemment dans le titre, avec la présence du feu, pouvoir destructeur ou créateur qui joue un rôle dans chaque nouvelle quasiment. La présence de la magie et du fantastique, fortement emprunte de religion comme de croyances païennes. Il y a aussi bien sûr une quête de richesse, et de son pendant obscur la pauvreté. La présence du sexe, pis, de la luxure qui suinte à travers les textes et les désirs des personnages. Et la mort bien sûr, car elle hante chaque page avec une sale odeur de charogne. Enfin, il y a de multiples références aux jambes/pieds, à leur absence ou ou au fait que certains personnages soient blessés au pied et boiteux. Ici, l'auteur semble nous présenter les marqueurs de Northampton, tiraillée entre ombre et lumière.

La plume d'Alan Moore est particulièrement efficace. A la fois poétique et cruelle, elle nous emmène dans cet univers si semblable au nôtre. Il réussit une vraie prouesse en offrant une personnalité propre à chaque narrateur, car chaque nouvelle a sa propre voix. C'est particulièrement perceptible dans la première nouvelle, qui suit les pérégrinations d'un homme du néolithique souffrant d'un retard mental. La narration est très étrange, presque illisible, et doit être décryptée. Mais il s'y cache des éléments fondateurs du reste des nouvelles, comme le feu, l'omniprésence de la mort et de la souffrance, ainsi que les éléments fantastiques et ésotériques. L'écriture utilisera tous les sens pour plonger dans ces histoires brutales, intenses et hallucinées.

L'écriture permet de mettre en avant des thèmes chers à l'auteur et qui mettent souvent le lecteur mal à l'aise. C'est très perceptible via la présence importante du corps et tout ce qu'il implique de direct et peu ragoûtant. Alan Moore ne nous épargne pas les détails de la maladie ou de la mort, entre les choses noircies pas le feu, le corps transformé par la maladie ou la vieillesse… Cette forme de body horror marque une désacralisation de l'humain et montre l'aspect profondément impie et bestial qui hante les villes faussement civilisées. Il y a bien sûr l'aspect charnel, mais plus dans cet appétit bestial et avide que dans une forme d'harmonie ou d'appréciation mutuelle.

Quel étrange récit ! Alan Moore n'est pas qu'un excellent auteur de bande-dessinées, c'est aussi un très bon écrivain. La qualité de la plume en elle-même est puissante. L'écrivain nous plonge dans un univers tout en textures et odeurs, repoussantes la plupart du temps. Car il choisit de nous raconter Northampton à travers sa part obscure et sale, entre sorcellerie, stupre et violence. Si chaque nouvelle a sa propre voix, il dissémine des thématiques communes qui montrent une grande subtilité, que ce soit à travers le feu, la présence de corps morbides, la question de la folie… L'auteur crée ainsi une cohérence complexe qui séduit et a déjà fait sa marque de fabrique via d'autres médias.
Lien : https://lageekosophe.com/202..
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Premier roman d'Alan Moore - l'auteur est plus connu comme scénariste de BD avec Watchmen, From Hell, V pour Vendetta entre autre - la voix du feu est à la fois roman historique et recueil de nouvelles où le fantastique fait de mortelles incursions. Comme le titre l'indique, le feu est au coeur de l'histoire et point de départ vers des thèmes tels que la sorcellerie, les mythes et légendes, la vie et la mort. le roman s'ouvre donc sur une introduction écrite par Neil Gaiman qui ne tarit par d'éloge sur cet ouvrage en précisant qu'il n'est point linéaire mais circulaire : « c'est un plaisir de lecture et de relecture. Commencez où vous voudrez : le début et la fin sont deux bons choix, mais un cercle commence n'importe où, comme un bûcher ». Même si ces histoires sont indépendantes, il est pourtant clair à la lecture chronologique de ce livre que ces textes sont étroitement liés par des faits récurrents se répercutant à travers les siècles.

L'histoire de Northampton - ville de naissance et de coeur de l'auteur - nous est narrée en quelques douze chapitres, 12 récits. Chacun conté par un narrateur de son temps, qu'il soit né au néolithique, dans l'antiquité, au Moyen-Age jusqu'à notre siècle où la dernière voix n'est autre que l'écrivain lui-même. Une fin qu'il écrit en 1995 sous la forme d'une synthèse, nous conviant par là même à une visite fascinante dans les rue de sa ville. Point marquant qui peut lasser ou séduire selon le lecteur, c'est l'exercice de style entêtant qui jalonnent ces pages. Pour ma part, perplexe au début par le style employé mais justifié, j'ai été happée par ce cercle de voix, ces sorcières, ces fous, ces victimes, ces mystiques, ces meurtriers et autres épicuriens. L'humour trouve sa place et redonne un peu de clarté dans ce climat sombre et moite aux teintes gothiques proche de « From Hell ».

Chapeau bas au traducteur, Patrick Marcel qui a su brillamment traduire le premier chapitre. Ne vous laisser pas déstabiliser par cette première nouvelle narrée par un jeune simple d'esprit du néolithique au vocabulaire limité de 30 mots. C'est surprenant, un vrai tour de force, vous dis-je ! Un ouvrage ensorcelant à la fois tragique et cocasse à lire pour son originalité et cette traversée du temps.
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J'aime Alan Moore... Non, je vénère Alan Moore, serait plus juste. Watchmen et Promethea en particulier, que je considère être des chefs-d'oeuvre absolus. J'attends encore le bon moment pour attaquer son pavé de Jérusalem, et en attendant j'ai lu La Voix du Feu.

C'est un pseudo-roman, composé de 12 nouvelles qui s'étalent de 4000 ans avant J-C à 1995, qui se déroulent toutes à Northampton (là où vit Moore) et qui sont liées entre elles par des occurrences, des auto-références plus ou moins cryptiques.

C'est du très bon travail, Alan Moore oblige, c'est ciselé, admirable. Les connexions entre les nouvelles donnent du mystère, le panorama temporel exploré donne lieu à une grande variété, et Moore adapte à merveille son style littéraire à chaque époque et personnage... La nouvelle la plus frappante concernant le style est sans aucun doute la première, où nous sont livrées les pensées d'un jeune homme préhistorique (probablement un des moins favorisés sur le plan cognitif, d'ailleurs), avec une grammaire hyper restreinte ; c'est un début assez difficile pour le lecteur qui doit s'adapter mais l'expérience m'a plu. Après ça, tout se lit sans accroc.

Je ne donnerai pourtant que 3 étoiles à La Voix du Feu. Avec la dernière nouvelle, Moore dévoile les tenants et aboutissants de sa démarche avec ce pseudo-roman, et ce qu'on y lit est bien ce que je craignais pendant toute ma lecture...
Moore s'est servi de l'histoire, et des petites histoires surtout, qui circulent depuis longtemps dans la ville de Northampton, pour en faire un mythe d'une religion inconnue, présente qu'on le veuille ou non dans les esprits, consciemment ou inconsciemment, chez les habitants les plus réceptifs et/ou fous, les conduisant à des aventures fantastiques et souvent néfastes.
Il s'en dégage un charme indéniable, et certaines nouvelles restent vraiment à l'esprit avec des impressions vives.
Ce qui me rend mitigé sur tout ça, c'est que Moore se serve de "coïncidences", d'occurrences entre les nouvelles, pour illustrer son propos sur la puissance des occurrences et coïncidences dans la vie réelle. Je vois ce serpent qui se mord la queue (auquel Neil Gaiman, dans sa préface, fait référence en estimant que les nouvelles peuvent être lues dans un sens comme dans l'autre, par le début ou par la fin, car elles forment un cercle), je vois donc cet ouroboros littéraire, et je trouve que Moore y a perdu de sa superbe. Avec Watchmen, comme avec Prométhéa, Moore avait mis cette obsession des coïncidences subtiles au service d'un récit qui parlait d'autre chose, donnant de la puissance à ses idées. Ici, dans La Voix du Feu, cela a beau être judicieux, le fond et la forme étant parfaitement en symbiose, ça ne fait que servir à illustrer une idée qui par essence devrait être : ou bien fictionnelle, ou bien réelle. Je parle de cette idée des coïncidences intrigantes ; ou bien on parle du réel, et on voit des coïncidences et c'est super mystérieux et tout, ou bien on crée une fiction habilement intriquée de coïncidences qui la rendent plus profonde. Mélanger les deux, c'est ôter au réel sa force, et l'injecter dans une fiction qui ne sert en définitive qu'à rendre une version amoindrie de cette force au réel initial. Cela appauvrit le réel. J'ignore si je me fais bien comprendre... Moore prend des éléments impressionnants du monde réel, les modifie pour en faire une fiction qui brode bien au-delà, pour finalement nous ramener au réel, sauf que La Voix du Feu nous a montré une vision améliorée de ce réel et ce réel nous déçoit là où il aurait pu nous impressionner.

Le sujet de la synchronicité, ces coïncidences troublantes, est sans doute le plus inadaptable en fiction ! On cherche à montrer la force des coïncidences en créant de toutes pièces un livre de coïncidences ! Mais c'est de la fiction, ces coïncidences sont inventées pour coïncider, c'est absurde ! Pour moi Alan Moore s'est perdu dans son délire, sur ce coup.

Reste un ouvrage audacieux en matière de styles et qui nous fait bien vivre des moments mémorables. Un bon bouquin. Juste : pas le chef-d'oeuvre escompté pour moi. J'ai quand même hâte de me mettre à Jérusalem :-)
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Douze tranches saisissantes de la ville de Northampton à travers les âges, en une somptueuse et glaçante réécriture signifiante de l'Histoire.

Sur mon blog : https://charybde2.wordpress.com/2017/01/26/note-de-lecture-la-voix-du-feu-alan-moore/
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S'aventurer dans les voix du feu c'est faire preuve au début d'une énorme capacité de résilience. La première nouvelle est très ardue et pourtant si complexe. En un minimum de mots, Moore entraîne déjà le lecteur dans un univers sombre, nerveux et très onirique. Puis, une fois la première nouvelle passée on se frotte à une nouvelle difficulté, l'érudition de l'auteur.

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Attardons nous un instant sur l'auteur. Il n'est plus à présenter, auteur de comics ultra connus, il arpente toutes sortes de thématiques avec style, précision et panache. S'autoproclamant sorcier ou encore magicien, il n'était donc pas surprenant de voir surgir autant d'onirisme et de croyance dans un ouvrage tel que la voix du feu.

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Ce n'est pas moins de 12 nouvelles qui accompagneront le lecteur. Suivant un ordre chronologique allant de l'homme préhistorique au VRP de campagne des années 90, on suit un panel de personnages au prise avec les légendes de la création de cette ville si chère à Moore : Northampton.

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Ainsi, la voix du feu mêle érudition, style technique, recherche de vocabulaire et peut rebuter le lecteur lors de certains passages oniriques, qui semblent être caractéristiques de l'auteur. Un déroulé semé d'embûches, mais qui suinte le travail lexical et la recherche historique.

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Durant cette lecture on croisera l'imaginaire et le réel, deux composantes qui, fusionnées ensemble dessinent les contours du folklore d'une ville. Puis de cette même ville on bâtit les fondations, qui, elles, dépendront du conteur, puis sa longévité, sa capacité à perdurer dans le temps, va dépendre de ses personnages qui la modèlent, année après année, siècle après siècle.

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La voix du feu est sans conteste un premier livre indispensable pour tout amateur de Moore. Il pose les bases d'un style acquis, maîtrisé mais exigeant. On arpente pas Northampton les mains dans les poches, il va falloir traverser autant d'épreuve que les 4000ans qui séparent le début et la fin du roman.
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Quand j'ai vu que le créateur d'univers tel que From Hell, Watchmen ou encore La Ligue des Gentlemen Extraordinaires avait publié un recueil de nouvelles et qu'ActuSF le proposait en service presse (merci à eux pour ce livre !), cela m'a tout de suite intéressée. Je suis de plus une grande amatrice de nouvelles, la galerie de personnages présentée en quatrième de couverture m'intriguait beaucoup et Neil Gaiman a rédigé une introduction très élogieuse de ce livre. Cette lecture fut cependant longue et compliquée pour moi, j'ai d'ailleurs mis plus d'un mois à la terminer.

On ne va pas se mentir, j'ai déjà abandonné la première nouvelle après 10 pages. L'éditeur avertit dans sa note au début du livre qu'il ne faut pas se laisser décourager par ce premier texte, qu'il est ardu. Malheureusement, à partir du moment où mon esprit décrochait de la lecture toutes les 3 phrases à cause de l'écriture (cette nouvelle est « mal écrite » exprès pour correspondre au personnage qui est un garçon vivant à la préhistoire), cela n'a pas été possible de continuer. Vu que le recueil est dans un ordre chronologique, c'est forcément cette nouvelle qui doit commencer le roman, mais c'est un pari risqué, car elle fait quand même 60 pages et risque de décourager le lecteur. Je vous invite donc à ne pas hésiter si vous n'arrivez pas à entrer dedans à passer à la suite (et à y revenir après si ça vous dérange vraiment de ne pas tout lire :p ).

Il y a 12 nouvelles, classées par ordre chronologique, se déroulant toutes dans le petit village, puis la petite ville de Northampton. Un lieu qui se charge au fil du temps d'histoire, d'expériences, de sentiments… Les nouvelles peuvent se lire indépendamment, mais des clins d'oeil se retrouvent dans l'une et l'autre. On découvre aussi parfois la résolution d'un récit dans un des autres textes. La dernière nouvelle conclut la ligne du temps en faisant référence à toutes les autres. L'Histoire continue à hanter les personnages du présent.

L'auteur s'essaie à divers procédés littéraires dans ses nouvelles : faire parler une tête, ne pas utiliser de ponctuation, usurper le rôle d'un personnage par un autre… La religion et le sexe ont une place importante dans sa prose, mais ce ne sont souvent pas de belles choses : tout y est sale, plein de blasphèmes, de trahison, de colères et de tristesse. Une morale est souvent cachée entre les lignes, mais pas toujours celle qu'on aurait pu croire venir au début de la nouvelle.

L'auteur aime beaucoup les digressions, et ce n'est pas un mal ici. J'ai pour ma part beaucoup aimé connaitre par plusieurs chemins narratifs, au travers de mille détails, la vie des personnages et du lieu qu'ils habitent ou traversent. Une richesse qui passe autant par sa plume que par le style de narration.

Même si certains passages m'ont paru un peu longs, j'ai apprécié me plonger dans les différents récits et découvrir la vie et les moeurs des peuples durant différentes époques. J'ai beaucoup aimé la nouvelle « Complices ès tricots » qui raconte l'histoire d'un couple de sorcières promises au bûcher, ainsi que « J'ai toujours des jarretelles, en voyage », récit de vie d'un vétéran de la guerre accro aux femmes qui ne s'en sort plus avec toutes ses maîtresses !

J'ai vraiment du mal à dire si j'ai aimé ou pas ce recueil. J'ai en tout cas aimé découvrir la plume d'Alan Moore, qui s'essaie dans ce recueil à beaucoup de procédés littéraires différents, mais tout n'y est pas pour moi une réussite. le concept du recueil est original, avec des nouvelles indépendantes, mais toutes reliées par un lieu commun. Une lecture qui fut plutôt longue et compliquée pour moi, mais que je suis tout de même contente d'avoir terminée.
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Je ne sais pas vraiment comment qualifier ce livre. Est-ce un recueil de nouvelles ou un roman décousu ? Il s'agit sans doute de quelque chose entre les deux, des expérimentations littéraires parfois difficilement lisibles (le premier texte notamment). J'y retrouve es expérimentations qui ont donné Jérusalem par la suite. le tout est génialement fou, comme Moore lui-même. Je suis un fan de l'auteur et du sorcier.

Nous suivons de textes en textes, de périodes en périodes, d'humanités et humanités, des histoires aux frontières du réel. Les personnages se répondent et se ressemblent, les formes générales, le feu, la mort et la différence qui passe pour de la folie. Plus encore, le personnage principal est le lieu, ce Northampton qui a donné naissance au sorcier, romancier et scénariste neopaïen.

Au centre, il y a peut être la file du Hod avec sa coiffe qui rappelle les bois d'un cerf. Il y a des humains qui reviennent parfois comme de vieux souvenirs, des esprits presque divins. Au centre, il y a la marge des sages, des infirmes et des fous.

C'est une lecture que je referai sans doute une fois que j'aurai relu le pavé Jérusalem et peut-être From Hell, Watchmen, Constantin ou la ligue des gentlemen extraordinaires.
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Voilà une chronique qui va être difficile, car La Voix du Feu est loin d'être un livre accessible. D'une part parce qu'ALAN MOORE est un être singulier et de deux, parce que'une personne comme lui ne se contente pas de faire des choses conventionnelles. 
Pour vous donner une idée de l'oeuvre du bonhomme, il est à l'origine scénariste pour des Comics comme Watchemen, V for Vendetta ou encore From Hell, vous pigez ? ALAN MOORE à participer à un nombre incalculable de projets, tous plus barrés les uns que les autres et est de loin un personnage plus que respecté dans le milieu. 

Ça, c'est pour planter le décor. 

Pour continuer avec lui et bien comprendre le livre et surtout la chronique qui va suivre, il faut savoir que le Monsieur est adepte de magie. MOORE pense que sa belle ville de Northhampton est une sorte de point stratégique, une convergence de forces sombres qui façonnent la ville depuis des temps immémoriaux et dont il est sujet dans La Voix du Feu. Mais l'auteur ne se contente pas de fabuler ses récits, il a pris ça très au sérieux et le travail de recherche sur le lieu a été d'envergure. Des piles de livre et de documents se sont entassées autour de lui et comme il le dit lui-même dans la dernière nouvelle du livre : « Cet ouvrage est une fiction, pas un mensonge ». ALAN MOORE a pris des faits pour les retravailler et nous livrer cette « biographie » de sa ville. 
Maintenant que vous êtes familiarisé avec l'univers et la mentalité du gars, combinez donc tous les éléments de cette introduction à rallonge et permettez-moi de vous présenter le pourquoi du comment de la Voix du Feu, son seul et unique roman (pour le moment…).

La première question est de savoir s'il s'agit d'un recueil de nouvelles ou d'un roman à proprement parler. Pour répondre franchement, je dirais un peu des deux. D'une part se sont douze textes qui composent le livre, donc quelque part nous sommes un peu dans de la nouvelle. Seulement d'un autre côté … tout au long des douze récits qui composent le livre, un fil rouge est tissé et chaque texte peut, par exemple, apporter une réponse à un autre. Les thèmes sont récurrents (ou du moins des éléments, aussi insignifiants qu'ils puissent paraître au départ) comme par exemple les cercles, des forces obscures, mais surtout le feu (des trucs de magicien quoi…), mais en même temps quand on appelle son roman La Voix du Feu, je pense qu'il faut s'attendre à ce genre de chose…

Pour parler des textes, ceux-ci se présentent de façons chronologiques. Partant du néolithique où l'on suit les tribulations d'un simple d'esprit qui vient de perdre sa mère et qui se fait chasser de sa tribu jusqu'à nos jours où ALAN MOORE se fait le narrateur du dernier récit, l'auteur nous conte l'évolution des mentalités, mais surtout la progression de l'espèce humaine et de ce qui deviendra sa ville. En revanche ici rien de beau à propos de l'évolution, bien au contraire. Chaque texte est tinté de mysticisme et surtout d'un fatalisme certain, et tout au long de la lecture on ne peut s'empêcher de penser au fameux Livre de Sang d'un autre auteur anglais qui beigne aussi dans ce genre de mélasse mystico-pessimiste, j'ai nommé CLIVE BARKER. Il y a parfois du mystère à la LOVECRAFT, parfois même de la poésie, mais surtout beaucoup de rêves, qui occupent aussi une place importante dans La Voix du Feu, car peut-on vraiment séparer le caractère mystique du rêve de celui de la sorcellerie et de la magie ? 

Bref les influences sont nombreuses et l'amateur d'histoires sordides et originales y trouvera son compte bien que certains textes soient plus captivants que d'autres. Car si le bât blesse avec La Voix du Feu, ce serait cette certaine inégalité et ce manque de constance sur la longueur. Certains textes se survolent, d'autres nous immergent totalement. Quoi qu'il en soit, MOORE a su faire évoluer le langage au fur et à mesure de ses histoires et l'adapter à l'époque où celle-ci se déroule. Là où l'homme du néolithique nous bave un langage très difficile et éprouvant (s'il vous plaît restez accroché au livre les soixante premières pages et ne vous découragez pas), il devient de plus en plus aisé de lire même si le style varie d'une histoire à l'autre.

NEIL GAIMAN, qui s'occupe de l'introduction nous indique que nous pouvons commencer par où ça nous chante, que le début et la fin sont deux bons choix. Vous commencez à me connaître, je suis un homme qui aime prendre des risques, j'ai donc commencé par le début… et au final il s'avère que la fin aurait constitué un excellent choix aussi. La Voix du Feu, comme beaucoup d'allusions au cours du livre est un cercle, et par définition un cercle n'a ni de début ni de fin et si toutes ces histoires constituent les contours de ces douze nouvelles, le feu, lui (et le bûcher plus précisément) en est le centre, la Terre est née du Feu et elle finira de cette manière. C'est donc bien avec un roman géométrique qu'ALAN MOORE arrive à nous mystifier autant qu'il arrive à nous surprendre avec ses histoires de sorcières, de templiers, d'homme oiseaux ou de tête qui se confesse au bout d'une pique. Un mysticisme exacerbé suinte tout au long du livre sans pour autant que le mot « magie » ne soit prononcé et c'est là le tour de force de ce roman. 

Un livre que je ne saurais que trop conseiller aux amateurs d'oeuvres qui sortent de l'ordinaire. MOORE ne se contente pas d'écrire pour écrire ou pour fiche la trouille, il reste souvent évasif et ne rentre pas forcement dans le détail et laisse l'imagination du lecteur carburer à plein régime. 
L'une des lectures les plus étranges qu'il m'ait été donné de lire depuis belle lurette, en plus de ça la couverture illustre parfaitement le propos avec ce dragon en tête à tête avec une sorcière en train de brûler vive sur un bûcher, le tout dans des tons rouge orangé simplement magnifique.
Alors oserez-vous ? Oserez-vous pas ? Une chose est sûre c'est que La Voix du Feu ne vous laissera pas indifférent.

Zoskia


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Pour public averti. 6000 ans d'une Histoire sale, sanglante, avec des victimes et des bourreaux étranges, atypiques, humains. Des expérimentations dans l'écriture, le premier narrateur est un jeune homme préhistorique déficient mentalement...donc pas de phrases, quelques mots qui s'enchaînent, qui forment des idées. Une nouvelle également écrite sans ponctuation, avec des majuscules au hasard et des fautes d'orthographe, car le personnage est...fou! Sinon des sorcières, des chamanes, des meurtriers surnaturels, parfois, d'autres fois non. du sang, du sexe, de la folie, bien résumés dans le dernier chapitre, autobiographique? Qui donne en tous cas la clé de ce qui lie les différentes nouvelles et nous présente un lieu battit sur le sang et la folie!
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C'est une histoire de sa ville natale, Northampton, qu'Alan MOORE nous raconte en douze chapitres. de 4000 avant Jésus-Christ à 1995, les périodes clés de la ville font l'objet d'une peinture au travers de la vie d'un témoin direct, qui se fait narrateur pour l'occasion.
Il y a cet enfant attardé du néolithique qui découvre l'amour, la jalousie et le mensonge en rencontrant plus évolués que lui. Il y a encore cette jeune femme du chalcolithique qui souhaite hériter des trésors de son père relevant du chamanisme. Il y a ensuite ce chasseur de l'âge de fer qui est témoin de la disparition de tous les membres de son clan. Et puis il y a cet émissaire de Rome qui découvre que le déclin de l'Empire romain est imminent, puis cette vieille nonne qui revit la mort d'un martyr au début du Moyen-Âge. L'on apprend alors comment une église circulaire fut construite par un chevalier de retour des Croisades. L'un des seuls survivants de la Conspiration des poudres, qui visait à assassiner le roi protestant Jacques Ier au début du XVIIème siècle, raconte comment le complot fut maté. Quelques années plus tard, par concupiscence, un juge itinérant est victime de quatre sorcières. Un siècle plus tard, une autre sorcière retrace les étapes de sa vie alors qu'elle est en train de brûler, en compagnie de son amante, sur le bûcher auquel elles ont été condamnées. Pour les périodes les plus récentes, c'est un simple d'esprit qui nous raconte comment, au milieu du XIXème siècle, il s'est échappé de l'asile pour retrouver la femme qu'il n'a jamais eu ; en 1931, c'est un représentant en jarretelles qui fait le bilan de sa vie au moment de son procès ; c'est enfin l'auteur lui-même qui fait la synthèse de tout ce qui précède en nous faisant visiter Northampton en 1995.
Enumérés ainsi, ces douze chapitres peuvent sembler parfaitement décousus. En effet, la narration est par définition non linéaire, mais il faut garder à l'esprit que toutes les intrigues se déroulent en un même lieu, sur ces quelques km² où est sise aujourd'hui la ville de Northampton. Et puis Alan MOORE sait relier ses chapitres par des motifs récurrents qui constituent les fondations de l'histoire de sa ville. C'est par exemples la rivière Nene qui la borde, et l'église circulaire qui est une de ses curiosités historiques. C'est encore des images plus mythologiques tels ces immenses chiens noirs, ces jambes estropiées ou ses têtes tranchées. C'est surtout le feu que l'on retrouve dans tous les chapitres, et qui sert encore aujourd'hui de commémoration de la Conspiration des poudres tous les 5 novembre.
Et puis il y a les thèmes abordés par Alan MOORE. Ceux-ci relèvent de la vie et de la mort des hommes et des femmes qui ont fait l'histoire de Northampton, une histoire imaginaire qui court en permanence sur un fil ténu séparant le réel du surnaturel. Les vies y sont difficiles, les relations entre hommes et femmes ne sont guère que sexuelles, les morts sont souvent violentes, bien que suggérées la plupart du temps. La synthèse de tout cela se trouve probablement dans la magie et la sorcellerie, qui réapparaissent régulièrement tout au long du roman.
Tout cela fait de la voix du feu un roman à tiroirs. Chaque tiroir dévoile un mystère, tous les mystères n'étant pas résolus, et ceux qui le sont ouvrant la porte à d'autres interrogations. Sous la plume de MOORE, c'est à l'image de la vie de tout être humain dont bien des pans resteront à jamais inexpliqués.
La voix du feu est finalement une oeuvre profondément originale. Elle est certes complexe, mais on la lit avec plaisir de la première à la dernière page, tout en sachant que d'autres lectures, tout aussi plaisantes, seront nécessaires pour en appréhender correctement ses secrets et sa richesse.
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