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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Douze tranches saisissantes de la ville de Northampton à travers les âges, en une somptueuse et glaçante réécriture signifiante de l'Histoire.

Sur mon blog : https://charybde2.wordpress.com/2017/01/26/note-de-lecture-la-voix-du-feu-alan-moore/
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Voilà une chronique qui va être difficile, car La Voix du Feu est loin d'être un livre accessible. D'une part parce qu'ALAN MOORE est un être singulier et de deux, parce que'une personne comme lui ne se contente pas de faire des choses conventionnelles. 
Pour vous donner une idée de l'oeuvre du bonhomme, il est à l'origine scénariste pour des Comics comme Watchemen, V for Vendetta ou encore From Hell, vous pigez ? ALAN MOORE à participer à un nombre incalculable de projets, tous plus barrés les uns que les autres et est de loin un personnage plus que respecté dans le milieu. 

Ça, c'est pour planter le décor. 

Pour continuer avec lui et bien comprendre le livre et surtout la chronique qui va suivre, il faut savoir que le Monsieur est adepte de magie. MOORE pense que sa belle ville de Northhampton est une sorte de point stratégique, une convergence de forces sombres qui façonnent la ville depuis des temps immémoriaux et dont il est sujet dans La Voix du Feu. Mais l'auteur ne se contente pas de fabuler ses récits, il a pris ça très au sérieux et le travail de recherche sur le lieu a été d'envergure. Des piles de livre et de documents se sont entassées autour de lui et comme il le dit lui-même dans la dernière nouvelle du livre : « Cet ouvrage est une fiction, pas un mensonge ». ALAN MOORE a pris des faits pour les retravailler et nous livrer cette « biographie » de sa ville. 
Maintenant que vous êtes familiarisé avec l'univers et la mentalité du gars, combinez donc tous les éléments de cette introduction à rallonge et permettez-moi de vous présenter le pourquoi du comment de la Voix du Feu, son seul et unique roman (pour le moment…).

La première question est de savoir s'il s'agit d'un recueil de nouvelles ou d'un roman à proprement parler. Pour répondre franchement, je dirais un peu des deux. D'une part se sont douze textes qui composent le livre, donc quelque part nous sommes un peu dans de la nouvelle. Seulement d'un autre côté … tout au long des douze récits qui composent le livre, un fil rouge est tissé et chaque texte peut, par exemple, apporter une réponse à un autre. Les thèmes sont récurrents (ou du moins des éléments, aussi insignifiants qu'ils puissent paraître au départ) comme par exemple les cercles, des forces obscures, mais surtout le feu (des trucs de magicien quoi…), mais en même temps quand on appelle son roman La Voix du Feu, je pense qu'il faut s'attendre à ce genre de chose…

Pour parler des textes, ceux-ci se présentent de façons chronologiques. Partant du néolithique où l'on suit les tribulations d'un simple d'esprit qui vient de perdre sa mère et qui se fait chasser de sa tribu jusqu'à nos jours où ALAN MOORE se fait le narrateur du dernier récit, l'auteur nous conte l'évolution des mentalités, mais surtout la progression de l'espèce humaine et de ce qui deviendra sa ville. En revanche ici rien de beau à propos de l'évolution, bien au contraire. Chaque texte est tinté de mysticisme et surtout d'un fatalisme certain, et tout au long de la lecture on ne peut s'empêcher de penser au fameux Livre de Sang d'un autre auteur anglais qui beigne aussi dans ce genre de mélasse mystico-pessimiste, j'ai nommé CLIVE BARKER. Il y a parfois du mystère à la LOVECRAFT, parfois même de la poésie, mais surtout beaucoup de rêves, qui occupent aussi une place importante dans La Voix du Feu, car peut-on vraiment séparer le caractère mystique du rêve de celui de la sorcellerie et de la magie ? 

Bref les influences sont nombreuses et l'amateur d'histoires sordides et originales y trouvera son compte bien que certains textes soient plus captivants que d'autres. Car si le bât blesse avec La Voix du Feu, ce serait cette certaine inégalité et ce manque de constance sur la longueur. Certains textes se survolent, d'autres nous immergent totalement. Quoi qu'il en soit, MOORE a su faire évoluer le langage au fur et à mesure de ses histoires et l'adapter à l'époque où celle-ci se déroule. Là où l'homme du néolithique nous bave un langage très difficile et éprouvant (s'il vous plaît restez accroché au livre les soixante premières pages et ne vous découragez pas), il devient de plus en plus aisé de lire même si le style varie d'une histoire à l'autre.

NEIL GAIMAN, qui s'occupe de l'introduction nous indique que nous pouvons commencer par où ça nous chante, que le début et la fin sont deux bons choix. Vous commencez à me connaître, je suis un homme qui aime prendre des risques, j'ai donc commencé par le début… et au final il s'avère que la fin aurait constitué un excellent choix aussi. La Voix du Feu, comme beaucoup d'allusions au cours du livre est un cercle, et par définition un cercle n'a ni de début ni de fin et si toutes ces histoires constituent les contours de ces douze nouvelles, le feu, lui (et le bûcher plus précisément) en est le centre, la Terre est née du Feu et elle finira de cette manière. C'est donc bien avec un roman géométrique qu'ALAN MOORE arrive à nous mystifier autant qu'il arrive à nous surprendre avec ses histoires de sorcières, de templiers, d'homme oiseaux ou de tête qui se confesse au bout d'une pique. Un mysticisme exacerbé suinte tout au long du livre sans pour autant que le mot « magie » ne soit prononcé et c'est là le tour de force de ce roman. 

Un livre que je ne saurais que trop conseiller aux amateurs d'oeuvres qui sortent de l'ordinaire. MOORE ne se contente pas d'écrire pour écrire ou pour fiche la trouille, il reste souvent évasif et ne rentre pas forcement dans le détail et laisse l'imagination du lecteur carburer à plein régime. 
L'une des lectures les plus étranges qu'il m'ait été donné de lire depuis belle lurette, en plus de ça la couverture illustre parfaitement le propos avec ce dragon en tête à tête avec une sorcière en train de brûler vive sur un bûcher, le tout dans des tons rouge orangé simplement magnifique.
Alors oserez-vous ? Oserez-vous pas ? Une chose est sûre c'est que La Voix du Feu ne vous laissera pas indifférent.

Zoskia


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Alan Moore, vous connaissez ? Non ? Et si je vous dit, allez, au hasard, V pour Vendetta, Watchmen, From Hell, ça vous parle un peu plus ? Aaah, voilà. Parce que ce cher monsieur est le scénariste de ces BD, excusez-moi du peu !

La Voix du Feu est un recueil de 12 nouvelles qui content sur près de 6000 ans l'histoire de la ville de Northampton, initialement publié en 1996, et paru en 2019 aux Éditions ActuSF dans la collection de poche Hélios. Je remercie vivement l'éditeur pour l'envoi de cette oeuvre magistrale et inclassable en SP.

Toi lecteur qui t'apprêtes à ouvrir ce livre, sache que tu vas entrer dans un univers proche du nôtre, une réalité cruelle et viciée interprétée via le prisme du mysticisme. Ici règne la folie, aux limites (parfois allègrement franchies) du surnaturel. Ici, il faut prendre garde aux mauvais présages, aux visions, et surtout se méfier de son prochain.

Si les histoires qui composent La Voix du Feu, narrées à la première personne, se déroulent à des époques très différentes, elles sont néanmoins intelligemment liées de tant de façons qu'une seule lecture ne suffit pas pour tout appréhender, et qu'il s'agit bien ici d'un ensemble, à la limite du fix-up. Ce qui relie ces récits, outre la ville malfamée de Northampton à L Histoire jonchée de meurtres et autres rituels aux consonances morbides, ce sont les mythes et légendes. La petite histoire qui se répète à travers les âges. le crime originel qui a des répercussions encore des milliers d'années plus tard. Les rituels qui sont toujours les mêmes, effectués à la même époque de l'année, mais dont le sens s'est perdu pour mieux se réinventer. Un cercle de sang, de sexe et de crasse.

La galerie de personnages mis en scène nouvelle après nouvelle, tous plus surprenants les uns que les autres, n'est pas très agréable à contempler et encore moins sympathique. Parce qu'ils sont humains, et pas dans ce que l'humain a de plus noble ; plutôt globalement dans ses gros travers. Attention, si vous aimez les personnages nuancés, criminels, fous, illuminés, mesquins, perdus, à la psychologie toujours complexe, vous risquez d'apprécier fortement cette oeuvre. Nul héros ne franchira ces pages (par contre y'a des vrais salauds).

Par ailleurs, à noter parmi les éléments qui relient l'ensemble de ces textes : le corps qui, dans toute sa bestialité, est central. le corps couvert de pisse, de merde, de boue. le corps malade, estropié. le corps en décomposition, le corps mort. le corps jeune, vieux. Beau ou laid. le corps qui pue. le corps empli de désir ou désiré. le lecteur se retrouve ainsi très intimement lié avec les sensations corporelles de chacun des personnages qu'il suit, pour le meilleur et surtout pour le pire.

J'ai décidé de prendre mon courage à deux mains, me retrousser les manches et de vous parler de chaque nouvelle. Afin de ne pas pondre un article-fleuve indigeste, cette chronique est donc coupée en deux avec 6 nouvelles en première partie et 6 nouvelles en deuxième partie. Je vous les présente dans l'ordre de lecture qui semble le plus évident à priori : l'ordre chronologique. Mais sachez qu'une des forces de cet ouvrage est que vous pouvez en lire les récits dans n'importe quel ordre. Simplement, votre expérience de lecture sera probablement différente de la mienne car vous n'effectuerez pas les mêmes liens au même moment. Mais très honnêtement, débuter par la dernière et les lire dans l'ordre dé-chronologique (ça se dit ça ?), ou les piocher au hasard, est une expérience qu'il me semble intéressante à tenter !

Le cochon de Hob - 4000 av J.-C.

Sans aucun doute la nouvelle la plus difficile d'accès, puisqu'elle nous place directement dans la tête d'un personnage qui souffre d'un fort retard mental, possède un langage extrêmement rudimentaire et ne fait pas la différence entre rêves, hallucinations et réalité. le lecteur est avec lui dans l'immédiateté, plongé dans les pensées d'un personnage qui décrit ses ressentis au moment où il les perçoit et avec un vocabulaire très limité.

Notre narrateur est un jeune homme, ou jeune adolescent, dont on ne saura ni le nom, ni l'âge, issu d'une tribu nomade et qui vient de perdre sa mère. Incapable de travailler ou même d'aider, inutile à la survie collective, son groupe le rejette. Il va donc tenter de s'en sortir seul.

Le cochon de Hob est la nouvelle qui pose la plupart des éléments qui constitueront la mythologie de ce recueil, un récit fondateur en quelques sortes. L'auteur y dépeint des hommes capables d'une incroyable cruauté envers quelqu'un qui n'est pas à même de comprendre, et encore moins se défendre. Mais également une réalité où vivre seul, sans un groupe en soutien, sans personne qui tienne à soi et se porte garant pour soi auprès des autres, est extrêmement difficile. La chute, que je n'ai pas vue venir, est quant-à-elle glaçante. du genre qui apporte un nouvel éclairage au récit.

Néanmoins, comme je le disais, cette longue nouvelle (58p.) est difficile d'accès. N'hésitez pas à passer à la deuxième et à y revenir ultérieurement si vous sentez qu'elle constitue un frein à votre lecture.

Les Champs de crémation - 2500 av. J.-C.

Deux jeunes femmes qui voyagent séparément se croisent près d'une rivière. L'une, Oussine, explique à l'autre qu'elle doit rejoindre le père qu'elle n'a jamais connu et qui, à l'approche de la mort, souhaite la rencontrer. Peut-être pour lui confier un héritage ?

Oussine arrive au village de Pont-dans-la-Vallée et demande à rencontrer son père, Olune. Il s'agit de l'homme-Hob, sorte de druide/chamane, gardien des croyances, des trésors et des secrets de sa vallée. Son fils, Garn, qui devait lui succéder, s'est détourné des croyances anciennes. Ainsi, à l'approche de la mort, l'homme-Hob souhaite former sa fille afin de perpétuer un savoir vieux de plusieurs millénaires.

Cette longue nouvelle (74p.) est une grosse claque. Tout d'abord parce qu'elle place le lecteur dans la tête d'un des personnages les plus tordus que mon chemin de lectrice m'ait amenée à croiser (Mycroft Canner de Trop Semblable à l'Éclair a de la concurrence), et ensuite parce que l'auteur est parvenu à me faire éprouver une forme d'empathie très bizarre pour ce personnage grâce à une excellente maîtrise du suspense. Sorte de thriller teinté de surnaturel, Les Champs de crémation possède également un second niveau de lecture, centré sur l'évolution des croyances et traditions.

Par ailleurs, l'auteur sait planter un décor et narrer des éléments presque banals de la vie quotidienne en y instillant juste ce qu'il faut de tension et de suspicion, de non-dits, avec une subtilité et un talent fou. On y croit et on est directement happé dans l'atmosphère étrange du village et de la vallée, on est pris par le doute, on guette les signes afin de deviner ce qu'il risque de se passer. Et on observe ce personnage qui cherche à se rassurer en se raccrochant à sa vision rationnelle du monde, mais que son instinct prévient d'un danger.

Contrairement au Cochon de Hob, qui se posait du côté des récits fondateurs, Les Champs de crémation serait plutôt annonciateur de changement.
(...)
Lien : http://lesnotesdanouchka.com..
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Un recueil de nouvelles du Patron, c'est un moment de lecture d'une grande intensité. Frissons, horreur, glauquitude de la préhistorique à nos jours autour de Northampton et de ses légendes. Les nouvelles peuvent se lire dans l'ordre chronologique ou non. le style est impeccable bien que deux nouvelles nécessitent de s'accrocher pour ne pas décrocher. Si vous aimez l'univers d'Alan Moore, c'est du velours ! Un sacré voyage dans le stupre, le feu sacrificiel et les failles humaines. Hypnotisant.
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J'avais peur que l'art de conteur de Moore disparaisse sans image.
Idiot que je suis.
Vu l'auteur, je risque de ne pas être très impartial...

C'est fort, puissant, percutant, travaillé au papier de verre grain 0.05. Tu ressorts de la lecture avec les yeux qui brillent et le coeur qui flambe sous les émotions. Tu regardes le livre avec un air vague, comme si le voyage avait été long et lointain, t'emportant dans des lieux inconnus, hors du temps, mieux que ne le ferait un Lovecraft ou un King mais avec trois fois rien. Des mots simples, envahissant, engourdissant.
La première nouvelle est une tuerie, mais il faut s'accrocher au jeu de l'auteur parce que retranscrire une histoire (sur cinquante pages) avec le language d'un gamin attardé de la préhistoire c'est... compliqué.
Mais de là découle toutes les autres aventures dans le temps, toutes situées au même endroit avec des références aux situations précédentes, des rappels. le tout fluctue et évolue sous la thématique d'une flamme, limpide, brûlante. Pas celle qu'on utilise à défaut dans les partis politiques débiles, celle qui montre l'envie de vivre, de brûler son destin, de flamber pour marquer le monde.
C'est génial, c'est magnifique, c'est un cri retentissant à l'humanité et à ses travers.

C'est du Moore. Et c'est bien.
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